Cour de cassation - Première chambre civile
3 juin 2010

n° 09-13.591

Attendu qu’ayant subi, le 20 avril 2001, une adénomectomie prostatique, M. X... qui s’est plaint d’impuissance après cette intervention, a recherché la responsabilité de M. Y..., urologue, qui l’avait pratiquée ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :
1/ que le médecin, tenu de suivre son patient aussitôt qu’il l’a opéré, doit être diligent et prudent dans l’exécution de cette obligation, dont il ne peut se décharger; qu’ainsi, viole ladite obligation le médecin qui se désintéresse du sort de son patient au point de ne le recevoir en consultation qu’un mois après l’avoir opéré, sauf à ce qu’il eut été convenu avec ce dernier que, durant ce délai de latence, il serait substitué par un autre médecin dans l’exécution de son obligation de suivi post-opératoire ; qu’en l’espèce, après avoir relevé que M. Y... n’a reçu en consultation M. X... que le 25 mai 2001, soit plus d’un mois après avoir pratiqué sur lui une adénomectomie prostatique, et en jugeant néanmoins que ce médecin n’avait pas failli à son obligation de suivi post-opératoire au prétexte qu’un autre urologue avait “vu” son patient, sans constater qu’il avait été convenu avec M. X... que son obligation de suivre ce dernier serait exécutée par cet autre urologue, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;
2/ que seul le fait du créancier constituant une force majeure exonère totalement le débiteur défaillant ; qu’en l’espèce, en écartant la faute de M. Y... consistant à avoir violé son obligation de suivi post-opératoire au motif que M. X... n’avait pas pris rendez-vous avec lui à l’issue de la seconde consultation en date du 16 juillet 2001, soit trois mois après l’intervention chirurgicale, sans caractériser le comportement imprévisible et irrésistible de M. X... qui aurait interdit son suivi par M. Y... aussitôt après l’opération, la cour d’appel a violé les articles 1147 et 1148 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que M. X... n’avait pas été laissé sans surveillance postopératoire, que le suivi avait été conforme aux données acquises de la science, que le praticien avait reçu le patient à deux reprises et prévu de le revoir une troisième fois, ce qui n’avait pas été possible en raison de la négligence de M. X..., la cour d’appel a pu en déduire l’absence de manquement fautif dans le suivi postopératoire ; que les griefs ne sont pas fondés ;

Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu les articles 16, 16-3, alinéa 2, et 1382 du code civil ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir ; que le non-respect du devoir d’information qui en découle, cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice, qu’en vertu du dernier des textes susvisés, le juge ne peut laisser sans réparation ;

Attendu que pour écarter toute responsabilité de M. Y... envers M. X..., l'arrêt, après avoir constaté le manquement du premier à son devoir d'information, retient qu'il n'existait pas d'alternative à l'adénomectomie pratiquée eu égard au danger d'infection que faisait courir la sonde vésicale, qu'il est peu probable que M. X..., dûment averti des risques de troubles érectiles qu'il encourait du fait de l'intervention, aurait renoncé à celle-ci et aurait continué à porter une sonde qui lui faisait courir des risques d’infection graves ;
En quoi la cour d’appel a violé, par refus d’application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE

D. 2010. 1522, note P. Sargos, et 2092, chron. N. Auroy et C. Creton ;
RDSS 2010. 898, note F. Arhab-Girardin ;
RTD civ. 2010. 571, obs. P. Jourdain ;
JCP 2010. 1453 ,note S. Porchy-Simon sur le second arrêt, et 1917, chron. P. Stoffel-Munck et C. Bloch ;
RLDC 2010, n° 3931

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 6 octobre 2011

N° de pourvoi: 10-21241
Non publié au bulletin Cassation partielle

Sur le moyen unique :

Vu les articles 16 et 16-3 du code civil et L. 1111-2 du code de la santé publique ;

Attendu que, pour débouter M. X..., atteint de troubles urinaires et sexuels à la suite d'une intervention pratiquée le 21 octobre 1997 par M. Y..., chirurgien, de sa demande en réparation du préjudice né de ces troubles, la cour d'appel, après avoir écarté les fautes invoquées à titre principal par M. X... à l'encontre de M. Y... au regard de l'indication opératoire et du suivi de l'intervention, a retenu que, si ce dernier ne justifiait pas avoir informé ce patient du risque de sténose urétrale, il n'était pas établi que, dûment informé des risques encourus, il aurait été susceptible d'y renoncer ;

