Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 28 janvier 2010

N° de pourvoi: 08-18837
Publié au bulletin Cassation

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1315 du même code ;

Attendu qu'atteinte d'une stérilité qu'elle impute à la prise par sa mère, durant sa grossesse, de l'hormone de synthèse dénommée dyéthylstilbestrol (DES), Mme X... a recherché la responsabilité, à titre principal de la seule société UCB Pharma, fabricante de la spécialité Distilbène® et, à titre subsidiaire, de ladite société et de la société Novartis santé familiale, distribuant la molécule sous le nom de Stilbestrol Borne ;

Attendu que pour rejeter l'ensemble des demandes en expertise et en indemnisation de Mme X..., l'arrêt attaqué retient que le fait que les deux sociétés aient toutes deux mis sur le marché la molécule à l'origine du dommage, fait non contesté, ne pouvant fonder une action collective, ce fait n'étant pas en relation directe avec le dommage, il conviendrait que soit établi que les deux produits lui ont été administrés, preuve non rapportée en l'espèce ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en cas d'exposition de la victime à la molécule litigieuse, c'est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient qu'il incombe de prouver que celui-ci n'est pas à l'origine du dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Publication : Bulletin 2010, I, n° 22

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir écarté les demandes d'indemnisation et d'expertise de Mme X... formées à l'encontre des sociétés UCB Pharma et Novartis ;

AUX MOTIFS QUE la charge de la preuve des faits qu'elle invoque incombe à Mme Sophie X..., demanderesse et appelante ; qu'il lui appartient d'établir cumulativement, pour que son action en responsabilité puisse prospérer, qu'elle a été exposée à la molécule DES, sous la forme de celle fabriquée par l'un au-moins des laboratoires en la cause et que cette molécule est à l'origine de son dommage, à savoir sa pathologie ; que la preuve du rôle causal de la molécule DES dans la pathologie de Mme Sophie X..., peut valablement résulter des analyses et avis des experts, au cours de l'expertise qui est demandée ; que Mme Sophie X... doit démontrer qu'elle a été exposée soit à l'un des deux produits fabriqués par les sociétés reprises par la S.A. UCB PHARMA et la S.A.S. NOVARTIS SANTE FAMILIALE, le distilbène pour la SA UCB PHARMA et le stilbestrol Borne pour la SAS. NOVARTIS SANTE FAMILIALE, soit à ces deux produits concomitamment ou successivement ; que la SA UCB PHARMA et la SAS. NOVARTIS SANTE FAMILIALE contestent que cette preuve soit rapportée en l'occurrence ; (...) que le dossier médical de Mme Y..., mère de Mme Sophie X... ne fait mention d'aucune prescription de distilbène, mais simplement état sous la signature du Docteur Z..., ancien chef de service (décédé) « d'une grossesse surveillée spécialement du fait de l'insuffisance hormonale, rien de plus n'est précisé » ; qu'en réponse à la demande de Mme Y..., le Docteur A..., chef du service maternité du Centre hospitalier Saint Joseph et Saint Luc des hôpitaux de Lyon a confirmé qu'il n'y avait pas de trace de distilbène dans son dossier ; que Mme Sophie X... entend néanmoins, et en premier lieu, rapporter la preuve de son exposition au seul produit de la S.A. UCB PHARMA, le distilbène, et pour ce faire, invoque diverses attestations et pièces, qu'il convient d'examiner ; (...) que l'appelante se fonde sur plusieurs documents relatant son parcours médical dont notamment (...) : 1/ le compte rendu adressé, le 2 décembre 1996, au Docteur B... par le centre de radiologie d'Hlkrich-Graffenstaden de l'examen d'hystérosalpingographie pratiqué sur Mme Sophie X... qui conclut à « utérus hypoplastique évoquant un syndrome post distilbène. Epaississement de la trompe droite », 2/ le compte rendu d'un examen, pratiqué par coelioscopie le 5 mai 1997, par le Docteur C..., selon l'indication suivante « patiente ayant une hypoplasie utérine due au distilbène ainsi que deux antécédents de grossesses extra-utérine traitées de manière conservatrice par coelioscopie, une fois à droite, une fois à gauche », examen qui met en évidence un utérus de petite taille, 3/ le compte rendu d'une échographie gynécologique pratiquée le 11 août 1997 par le Docteur C... avec pour indication « suspicion de GEU chez une patiente ayant une hypoplasie due au distilbène et 2 antécédents de GEU (traitement conservateur») qui conclut à une échographie pelvienne normale ; qu'il convient de relever que si le premier document fait état d'un constat d'utérus évoquant un syndrome post distilbène, sans préciser sur quels documents médicaux ce constat est fondé, les deux autres compte-rendus d'examen ne visent ce syndrome qu'en tant qu'indication de l'examen et le compte-rendu de l'examen ne décrit aucun constat relatant et confirmant l'existence d'un tel syndrome ; (...) que ces documents se réfèrent pour certains à un syndrome DES et pour d'autres à un syndrome post distilbène ; que la S.A. UCB PHARMA produit des éléments de preuve de ce que le terme « distilbène » était employé, même par des spécialistes, au sens générique, au lieu de celui de diethylstilbestrol ou DES (...) ; que ces attestations et pièces ne constituent donc pas des preuves certaines de l'exposition de Mme Sophie X... au distilbène durant la grossesse de sa mère, ni davantage les présomptions graves, précises et concordantes, exigées par l'article 1353 du code civil ; (... ) que la notion d'action collective ou commune, ne peut trouver à s'appliquer que dans les cas où tous les participants ont commis des fautes indissociables, ou des fautes connexes, ou une action concertée, chacun ayant contribué à la réalisation du dommage, ou, en d'autres termes, en relation avec le dommage ; qu'il n'existe aucune présomption de lien de causalité en cette matière ; G.) qu'il incombe en conséquence à la cour, de rechercher les éléments de preuve certaine d'une action collective ; (...) que le fait que les deux laboratoires ont tous deux mis sur le marché la molécule à l'origine du dommage, fait non contesté, ne peut pas en tenir lieu, ce fait n'étant pas en relation directe avec le dommage subi par Mme Sophie X... ; qu'il conviendrait que soit de plus établi, que les molécules DES qu'ils produisent, ont toutes deux concouru au dommage particulier subi par Mme Sophie X..., c'est à dire qu'elles lui ont toutes deux été administrées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, aucun élément de preuve d'une administration du produit de la S.A.S. NOVARTIS SANTE FAMILIALE n'étant versé aux débats, et la cour ayant estimé, que les éléments de preuve de l'administration du distilbène de la S.A. UCB PHARMA produits aux débats, étaient insuffisants ; que la preuve d'une action collective ou concertée n'est pas rapportée ; que la stérilité, multifactorielle, n'est pas nécessairement liée à l'exposition au DES (arrêt, p. 3-6) ;

