Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 1 juillet 2010

N° de pourvoi: 09-67465
Non publié au bulletin
Rejet
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que la Clinique du Ter (la clinique) et son assureur, la société Ace European group limited, font grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 30 avril 2009) de les avoir condamnés in solidum à indemniser M. et Mme X... et leurs enfants mineurs Margot et Valentin des préjudices subis du fait de la méningite bactérienne contractée par Valentin et son frère jumeau, Hugo, nés le 28 avril 2001, lors de leur séjour dans l'établissement, et dont ce dernier est décédé près d'un an plus tard, alors, selon le moyen :

1°/ que l'infection nosocomiale se définit comme toute maladie provoquée par des micro-organismes, contractée dans un établissement de soins par tout patient après son admission, soit pour hospitalisation, soit pour y recevoir des soins ambulatoires ; qu'il n'y a donc d'infection nosocomiale que si la contamination est imputable aux soins dispensés ou à tout le moins à l'activité de l'établissement de soins ; qu'en jugeant qu'il suffisait, pour qu'il y ait infection nosocomiale, que l'infection ait été contractée au cours du séjour dans l'établissement de soins si elle était absente à l'admission dans celui-ci, par des enfants dont l'âge les rendait totalement dépendants vis à vis des tiers, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que le rapport des experts médicaux énonçait très clairement que le cas de Hugo et Valentin X... était «totalement isolé à l'époque des faits», alors que lorsqu'il s'agit d'une contamination imputable aux membres du personnel soignant, celle-ci «survient en règle générale sous forme de petites épidémies en unité de néonatologie», que l'infection n'était donc que «possiblement nosocomiale», et qu'il était, au vu des circonstances de l'espèce, «dans l'impossibilité de dire avec certitude s'il s'agissait d'une infection nosocomiale en rapport avec un défaut d'asepsie du personnel soignant ou avec un lait contaminé», expliquant qu'il était également possible que la transmission de la bactérie ait été faite «par les mains des membres de l'entourage familial» ; qu'en jugeant pourtant qu'il ressortait de ce rapport un ensemble de présomptions graves, précises et concordantes suffisant à démontrer que l'infection contractée par Hugo et Valentin X... lors de leur séjour dans la clinique avait été transmise à l'occasion des soins qu'ils y avaient reçus, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise, violant ainsi l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

3°/ qu'il incombe au patient ou à ses ayants droit de démontrer le caractère nosocomial de l'infection ; que si la cour d'appel, pour retenir l'existence du caractère nosocomial de l'infection contractée par Hugo et Valentin X..., s'est fondée sur le fait que la clinique n'ait pas procédé à une enquête épidémiologique sur les membres du personnel soignant et sur l'entourage de la famille, et à une analyse bactériologique du lait en poudre, elle a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du code civil ;

4°/ en tout état de cause, que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour conclure à une contamination de Hugo et Valentin X... par des germes provenant de l'entourage familial, la clinique et son assureur se fondaient sur le rapport d'expertise, qui avait souligné d'une part que la bactérie à l'origine de l'infection provenait de la flore intestinale des individus, de sorte qu'elle pouvait se retrouver dans les selles d'un membre de la famille, d'autre part que la soeur des deux jumeaux, Margot, qui n'était pas encore propre, avait été à plusieurs reprises changées par sa mère dans la chambre où demeuraient les deux jumeaux ; qu'en concluant à l'absence de contamination par l'entourage familial sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et motifs adoptés, a fait siennes les conclusions des experts indiquant que les enfants, dont l'âge les rendait totalement dépendants à l'égard des tiers, avaient été probablement atteints d'une infection à transmission horizontale, possiblement nosocomiale et liée aux soins prodigués ou au lait reconstitué qui leur avait été donné, sans pouvoir toutefois le certifier, à défaut pour la clinique d'avoir procédé à une enquête épidémiologique sur les membres du personnel soignant et sur l'entourage familial et à une analyse bactériologique du lait en poudre ; que les experts ajoutaient que l'absence d'épidémie de méningites néonatales à citrobacter Koseri durant la période où les enfants ont été hospitalisés ne contredisait pas l'origine horizontale de la méningite chez ces deux enfants ; qu'elle en a déduit souverainement, par une appréciation exclusive de dénaturation du rapport d'expertise et des faits de la cause, non seulement que l'infection avait été contractée par les deux nouveau-nés dans l'établissement, mais que les demandeurs avaient fait, à l'aide de présomptions graves, précises et concordantes, la preuve, qui leur incombait, de ce que la méningite contractée par Hugo et Valentin lors de leur séjour à la Clinique du Ter leur avait été transmise à l'occasion des soins qu'ils y avaient reçus et qu'il s'agissait en conséquence d'une infection nosocomiale, de sorte que la Clinique, qui ne rapportait pas non plus la preuve d'une cause étrangère susceptible de l'exonérer, devait être tenue pour responsable ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa première et sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;