La
notion de causalité est indifféremment utilisée
lorsqu’on s’interroge sur les diverses origines possibles
du dommage ou sur la responsabilité en cas de multiples responsables
possibles. Afin de clarifier les propos au plan terminologique,
- On nommera causalité le lien de cause à effet entre
le dommage et le fait générateur (faute ou fait d’une
chose).
- On nommera imputation le lien entre la faute ou le fait d’une
chose et le responsable dans la sphère d’autorité
duquel la faute a été commise (par lui-même, un
préposé, un enfant mineur…), ou la chose anormale
dont il était gardien a produit le dommage .
Dans le domaine médical et de la santé, en cas de causes
multiples, c’est parfois la causalité au sens strict qui
pose question (I) et, dans d’autres occurrences, c’est l’imputation
(II).
I
- Incertitude et causalité
A
– Incertitude causale et faisceaux de "présomptions
graves précises et concordantes"
Cass.
1re civ. 25 juin 2009 :
En exigeant
une preuve scientifique certaine quand le rôle causal peut
résulter de simples présomptions, pourvu qu'elles
soient graves, précises et concordantes, la cour d'appel
a violé les textes
1
– En matière de produits défectueux
Cass.
1re civ., 9 juillet 2009 :
les études scientifiques versées aux débats par
la société Sanofi Pasteur MSD n'ont pas permis de mettre
en évidence une augmentation statistiquement significative
du risque relatif de sclérose en plaque ou de démyélinisation
après vaccination contre l'hépatite B, elles n'excluent
pas, pour autant, un lien possible entre cette vaccination et la survenance
d'une démyélinisation de type sclérose en plaque
Les premières manifestations de la sclérose en plaque
avaient eu lieu moins de deux mois après la dernière
injection du produit
Ni Mme X... ni aucun membre de sa famille n'avaient souffert d'antécédents
neurologiques, dès lors aucune autre cause
ne pouvait expliquer cette maladie, dont le lien avec la vaccination
relevait de l'évidence selon le médecin traitant de
Mme X..
Ces faits constituaient des présomptions graves, précises
et concordantes, la CA a pu en déduire un lien causal
entre la vaccination de Mme X..., et le préjudice subi par
elle.
Cass.
1re civ., 26 septembre 2012 : en se déterminant ainsi,
par une considération générale sur le rapport
bénéfice/risque de la vaccination, après avoir
admis, en raison de l'excellent état de santé antérieur
de Jack X..., de l'absence d'antécédents familiaux et
du lien temporel entre la vaccination et l'apparition de la maladie,
qu'il existait des présomptions graves, précises et
concordantes permettant de dire que le lien causal entre la maladie
et la prise du produit était suffisamment établi, sans
examiner si les circonstances particulières qu'elle avait ainsi
retenues ne constituaient pas des présomptions graves, précises
et concordantes de nature à établir le caractère
défectueux des trois doses administrées à l'intéressé,
la cour d'appel n'a pas donné de base légale à
sa décision
Cass.
1re civ., 22 mai 2008, 05-20317, 06-10967 : si
l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux
exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité
entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter
de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises
et concordantes.
En
se déterminant en référence à une approche
probabiliste, déduite exclusivement de l'absence de lien scientifique
et statistique entre vaccination et développement de la maladie,
sans rechercher si les éléments de preuve qui lui étaient
soumis constituaient, ou non, des présomptions graves, précises
et concordantes du caractère défectueux du vaccin litigieux,
comme du lien de causalité entre un éventuel défaut
et le dommage subi par M. X, la cour d'appel n'a pas donné
de base légale à sa décision.
Cass. 1re
civ., 22 mai 2008, 06-14952 : en se déterminant
ainsi tout en relevant que l'édition pour 1994 du dictionnaire
Vidal mentionnait au titre des effets indésirables la survenue
exceptionnelle de sclérose en plaques, de sorte qu'il lui incombait
d'apprécier la relation causale prétendue entre le vaccin
et l'aggravation de la maladie à l'époque du dernier
rappel de vaccination, en recherchant si, à cette époque,
la présentation du vaccin mentionnait l'existence de ce risque,
la cour d'appel n'a pas donné de base légale à
sa décision .
Cass. 1re
civ., 22 mai 2008, 05-10593 : aucune des études
examinées par les experts judiciaires ou produites aux débats
par les parties après le dépôt du rapport d'expertise
n'avait conclu à un lien évident entre la vaccination
et la pathologie dont souffre Mme Y... ; elle a pu en déduire
l'absence de lien causal entre la maladie et la vaccination
06-18848 : Mme X... ne rapportait pas la preuve d'un lien causal entre
l'injection qu'elle a reçue et l'apparition de la sclérose
en plaques, excluant ainsi l'imputabilité de la maladie à
la vaccination ; l'absence de certitude scientifique sur l'innocuité
du vaccin n'emporte pas de présomption de défaut.