ALORS QUE lorsqu'un dommage est causé par un membre indéterminé d'un groupe, tous les membres identifiés en répondent solidairement sauf pour chacun d'eux à démontrer qu'il ne peut en être l'auteur ; que forment en ce sens un groupe les laboratoires qui ont mis sur le même marché et à une même époque sous des noms différents une même molécule à laquelle il est reproché d'avoir causé des dommages à la santé et qui ont tous commis la même faute consistant en l'absence de surveillance du produit et de ses effets nocifs; que Mme X... faisait valoir qu'elle était née en 1970, soit à une époque où le DES était habituellement prescrit en France, et qu'elle présentait une malformation de la cavité utérine et d'une stérilité caractéristiques d'une exposition au DES ; que l'arrêt constate que les deux laboratoires ont mis le DES sur le marché français à l'époque concernée ; qu'en écartant la responsabilité solidaire des sociétés UCB et Novartis au prétexte que la preuve n'était pas rapportée par la demanderesse que le DES que ces laboratoires fabriquaient lui avait été concurremment administré, quand la circonstance qu'ils l'avaient exposée in utero aux risques induits par cette molécule était établi, ce dont il résultait qu'ils formaient entre eux un groupe identifié susceptible d'être l'auteur des dommages litigieux, à supposer l'exposition au DES acquise, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du code civil ;