Qu'en statuant ainsi, alors que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir, de sorte que le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice, que le juge ne peut laisser sans réparation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté un patient, monsieur X..., de sa demande en réparation de ses préjudices dirigée contre un chirurgien, monsieur Y..., et un établissement hospitalier, la clinique du Mont-Louis;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE le praticien était tenu de délivrer au patient une information claire, loyale et appropriée sur la nature des actes proposés, leurs conséquences et leurs risques afin d'obtenir un consentement éclairé de ce dernier ; que lorsque la preuve de cette obligation d'information qui pouvait se faire par tous moyens et qui incombait au praticien, n'était pas rapportée, la responsabilité de ce dernier ne pouvait être engagée que s'il était établi par le patient un préjudice en relation directe et certaine avec le défaut d'information invoqué, préjudice qui s'analysait en une perte de chance de refuser l'intervention et d'éviter le risque survenu ; qu'en l'espèce s'il ressortait des notes en date du 16 octobre 1997 du docteur Y... que celui-ci avait prévenu son patient des problèmes d'éjaculation rétrograde, il n'était pas démontré par le praticien qu'il avait informé monsieur X... du risque de sténose urétrale, risque qui s'était réalisé ; qu'il appartenait dès lors au demandeur d'établir qu'il aurait renoncé à l'intervention s'il en avait eu connaissance ; que, des traitements médicaux avaient été préalablement été prescrits par la docteur Z... en Algérie, au patient, et qu'il lui avait été conseillé, au moins à deux reprises, de refuser toute intervention chirurgicale ; que dans ces conditions, il ne pouvait être considéré que monsieur X..., à qui le traitement médical ne donnait manifestement pas satisfaction et qui avait choisi de consulter un chirurgien, aurait renoncé à l'intervention s'il avait connu le risque de sténose urétrale (jugement, p.5 § 2, 3 et 4) ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE s'il demeurait contesté en cause d'appel que monsieur X... aurait été averti des risques d'éjaculation rétrograde lors de la consultation du 16 octobre 1997 et si le docteur Y... ne justifiait pas avoir informé monsieur X... du risque de sténose urétrale, il n'était pas établi, compte tenu de l'éventualité d'un cancer de la prostate et du fait que l'intéressé était demandeur d'une intervention en dépit de l'avis de son médecin traitant en Algérie, que dûment informé des risques encourus, il aurait été susceptible d'y renoncer et avait en conséquence perdu une chance de ne pas subir les complications présentées qui n'étaient de surcroît, que partiellement liées à la résection pratiquée (arrêt p.3 § 6) ;

ALORS QUE toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir ; que le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice, que le juge ne peut laisser sans réparation ; qu'en retenant néanmoins que le manquement du praticien à son devoir d'information n'avait pas causé de préjudice au patient, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 16, 16-3, alinéa 2 et 1382 du code civil.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 12 janvier 2012

N° de pourvoi: 10-24447
Non publié au bulletin Cassation partielle

Met hors de cause sur sa demande le centre hospitalier régional universitaire de la Guadeloupe ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 16 et 16-3 du code civil, ensemble l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;

Attendu que, pour débouter M. X..., opéré, à la suite d'un traumatisme au genou droit, par M. Y..., chirurgien, de son action en responsabilité à l'égard de ce dernier, la cour d'appel, adoptant expressément les motifs des premiers juges, a constaté que les séquelles subies par le patient étaient une conséquence de l'évolution naturelle de son état et non des actes pratiqués et que, bien que ne soit pas contesté le fait qu'il n'avait reçu aucune information lors des interventions litigieuses, l'acte médical non consenti n'avait pas produit de conséquences dommageables autres que la simple méconnaissance de sa volonté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir, de sorte que le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice, que le juge ne peut laisser sans réparation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche : CASSE ET ANNULE

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de l'ensemble de ses prétentions ;