CE,
21 novembre 2012 ;
zyloric
et le colchimax / Syndrome de Lyell :
Cass. 1e civ., 5 avril 2005 : le lien de causalité entre
l'absorption du médicament et le dommage subi par M. X
-
M. X... avait bien absorbé les médicaments litigieux
qui lui avaient été prescrits ; qu'ensuite, en ayant
relevé par motifs propres et adoptés que
- l'expert avait souligné que le lien entre l'absorption
du médicament en cause et l'apparition du syndrome de Lyell
était scientifiquement reconnu,
- M. X... avait développé ce syndrome dans un délai
de 7 à 21 jours après l'administration du colchimax
ce qui correspondait au délai habituellement constaté
entre l'administration du produit et la survenance de l'effet toxique
- la cessation du trouble coïncidait avec l'arrêt de
la prise du médicament,
- il n'était établi l'existence, ni d'une erreur de
prescription, ni d'une prédisposition du patient à
ce syndrome, ni d'une association avec d'autres médicaments
Isoméride
:
Cass. 1re civ., 24 janvier 2006 : il existait des présomptions
graves, précises et concordantes permettant, dans le cas de
Mme Y..., d'imputer l'apparition de l'HTAPP à la prise d'Isoméride
-
il ressortait des études épidémiologiques et
de pharmaco-vigilance que la dexfenfluramine constituait un facteur
favorisant l'HTAPP même si elle n'en était pas la cause
exclusive
- Mme Y... avait un état de santé satisfaisant avant
1993,
- les experts avaient écarté les autres causes possibles
d'HTAPP et estimé que l'Isoméride était
une cause directe et partielle dans la mesure où
il y avait une prédisposition de la patiente comme pour tout
malade présentant une affection très rare,
et une cause adéquate, en l'absence de tout autre
motif de nature à l'expliquer
Cass.
1re civ., 24 septembre 2009 :
les données scientifiques et les présomptions invoquées
ne constituaient pas la preuve d'un lien de causalité entre
la vaccination et l'apparition de la maladie
2
– En matière de faute médicale ou d’aléa
thérapeutique
Cass.
1re civ., 16 janvier 2013 ;
B
– Incertitude
et perte de chance
1 - Les rapports entre la causalité incertaine et la perte de
chance
Cass.
1e civ., 14 octobre 2010 : la perte de chance présente
un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée
la disparition d'une éventualité favorable, de sorte
que ni l'incertitude relative à l'évolution de la pathologie,
ni l'indétermination de la cause du syndrome de détresse
respiratoire aiguë ayant entraîné le décès
n'étaient de nature à faire écarter le lien de
causalité entre la faute commise par M. Y..., laquelle avait
eu pour effet de retarder la prise en charge de Claire X..., et la
perte d'une chance de survie pour cette dernière.
Cass.
1e civ., 17 février 2011 : l'ensemble des fautes commises
par le médecin et le personnel de la clinique avait fait perdre
à l'enfant des chances certaines d'échapper à
la constitution ou à l'aggravation des lésions cérébrales,
peu important qu'il eût subsisté une incertitude sur
l'origine de la pathologie et notamment sur l'existence possible de
facteurs pathogènes anténataux non identifiables
Cass.
1e civ., 14 octobre 2010 : la perte de chance présente
un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée
la disparition d'une éventualité favorable, de sorte
que ni l'incertitude relative à l'évolution de la pathologie,
ni l'indétermination de la cause du syndrome de détresse
respiratoire aiguë ayant entraîné le décès
n'étaient de nature à faire écarter le lien de
causalité entre la faute commise par M. Y..., laquelle avait
eu pour effet de retarder la prise en charge de Claire X..., et la
perte d'une chance de survie pour cette dernière.
Cass.
1re civ., 22 mars 2012 ;
Cass.,
1re civ, 16 mai 2013 ;
2 – Perte de chances et causes multiples du dommage
Cass.
1re civ., 22 septembre 2011: en statuant ainsi, sans rechercher
si, comme cela le lui était demandé, l'absence d'investigations
complémentaires reprochée aux praticiens n'avait pas
fait perdre à Roger X... une chance de bénéficier
d'un diagnostic et d'un traitement qui auraient pu éviter son
décès, peu important que la cause de celui-ci demeure
indéterminée, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard du texte susvisé
Cass.
1re civ, 10 avril 2013 ;
Cass.
1e civ., 7 juillet 2011 ; les fautes avaient fait perdre à
Alain X... une chance de retarder l'échéance fatale
que comportait sa maladie et d'avoir une fin de vie meilleure et moins
douloureuse, ce qui constituait une éventualité favorable
Cass.
1re civ., 26 septembre 2012 ;
C – Incertitude et droit subjectif
Cass.
1re civ, 3 juin 2010 : le non-respect du devoir d’information
(…) cause à celui auquel l’information était
légalement due, un préjudice, (que) le juge ne peut
laisser sans réparation
Cass.
1re civ., 26 décembre 2012 : visa de l'art. 1147
II
– Incertitude et imputation
A
– L’imputation incertaine et Distilbène
Distilbène
Cass.
1re civ., 24 septembre 2009 ; arrêts 2 et 3
Cass.
1re civ., 28 janvier 2010 ;
Cass.
1re civ., 6 octobre 2011 ;
B – Imputation incertaine et transfusion sanguine
C
– Imputation incertaine d’une maladie nosocomiale
Cass.
1re civ., 1er juillet 2010 ;
D
– Imputation incertaine d’une maladie au travail
Cass.
1re civ., 20 septembre 2012 ;
Cass.
2e civ., 4 avril 2013 ;
Cass. 2e civ., 17 décembre 2009 ;