ET AUX MOTIFS, À LES SUPPOSÉS ADOPTES, QUE Mme X... ne conteste pas qu'elle ne dispose d'aucun document source sur la prise de DES par sa mère ; que son propre dossier médical, lors de sa constitution en 1996 et les années suivantes pose la question d'une exposition au DES, sans certitude ; qu'un syndrome post DES est évoqué avec constance, mais nullement affirmé, le dossier de sa mère évoque une insuffisance hormonale sans autre précision ; que la déclaration tardive de la mère après le déclenchement de la procédure n'a pas de caractère probant de la prise du médicament allégué ; que s'il peut se déduire du parcours médical difficile de la demanderesse son exposition au DES, il convient de souligner qu'à l'époque, la même molécule était commercialisée, sous des appellations différentes... que dès lors et à supposer avérée l'exposition, rien ne permet de savoir quel laboratoire est impliqué, le produit d'UCB étant il est vrai le plus couramment vendu ; que Madame X... ne saurait être suivie dans sa demande de responsabilité collective étrangère au droit français, en l'absence de loi la prévoyant, car si la faute est commune aux deux laboratoires encore faut-il démontrer quel médicament, commercialisé par quel laboratoire est à l'origine du dommage ; que la condition première à l'obligation in solidum est la certitude de la contribution de chacun des laboratoires à l'apparition de l'entier dommage, ou au moins de sa participation effective et/ou significative à la réalisation du dommage ; qu'ainsi, l'accumulation d'indices négatifs ne permet pas de retenir une exposition au DES (jugement, p.3) ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en constatant d'un côté qu'« il peut se déduire du parcours médical difficile de la demanderesse son exposition au DES » tout en affirmant de l'autre que « l'accumulation d'indices négatifs ne permet pas de retenir une exposition au DES », la cour d'appel s'est contredite sur le point de savoir si la demanderesse avait été exposée ou non au DES, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la preuve de l'imputabilité du dommage au produit que vendaient exclusivement les deux laboratoires défendeurs peut résulter de présomptions précises, graves et concordantes ; qu'en ne recherchant pas si les documents produits, notamment les comptes-rendus de radiologie, de coelioscopie et d'échographie gynécologique, ainsi que les études scientifiques sur la forte probabilité d'imputabilité de la pathologie subie par Mme X... à l'exposition au DES, ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes de l'exposition certaine de Mme X... au DES, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1353 du Code civil, ensemble 1382 du Code civil ;

ALORS, EN OUTRE, QUE, lorsque la victime établit que la pathologie ou la malformation dont elle est atteinte est attribuée communément au DES, qu'elle a été conçue en France à une période où ce principe actif y était massivement prescrit aux femmes enceintes et qu'il n'existe pas d'autre cause connue de ses dommages qui lui soit propre, il appartient alors au laboratoire, dont la responsabilité est recherchée, de prouver que celle-ci n'a pas été exposée au produit qu'il a mis sur le marché français à cette époque ; que Mme X... faisait valoir qu'elle était née en 1970, soit à une époque le DES était habituellement prescrit, et qu'elle présentait une malformation de la cavité utérine (utérus hypoplasique) et était victime de fausses couches récurrentes, symptômes caractéristiques d'une exposition au DES ; qu'en lui imposant en toute circonstance d'apporter la preuve de ce que sa mère s'était fait prescrire du DES durant sa grossesse, malgré l'impossibilité dans laquelle elle était d'obtenir des copies des ordonnances précisant le traitement hormonal qu'elle suivait à cette période, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du Code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE celui qui par sa faute crée un risque pour la santé humaine doit répondre des dommages qui apparaissent comme la réalisation normale et prévisible du risque ainsi créé ; que Mme X... soutenait que les laboratoires avaient manqué à leur obligation de vigilance en ne procédant pas à une surveillance des risques pesant sur les enfants par l'administration à leur mère du DES, lesquels risques étaient identifiés depuis les années cinquante, soit antérieurement à sa naissance, et qu'elle souffrait d'une malformation utérine et d'une stérilité symptomatiques d'une exposition au DES ; qu'il en résultait que les laboratoires engageaient leur responsabilité par la création fautive d'un risque à laquelle Mme X... avait été exposée et dont les dommages qu'elle subissait apparaissaient comme étant la réalisation évidente ; qu'en se bornant cependant à affirmer qu'il lui appartenait de prouver son exposition au DES durant la grossesse de sa mère, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 6 octobre 2011

