Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 14 octobre 2010

N° de pourvoi: 09-69195
Publié au bulletin Cassation

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1142-1,I du code de la santé publique ;

Attendu que pour débouter les consorts X... de leur demande en responsabilité envers M. Y..., médecin, à la suite du décès de Claire X..., leur épouse et mère, des complications d'une grippe maligne contractée en décembre 2003, l'arrêt attaqué retient que si M. Y... lui avait délivré des soins consciencieux, attentifs et diligents, son hospitalisation serait intervenue plus tôt, mais qu'il était extrêmement difficile de dire si l'évolution de la pathologie eût été différente, que l'administration de l'antibiothérapie aurait été avancée mais qu'aucun élément médical ne permettait de dire que cela aurait évité la dégradation brutale de l'état de santé de Claire X... et son décès, dans la mesure où la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë dont elle était décédée n'avait pu être déterminée, de sorte qu'il n'était pas établi que la faute de M. Y... eût fait perdre à sa patiente une chance de survie ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, de sorte que ni l'incertitude relative à l'évolution de la pathologie, ni l'indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entraîné le décès n'étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par M. Y..., laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de Claire X..., et la perte d'une chance de survie pour cette dernière, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;


Publication : Bulletin 2010, I, n° 200
D. 2010, p. 2682, note P. Sargos

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par de la SCP Defrenois et Levis, avocat des consorts X... ;

MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leur demande d'indemnisation à l'encontre de M. Y... ;

AUX MOTIFS QUE c'est aux demandeurs de prouver la faute du médecin et le lien de causalité avec le préjudice subi ; que le médecin expert conclut en ces termes « il apparaît que Madame X... est décédée des suites d'une grippe maligne avec un syndrome de détresse respiratoire aigue. En ce qui concerne l'intervention des médecins à domicile, seule l'intervention du Docteur Y... peut être critiquée. Nous avons indiqué la discordance qui existait entre ses souvenirs précis lors de son intervention le 10 décembre et son amnésie du 12 décembre. La description faite par le Docteur Y... du 10 décembre aurait dû inciter à une surveillance un peu plus stricte car il décrit un fléchissement de l'état général qu'il qualifie lui-même de majeur. Des décisions plus énergiques auraient dû être prises dès le 12 décembre. Dans l'hypothèse où le Docteur Y... aurait fait une prescription sans examiner Madame X..., cela est constitutif d'une sérieuse imprudence. Si le Docteur Y... l'a examinée, des investigations complémentaires devaient être réalisées et conduire à l'hospitalisation de Madame X... sans délai. Il est extrêmement difficile de dire si l'évolution eut été différente en cas d'hospitalisation plus rapide. En revanche, si tel avait été le cas, on pourrait dire que le Docteur Y... avait fait preuve de soins consciencieux, attentifs et diligents et tel n'est pas le cas » ; que c'est pertinemment que le premier juge a déduit de ces conclusions qu'il n'était pas établi que la faute du Docteur Y... avait perdre une chance de survie à Mme X... ; que s'il est certain que l'hospitalisation plus rapide aurait permis d'avancer l'administration de l'antibiothérapie, aucun élément médical ne permet de dire que cela aurait évité la dégradation brutale de l'état de santé de Mme X... et son décès ; qu'en effet la cause du syndrome de détresse respiratoire aigué dont est décédée Madame X... n'a pu être déterminée ;

ALORS QUE la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition de la possibilité d'un événement favorable qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir retenu que l'hospitalisation plus rapide de Mme X..., qui n'avait pu avoir lieu par la faute du médecin, aurait permis d'avancer l'administration de l'antibiothérapie, ce dont il résultait nécessairement que le manquement du médecin avait fait perte une chance de survie à Mme X... ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

ALORS QUE l'expert retenait qu'«il (était) extrêmement difficile de dire si l'évolution eut été différente en cas d'hospitalisation plus rapide» de sorte qu'il n'excluait pas la possibilité d'un lien entre le manquement de diligence du médecin et la perte de chance de survie de Mme X... ; qu'en retenant cependant qu'aucun élément permettait de dire que cette hospitalisation aurait évité la dégradation brutale de l'état de santé de Mme X... et son décès, quant ce lien n'était aucunement exclu par l'expert, la cour d'appel a violé l'article 11334 du code civil.