AUX MOTIFS QUE le Dr Z..., commis en qualité d'expert, par décision du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre, dans le cadre du présent litige, a conclu son rapport déposé le 10 avril 2003, en indiquant que « les lésions que M. X... impute aux interventions du Dr Y..., ne sont pas la conséquence de l'intervention du Dr Y..., l'évolution naturelle de son traumatisme au genou droit. Les soins du Dr Y... ont été effectués suivant les règles de l'art, on ne peut relever aucune faute à l'égard de ce praticien » ; que l'expert a précisé, aux termes de son rapport, que le traumatisme de la rotule peut évoluer sans raison vers une chondropathie de la rotule qui se manifeste surtout par des douleurs entraînant une impotence fonctionnelle du membre atteint et a conclu que dans le cas de M. X..., il s'agissait de l'évolution naturelle de cette forme d'affectation, son état n'ayant pas été aggravé lors des interventions subies ; que M. X..., qui ne formule aucune critique de ce rapport, ne produit aucun élément permettant de remettre en cause ces conclusions basées sur un examen attentif de la victime ainsi que des pièces médicales du dossier ; que s'agissant de l'obligation d'informer le patient sur la nature de l'acte médical envisagé, sur ses risques et d'éventuelles alternatives thérapeutiques, c'est par des motifs tout à fait pertinents qui méritent adoption que les juges du premier degré ont dit et jugé que l'acte médical non consenti n'a pas produit de conséquences dommageables au regard des conclusions de l'expert ; que la responsabilité du praticien ne saurait dès lors être engagée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le Dr Y... oppose que l'arthroscopie du 9 octobre 1990 consistait en un examen à but simplement diagnostique et que l'intervention du 9 mars 1994, une arthrotomie pratiquée dans le même temps qu'une arthroscopie, n'a consisté que dans une régularisation au bistouri et à la curette, intervention à laquelle M. X... a forcément donné implicitement son consentement ; qu'il est certain que selon les termes de l'article L. 1111-2 alinéa 2 du code de la santé publique, l'information du patient incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables ; que l'obligation pour le médecin d'informer son patient sur la nature de l'acte médical entrepris est acquise depuis un arrêt de principe de la chambre des requêtes de la Cour de cassation du 28 janvier 1942 ; qu'au terme d'une jurisprudence aujourd'hui constante, le patient doit ainsi être averti de la nature exacte de l'acte exécuté, de ses risques, ainsi que d'éventuelles alternatives thérapeutiques ; que dans cette dernière hypothèse, le devoir du médecin dépasse d'ailleurs la simple obligation d'information, pour se doubler d'un véritable devoir de conseil, le praticien devant ainsi exposer au patient les risques et avantages des différentes techniques envisageables, avant de conseiller celle qui lui paraît la plus adéquate ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'aucune information n'a été donnée au patient par le praticien ; que cependant et conformément à un arrêt de principe de la première chambre civile de la Cour de cassation du 7 février 1990 (Cass. 1ère civ., 7 février 1990, Bull. civ. I n° 39), le médecin qui n'a pas recueilli le consentement libre et éclairé de son patient, n'a pas à être condamné à réparer l'entier préjudice corporel de ce dernier puisqu'il l'a seulement privé de la chance de refuser l'acte dommageable ; que M. X..., qui réclame réparation de son entier préjudice corporel, ne peut qu'être débouté de toute ses demandes indemnitaires ; que de surcroît, l'acte médical non consenti n'a pas produit de conséquences dommageables autres que la simple méconnaissance de la volonté de M. X... ; qu'en effet, l'expert a expliqué que le traumatisme de la rotule peut évoluer sans raison vers une chondropathie de la rotule chondropathie qui se manifeste surtout par des douleurs entraînant une impotence fonctionnelle du membre atteint et il a conclu que dans le cas de M. X..., il s'agissait donc de l'évolution naturelle de cette forme d'affectation et que son état n'a pas été aggravé lors des interventions subies ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le manquement d'un médecin à son obligation légale et contractuelle d'information de son patient sur les risques et les conséquences d'une intervention chirurgicale cause nécessairement à celui-ci un préjudice que le juge est tenu de réparer ; que tout en retenant la faute du Dr Y... à raison de son manquement avéré à son obligation d'informer M. X..., la cour d'appel a considéré que cette faute n'avait causé aucun préjudice prouvé à ce patient qui a seulement été privé de la chance de refuser l'acte dommageable ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'existence d'un préjudice causé par le manquement du médecin à son obligation d'informer son patient, violant ainsi les articles 16, 16-3 et 1382 du code civil et L. 1111-6 du code de la santé publique pris ensemble ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, à tout le moins, tout patient qui n'a pas été informé préalablement aux soins ou à l'intervention chirurgicale des risques et conséquences de ceux-ci, perd une chance, constitutive d'un préjudice, de refuser l'acte dommageable ; que tout en retenant que le Dr Y... avait fait perdre à M. X... la chance de refuser l'acte dommageable, la cour d'appel qui l'a cependant débouté de toute demande indemnitaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait l'existence d'un préjudice indemnisable né de cette perte de chance au regard des articles 16, 16-3 et 1382 du code civil et L. 1111-6 du code de la santé publique qu'elle a ainsi violés.