N° de pourvoi: 10-15759
Non publié au bulletin Rejet

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mai 2009), Mme X..., imputant à son exposition in utero au Diethyslstilbestrol (DES) la malformation utérine dont elle était atteinte ainsi que les troubles qu'elle avait subis au cours de ses grossesses, a recherché la responsabilité des sociétés UCB Pharma et Novartis, en tant que laboratoires ayant commercialisé cette molécule à l'époque de la gestation ; qu'elle a été déboutée de ses demandes ;

Sur le premier moyen, tel qu'il résulte du mémoire en demande et est reproduit en annexe :

Attendu que l'arrêt ayant repris les prétentions et moyens de Mme X..., dont l'exposé correspond à ses dernières conclusions du 29 avril 2009, la cour d'appel, abstraction faite d'un visa erroné des conclusions précédemment déposées, a satisfait aux exigences des articles 455, alinéa 1er et 954, alinéa 2, du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches, également annexés :

Attendu qu'après avoir constaté que l'exposition in utero de Mme X... ne saurait être présumée du fait de sa malformation utérine (utérus bicorne), laquelle constitue, selon la littérature médicale produite, l'anomalie utérine la plus fréquente, que cette malformation pouvait notamment expliquer, toujours selon la même littérature, le fait qu'elle eût connu, sur un parcours particulièrement fécond (huit grossesses), des fausses couches, des grossesses à risques avec cerclages, des accouchements prématurés avec grossesse gémellaire, puis que tous les aléas de grossesse par elle invoqués étaient susceptibles d'avoir d'autres causes indépendantes de l'administration d'une hormone de synthèse, la cour d'appel appréciant souverainement, sans encourir les reproches allégués, les pièces versées au débat et l'absence d'opportunité d'une expertise, en a déduit que Mme X... ne faisait pas la preuve, qui lui incombait, dès lors qu'il n'était pas établi que le diéthylstimbestrol fût la seule cause possible de la pathologie dont elle souffrait, de ce qu'elle y avait été exposée in utero ; que le deuxième moyen n'est fondé en aucune de ses branches et que le troisième est inopérant ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté les demandes d'indemnisation et d'expertise formulées par Madame Y... à l'encontre des sociétés UCB Pharma et Novartis Santé Familiale ;

AUX MOTIFS QU'« appelante de cette décision, Mme Sophie Y... épouse X..., aux termes de ses écritures déposées le 24 avril 2009, conclut en son infirmation et elle demande, vu les articles 1165, 1382, 1383, 1353 du code civil, de,
- dire que les malformations utérines et les accidents gravidiques de grossesses sont consécutifs à la prise du distilbène pendant la grossesse de Mme Sophie Y... épouse X... et à l'exposition in utero de l'enfant,
- déclarer le laboratoire S. A UCB PHARMA responsable du dommage subi par elle et tenu de le réparer,
- à titre subsidiaire,
- dire que les malformations utérines et les accidents gravidiques de grossesses sont présumés consécutifs à la prise du DES pendant la grossesse de Mme Sophie Y... épouse X... et à l'exposition in utero de l'enfant,
- déclarer les laboratoires S. A. UCB PHARMA et S. AS. NOVARTIS SANTE FAMILIALES entièrement et solidairement responsables du dommage subi par elle et tenus de le réparer,
- à titre infiniment subsidiaire :
- ordonner une mesure d'expertise confiée à un collège d'experts qui comprendra un expert en pharmaco-vigilance, un expert en évaluation de préjudice corporel et un expert en gynécologie avec mission de (...),
- rejeter toutes autres prétentions contraires des laboratoires S. A UCB PHARMA et S. AS. NOVARTIS SANTE FAMILIALE,
- condamner le Laboratoire S. A UCB PHARMA ou les Laboratoires S. A UCB PHARMA et S. AS NOVARTIS SANTE FAMILIALE solidairement aux frais de consignation de l'expertise médicale,
- condamner le Laboratoire S. A UCB PHARMA et les Laboratoires S. A S NOVARTIS SANTE FAMILIALE solidairement au paiement de la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le Laboratoire S. A UCB PHARMA ou les Laboratoires S. A S NOVARTIS SANTE FAMILIALE solidairement aux entiers dépens » ;

ALORS QUE, la Cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées ; qu'en se prononçant, pour rejeter les demandes de la Madame Y..., au visa des conclusions déposées le 24 avril 2009, quand de nouvelles conclusions, complétant son argumentation, avaient été signifiées et déposées le 29 avril 2009, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté les demandes d'indemnisation et d'expertise formulées par Madame Y... à l'encontre des sociétés UCB Pharma et Novartis Santé Familiale ;

AUX MOTIFS QUE, « la charge de la preuve des faits qu'il invoque incombe au demandeur, en l'espèce, Mme Sophie Y... épouse X... ; que pour que l'action en responsabilité intentée par Mme Sophie Y... épouse X... puisse prospérer, il lui revient de démontrer, cumulativement, qu'elle a été exposée à la molécule DES, sous la forme de celle fabriquée par l'un au moins des laboratoires en la cause, et que cette molécule est à l'origine de son dommage, à savoir sa pathologie ; que s'agissant d'un fait juridique, la preuve en est libre, et peut donc se faire par écrit, par témoignages, dont la force probante et la pertinence sont laissées par la loi à l'appréciation souveraine des juges, ou par présomptions, lesquelles ne peuvent être retenues, suivant l'article 1353 du code civil, qu'à condition d'être graves, précises et concordantes ; que cependant le dossier médical de Mme Sophie Y... épouse X... n'ayant pas été retrouvé près de quarante ans après les faits, aucun certificat de prescription n'est produit ; que Mme Sophie Y... épouse X... entend néanmoins et en premier lieu, rapporter la preuve de son exposition au seul produit de la société UCB PHARMA S. A., le distilbène ®, et pour ce faire, invoque diverses attestations et pièces qu'il convient d'examiner,'que l'appelante se fonde sur l'attestation établie par sa mère le 1er octobre 2005 à la demande de sa fille " qui s'est inscrite à une association pour les filles du D/ STILBENE " aux termes de laquelle sa rédactrice atteste avoir pris du distilbène pendant sa grossesse dans les années 1965 et qu'à cette époque, on lui avait donné ce médicament car huit ans auparavant elle avait accouché prématurément de sa fille eînée, qu'il convient d'estimer que cette attestation est d'une faible force probante en raison du lien de filiation avec la demanderesse ; que de même, l'attestation émanant du père de l'appelante établie le 4 juin 2006, est en raison du lien de filiation avec Mme Y...et de sa proximité avec la date de l'assignation, de faible force probante ; qu'elle verse aux débats deux écrits émanant de médecins, le premier étant une attestation établie par le Docteur B...y le 31 août 2005, qui indique " cette patiente présente effectivement un utérus bicorne consécutivement à la prise de distilbène par sa mère ", le second correspondant à une lettre rédigée le 20 septembre 2006, soit en cours de procédure, par le Docteur C...qui s'adressant à un confrère lui " confie Mme Y... dont la maman a été exposée au distilbène pendant la grossesse et qui présente un utérus bicorne cloisonné " ; qu'il convient de relever que ces deux praticiens, qui ne sont pas les médecins prescripteurs de ce médicament, procèdent par voie de simples affirmations et ne font que reprendre les dires de la mère de la demanderesse ou de cette dernière elle-même et ne sauraient démontrer ni même présumer que Mme Sophie Y... épouse X... a été exposée in utero au distilbène ; que l'appelante se réfère à la malformation utérine dont elle est atteinte et à son parcours obstétrical atypique pour estimer, en l'absence de toute autre cause documentée que le lien entre son exposition au DES et ses problèmes de fécondité sont probables ; que l'exposition in utero de l'appelante ne saurait être présumée du fait de sa malformation utérine (utérus bicorne), laquelle n'est pas exclusive d'une exposition au DES et constitue selon la littérature médicale produite (pièces 11-5, 11-12, 11-6), l'anomalie utérine la plus fréquente et peut notamment expliquer, toujours selon la même littérature, le fait qu'elle ait connu, sur un parcours particulièrement fécond (huit grossesses) des fausses couches, des grossesses à risques avec cerclages, des accouchements prématurés avec grossesse gémellaire ; qu'au demeurant tous les aléas de grossesse par elle invoqués sont susceptibles d'avoir d'autres causes diverses et variées indépendantes de l'administration d'une hormone de synthèse ; que les attestations et pièces versées aux débats ne constituent donc pas des preuves certaines de l'exposition de Mme Sophie Y... épouse X... au distilbène ® durant la grossesse de sa mère, ni davantage les présomptions graves, précises et concordantes, exigées par l'article 1353 du code civil » ;

1°) ALORS QUE la preuve des faits juridiques est libre ; qu'elle peut être rapportée par tous moyens, y compris par attestations, témoignages ou présomptions ; que le seul lien de parenté entre le débiteur de la preuve et l'auteur d'une attestation ne peut suffire à priver celle-ci de toute valeur probante ; qu'en jugeant que la preuve de l'exposition au DES in utero de Madame Sophie Y... ne pouvait être rapportée par l'attestation de sa mère en raison du seul lien de filiation avec la demanderesse, la Cour d'appel a violé les articles 1315 et 1348 du Code civil ;

2°) ALORS QUE la preuve des faits juridiques est libre ; qu'elle peut être rapportée par tous moyens, y compris par attestations, témoignages ou présomptions ; que le seul lien de parenté entre le débiteur de la preuve et l'auteur d'une attestation ou sa date d'établissement ne peuvent suffire à priver celle-ci de toute valeur probante ; qu'en se fondant, pour écarter la valeur probante à l'attestation établie par le père de la demanderesse, sur le lien de parenté existant entre l'auteur de l'attestation et le débiteur de la preuve et la proximité entre sa date de rédaction et l'assignation, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants et de nouveau violé les articles 1315 et 1348 du Code civil ;

3°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant, pour rejeter la demande de Madame Y... formée contre la société Novartis Santé Familiale, que son père atteste que le médicament fabriqué par ce laboratoire n'a jamais été administré à son épouse pendant sa grossesse, après avoir jugé que cette même attestation ne pouvait se voir reconnaître de valeur probante quant à l'exposition de Madame Y... au DES in utero, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la preuve des faits juridiques est libre ; qu'elle peut être rapportée par tous moyens, y compris par attestations, témoignages ou présomptions ; qu'en écartant les écrits émanant des médecins parce qu'ils n'étaient pas les médecins prescripteurs et ne feraient que reprendre les dires de la mère de la demanderesse, sans rechercher si le fait que des médecins spécialistes reprennent lesdits propos quant à l'exposition de Madame Y... au DES in utero et tiennent cette exposition pour la cause de sa malformation au regard de leurs connaissances scientifiques, ne permettait pas de donner foi aux propos tenus par les parents de la demanderesse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 1348 du Code civil ;

5°) ALORS QUE lorsque la demanderesse établit que la pathologie ou la malformation dont elle est atteinte peut être attribuée au DES, qu'elle a été conçue en France à une période où ce principe actif y était prescrit aux femmes enceintes et qu'il n'existe pas d'autre cause connue de ses dommages qui lui soit propre, il appartient alors au laboratoire, dont la responsabilité est recherchée, de prouver que la demanderesse n'a pas été exposée au produit qu'il a mis sur le marché français à cette époque ; que Madame Y... faisait valoir qu'elle était née en 1966, soit à une époque le DES était habituellement prescrit, et qu'elle présentait une malformation faisant partie des malformations communément observées sur les femme exposées in utero au DES ; qu'en lui imposant néanmoins d'apporter la preuve de ce que sa mère s'était fait prescrire du DES durant sa grossesse, malgré l'impossibilité constatée dans laquelle elle était d'obtenir le dossier médical de sa mère, un certificat médical de prescription ou le témoignage du médecin prescripteur eu égard à l'ancienneté des faits, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1382 du Code civil ;

6°) ALORS QUE celui qui par sa faute crée un risque pour la santé humaine doit répondre des dommages qui apparaissent comme la réalisation normale et prévisible du risque ainsi créé ; que Madame Y... soutenait que les laboratoires avaient manqué à leur obligation de vigilance en ne procédant pas à une surveillance des risques pesant sur les enfants par l'administration à leur mère du DES, lesquels risques étaient identifiés depuis les années cinquante, soit antérieurement à sa naissance, et qu'elle souffrait d'une malformation symptômatique d'une exposition au DES ; qu'il en résultait que les laboratoires engageaient leur responsabilité par la création fautive d'un risque à laquelle elle avait été exposée et dont les dommages qu'elle subissait apparaissaient comme étant la réalisation évidente ; qu'en se bornant cependant à affirmer qu'il lui appartenait de prouver son exposition au DES durant la grossesse de sa mère, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

7°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent écarter une demande tendant à voir ordonner une mesure d'instruction lorsque les faits objet de cette mesure, si leur existence était établie, auraient légalement pour conséquence inéluctable de justifier la demande et qu'il s'agit de la seule façon de les établir ; que l'impossibilité d'établir la preuve d'une exposition in utero au DES du fait de l'ancienneté des faits et de la circonstance que la victime est la fille de la personne ayant reçu la molécule, impose au juge de faire droit à la demande d'expertise dès lors qu'il s'agit de la seule façon dont l'origine d'une pathologie ou d'une malformation peut être déterminée et que l'établissement de son lien avec le DES suffit à justifier la demande d'indemnisation ; qu'en relevant, pour refuser d'ordonner l'expertise sollicitée par Madame Y... qu'elle aurait en partie pour objet de pallier sa carence dans l'administration de la preuve, quand il s'agissait du seul moyen susceptible d'établir la preuve dont la charge pesait sur elle et qui aurait suffit à justifier sa demande d'indemnisation, la Cour d'appel a violé les articles 1315 et 1382 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST GAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté les demandes d'indemnisation et d'expertise formulées par Madame Y... à l'encontre des sociétés UCB Pharma et Novartis Santé Familiale ;

AUX MOTIFS QU'« à titre subsidiaire, Mme Sophie Y... épouse X... soutient, que, étant admis qu'elle a bien été exposée à la molécule litigieuse, mais étant supposé que l'identité exacte de ce produit, distilbène de la S. A. UCB PHARMA, ou stilbestrol Borne de la S. A. S NOVARTIS SANTE FAMILIALE, soit restée ignorée la preuve en étant impossible, il resterait que ces deux laboratoires auraient chacun concouru au dommage subi par elle, engageant ainsi leur responsabilité solidaire, en commercialisant ensemble et au même moment, l'hormone de synthèse DES, sous ces deux noms différents, de sorte que ce serait nécessairement un produit fabriqué par l'une des marques, ou même les deux ensembles, qui serait en cause ; (...) ; qu'en tout état de cause, la demande formée par celle-ci à l'encontre de la S. AS. NOVARTIS SANTE FAMILIALE ne saurait prospérer dès lors qu'elle ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer la prise du produit fabriqué par le Laboratoire NOVARTIS S. A. S.
par sa mère au cours de la grossesse dont elle est issue, qu'au demeurant, son père atteste que le médicament fabriqué par ce laboratoire n'a jamais été administré à son épouse durant sa grossesse » ;

1°) ALORS QUE lorsqu'un dommage est causé par un membre indéterminé d'un groupe, tous les membres identifiés en répondent solidairement sauf pour chacun d'eux à démontrer qu'il ne peut en être l'auteur ; que forment en ce sens un groupe les laboratoires qui ont mis sur le même marché et à une même époque sous des noms différents une même molécule à laquelle il est reproché d'avoir causé des dommages à la santé ; Madame Y... faisait valoir qu'elle était née en 1966, soit à une époque le DES était habituellement prescrit en France, et qu'elle présentait une malformation caractéristique d'une exposition au DES ; que les deux laboratoires attraits à la cause ont mis le DES sur le marché français à l'époque concernée ; qu'en écartant la responsabilité de la société Novartis Santé Familiale au prétexte que la preuve n'était pas rapportée par la demanderesse que le DES qu'il fabriquait avait été administré à sa mère, quand la circonstance qu'ils l'avaient exposée in utero aux risques induits par cette molécule était établi, ce dont il résultait que les laboratoires UCB Pharma et Novartis Santé Familiale formaient entre eux un groupe identifié susceptible d'être l'auteur des dommages litigieux, à supposer l'exposition au DES acquise, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du code civil ;

2°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant, pour rejeter la demande de Madame Y... formée contre la société Novartis Santé Familiale, que son père atteste que le médicament fabriqué par ce laboratoire n'a jamais été administré à son épouse pendant sa grossesse, après avoir jugé que cette même attestation ne pouvait se voir reconnaître de valeur probante quant à l'exposition de Madame Y... au DES in utero, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile.