Conseil d'État
N° 369142

Inédit au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
lecture du mercredi 27 mai 2015

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 6 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant..., M. C... B..., demeurant..., Mme E...B..., demeurant ... et Mme D...B..., demeurant... ; les consorts B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12BX00532 du 9 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, a rejeté leur appel contre le jugement n° 0104544 du 28 décembre 2007 du tribunal administratif de Toulouse rejetant la demande initialement formée par MmeB..., décédée depuis lors, tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant de la sclérose en plaques dont elle était atteinte, imputée à sa vaccination contre le virus de l'hépatite B et leurs conclusions tendant à la réparation de leurs préjudices propres ;

...
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a subi, dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle, trois injections d'un vaccin anti-hépatite B, en septembre, octobre et novembre 1992, puis un rappel le 28 septembre 1993 ; qu'ayant développé une sclérose en plaques, elle a recherché, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, la responsabilité de l'Etat à raison de cette affection qu'elle imputait à la vaccination obligatoire ; que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande par un jugement qui a été confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux ; que, saisi par Mme B...d'un pourvoi en cassation repris, après le décès de la requérante, par ses héritiers, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par une décision du 12 février 2012, annulé l'arrêt de la cour au motif qu'elle avait commis une erreur de droit en écartant toute imputabilité de l'aggravation de la pathologie à la vaccination, du seul fait que la maladie s'était déclarée antérieurement à cette vaccination, et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux ; que, par un arrêt du 9 avril 2013, cette cour a rejeté les conclusions présentées par les consorts B...au motif que ni l'apparition de la sclérose en plaques chez MmeB..., ni son aggravation ne pouvaient être regardées comme imputables à la vaccination contre l'hépatite B qui lui avait été administrée ; que les consorts B...se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant que le fait qu'une personne ait manifesté des symptômes d'une sclérose en plaques antérieurement à la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a reçue n'est pas, par lui-même, de nature à faire obstacle à ce que soit recherchée l'imputabilité de l'aggravation de cette affection à la vaccination ; que le lien direct entre la vaccination et l'aggravation de la pathologie doit être regardé comme établi lorsque des signes cliniques caractérisés d'aggravation sont apparus dans un bref délai à la suite d'une injection et que la pathologie s'est, à la suite de la vaccination, développée avec une ampleur et à un rythme qui n'étaient pas normalement prévisibles au vu des atteintes que présentait la personne antérieurement à celle-ci ;

3. Considérant que, pour retenir que la condition relative à l'apparition de signes d'aggravation dans un bref délai après une injection n'était pas remplie en l'espèce, la cour a relevé que ce n'était que le 5 mai 1993, soit un peu plus de cinq mois après l'injection pratiquée le 17 novembre 1992, qu'un médecin avait constaté une aggravation de l'état neurologique de la patiente ; qu'en se fondant sur la date de la constatation médicale des symptômes sans se prononcer sur la date de leur apparition, alors qu'il ressortait, au surplus, des pièces de dossier soumis aux juges du fond que ces symptômes étaient apparus au mois de février 1993, la cour a commis une erreur de droit ;

4. Mais considérant que la cour administrative d'appel a retenu que la condition relative au rythme et à l'ampleur de l'évolution de la maladie n'était pas davantage remplie ; qu'elle a relevé que Mme B...avait présenté au cours de l'année 1990 une maladie neurologique se manifestant par une déficience motrice de la jambe gauche, en avril 1992 un syndrome pyramidal prédominant à gauche avec un Babinski bilatéral évoquant une pathologie démyélinisante, en mai 1993 une déficience motrice de son membre inférieur droit, avec syndrome tétrapyramidal et syndrome cérébelleux associés à des troubles sensitifs, à l'automne 1994 un déficit moteur prépondérant au niveau du membre inférieur droit et un syndrome cérébelleux modéré ; qu'elle a également relevé qu'en janvier 1995, un professeur de médecine notait qu'elle présentait de façon progressive depuis quatre ans des troubles de la marche et de l'équilibre et relevait que la symptomatologie évoluait " de façon strictement progressive, sans notion de poussée " ; que la cour a ajouté que l'évolution progressive de la maladie s'était poursuivie au cours des années suivantes, une paralysie légère des quatre membres apparaissant en novembre 2001 et que Mme B...était décédée de sa maladie en 2010 ; que les juges d'appel ont déduit de ces constatations qu'il résultait de l'instruction que la sclérose en plaques de Mme B...s'était installée et aggravée progressivement, avant et après la vaccination, et qu'à la suite des trois injections pratiquées à l'automne 1992 et du rappel de septembre 1993 la maladie ne s'était pas développée avec une ampleur et à un rythme qui n'étaient pas normalement prévisibles au vu des atteintes constatées antérieurement à la vaccination ;

5. Considérant que, pour porter cette appréciation sur l'évolution de la maladie, la cour s'est fondée sur l'ensemble des données médicales du dossier ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le pourvoi, elle ne l'a pas déduite, au prix d'une erreur de droit, de l'appréciation qu'elle avait portée sur le point de savoir si des signes d'aggravation étaient apparus dans un bref délai après une vaccination ; qu'elle ne s'est pas bornée à constater le caractère progressif de la dégradation de l'état de santé de la patiente mais a estimé que le rythme de cette dégradation n'avait pas été notablement plus rapide pendant la période postérieure aux vaccinations que pendant la période antérieure ; que la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n'a dénaturé les pièces du dossier ni en retenant que la pathologie présentait un caractère évolutif dès avant les vaccinations, ni en estimant que le rythme de son évolution ne s'était pas notablement accéléré après celles-ci ; que, par application des règles rappelées au point 2, ce motif impliquait que la vaccination n'était pas à l'origine d'une aggravation de la maladie ; qu'il suffit, par suite, à justifier le dispositif de l'arrêt attaqué ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts B...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ; que leur pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi des consorts B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à M. C... B..., à Mme E... B...et à Mme D... B...et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Copie en sera adressée, pour information, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et à l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

 

Conseil d'État

N° 363036
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
lecture du mercredi 5 novembre 2014


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., sapeur-pompier professionnel employé par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Hérault, est atteint d'une sclérose en plaques qu'il impute à des injections de vaccin contre l'hépatite B qu'il a subies, dans le cadre de son activité professionnelle, les 19 juillet, 18 août et 20 septembre 1993 et le 3 novembre 1994 ; que, saisi par l'intéressé d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision du président du SDIS refusant de reconnaître l'imputabilité de la maladie au service, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 11 juillet 2007 devenu définitif, admis l'existence d'un lien direct entre les injections et la maladie et annulé en conséquence la décision attaquée ; que, par un jugement du 25 mars 2009, le même tribunal a rejeté une demande de l'intéressé tendant à la condamnation de l'Etat et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices résultant pour lui de son affection ; que la cour administrative d'appel de Marseille a statué sur l'appel de M. A...contre ce jugement par un arrêt du 1er avril 2010 qui a été annulé par une décision du 1er juin 2011 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ; que la cour, statuant à nouveau après renvoi de l'affaire, a, par un arrêt du 17 juillet 2012, annulé le jugement du 25 mars 2009, mis l'Etat hors de cause, admis le principe de l'indemnisation par l'ONIAM et ordonné une expertise pour évaluer les préjudices ; que la minute de cet arrêt a été corrigée, en ce qui concerne la mention de la composition de la formation de jugement, par une ordonnance du 24 août 2012 de la présidente de la cour administrative d'appel ; que l'ONIAM se pourvoit en cassation contre l'arrêt et contre l'ordonnance ;

2. Considérant que, pour juger que l'ONIAM était tenu de réparer, au titre de la solidarité nationale, les préjudices résultant de la sclérose en plaques dont M. A...est atteint, la cour administrative d'appel s'est fondée sur l'autorité absolue de chose jugée s'attachant aux motifs du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juillet 2007 par lesquels celui-ci a reconnu que la sclérose en plaques développée par M. A...était imputable à l'administration du vaccin contre l'hépatite B qu'il avait subie dans le cadre du service ; que, toutefois, l'autorité de chose jugée dont sont revêtus les motifs d'un jugement annulant pour excès de pouvoir le refus de l'administration de reconnaître, en application de dispositions statutaires, l'imputabilité au service de la maladie d'un de ses agents ne fait pas obstacle à ce que la cause de cette affection soit à nouveau discutée devant la juridiction saisie d'une demande tendant à l'indemnisation par un tiers, sur un autre fondement juridique, des préjudices qui en résultent ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt du 17 juillet 2012 ainsi que, par voie de conséquence, l'ordonnance du 24 août suivant doivent être annulés ;

3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;

Sur l'applicabilité des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique au présent litige et la détermination du débiteur de l'indemnisation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire (...) est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (...) au titre de la solidarité nationale (...) " ; que l'article 193 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 dispose : " L'article L. 3111-9 du code de la santé publique est applicable aux personnes exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle ou volontaire au sein de services d'incendie et de secours qui ont été vaccinées contre l'hépatite B depuis la date d'entrée en vigueur de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a reçu des injections de vaccin contre l'hépatite B dans le cadre de son service au sein du SDIS de l'Hérault postérieurement au 21 janvier 1991 ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique sont, en vertu de l'article 193 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, applicables à sa demande de réparation des conséquences dommageables qu'il estime avoir subies du fait de cette vaccination ; qu'en application de ces dispositions, il appartient à l'ONIAM de réparer, au titre de la solidarité nationale, les préjudices directement imputables à une vaccination ; que l'indemnisation ne saurait, par suite, être mise à la charge de l'Etat ;

Sur le bien-fondé de la demande de M. A...dirigée contre l'ONIAM :

6. Considérant qu'alors même qu'un rapport d'expertise, sans l'exclure, n'établirait pas de lien de causalité entre la vaccination et l'affection, l'ONIAM peut être tenu d'indemniser, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, les conséquences dommageables d'injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'apparition des premiers symptômes d'une sclérose en plaques, éprouvés par l'intéressé et validés par les constatations de l'expertise médicale, d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée et à l'absence, chez elle, de tout antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ; que la preuve des différentes circonstances à prendre ainsi en compte, notamment celle de la date d'apparition des premiers symptômes d'une sclérose en plaques, peut être apportée par tout moyen ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les premiers symptômes de la sclérose en plaques dont M. A...est atteint, diagnostiquée en 1996, sont apparus en juillet 1994, soit près de dix mois après la troisième injection subie le 20 septembre 1993 ; que ce délai ne peut être regardé comme bref ; que, dès lors, l'affection dont il est atteint ne peut être regardée comme directement imputable à la vaccination contre l'hépatite B qu'il a subie ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat et l'ONIAM l'indemnisent des préjudices résultant de la sclérose en plaques dont il est atteint ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ONIAM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... les dépens demandés par l'ONIAM au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 juillet 2012 et l'ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille du 24 août 2012 sont annulés.

Article 2 : La requête présentée par M. A...devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. B...A...et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Copie en sera adressée pour information au service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault.

 

Conseil d'État

N° 344561
Publié au recueil Lebon
lecture du mercredi 21 novembre 2012

...

1. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que M. B, a, préalablement à son recrutement comme fonctionnaire par la ville de Paris et à la demande de son employeur, reçu deux injections du vaccin contre l'hépatite B les 2 décembre 1994 et 12 février 1995 ; qu'à la suite de cette vaccination, il a constaté une augmentation des douleurs musculaires dont il souffrait antérieurement et présenté un état de faiblesse généralisée, une fatigue chronique, des douleurs articulaires, des troubles du sommeil, puis des troubles cognitifs ; qu'à la suite d'une biopsie musculaire ayant révélé qu'il souffrait de lésions focales de myofasciite à macrophages, il a été placé en congé de longue maladie à plein traitement à compter du 16 octobre 2002 ; que toutefois, après de nouvelles expertises, le maire de Paris l'a placé en congé de maladie ordinaire à compter du 1er avril 2008 par une décision du 27 mars 2008, confirmée, après l'avis du comité médical départemental, par une seconde décision du 29 mai 2008 ; que, sous le n° 344561, la ville de Paris se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a, à la demande de M. B, annulé ces deux décisions ;

2. Considérant, par ailleurs, que, par un jugement du 29 juillet 2009, le tribunal administratif de Paris a notamment condamné la Ville de Paris à verser à M. B la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui de la vaccination qu'il avait subie et non pris en compte au titre des accidents de service ; que, sous le n° 356462, M. B se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement en tant qu'il condamnait la ville de Paris et rejeté dans cette mesure sa demande de première instance ;

3. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans le cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmé. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie (...) " ;

Sur le pourvoi de la ville de Paris :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que, dans son mémoire en défense enregistré le 30 mars 2010 au greffe du tribunal, la ville de Paris soutenait qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, l'existence d'un lien de causalité entre le vaccin contre l'hépatite B et la myofasciite à macrophages n'était pas établi ; que le tribunal a fait droit à la demande de M. B sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que dès lors, il a insuffisamment motivé son jugement ; que celui-ci doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant que M. B demande l'annulation des décisions des 27 mars et 29 mai 2008 par lesquelles le maire de Paris, estimant que sa maladie n'était pas imputable au service, l'a placé en congé de maladie ordinaire à compter du 1er avril 2008 ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B souffrait, depuis l'âge de 17 ans, de douleurs musculaires à l'effort ayant entraîné une diminution de son activité physique puis une cessation de son activité sportive ; qu'après avoir subi, dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle, deux injections d'un vaccin anti-hépatite B en décembre 1994 et février 1995, il a constaté une augmentation de ses douleurs musculaires et présenté un état de faiblesse généralisée, une fatigue chronique, des douleurs articulaires, des troubles du sommeil, puis des troubles cognitifs ; qu'une biopsie réalisée en 2002 a mis en évidence des lésions de myofasciite à macrophages à l'emplacement des injections vaccinales ;

9. Considérant que, pour apprécier si une maladie est imputable au service, il y a lieu de prendre en compte le dernier état des connaissances scientifiques, lesquelles peuvent être de nature à révéler la probabilité d'un lien entre une affection et le service, alors même qu'à la date à laquelle l'autorité administrative a pris sa décision, l'état de ces connaissances excluait une telle possibilité ; que, contrairement à ce que soutient la ville de Paris, il ne ressort pas des pièces du dossier que dans le dernier état des connaissances scientifiques, et alors même que cet état serait postérieur aux décisions attaquées, la probabilité d'un lien entre les injections d'un vaccin contenant de l'aluminium, la présence de lésions musculaires caractéristiques à l'emplacement des injections et la combinaison de fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires, troubles du sommeil et troubles cognitifs, symptômes de la myofasciite à macrophages, soit très faible ;

10. Considérant qu'il ressort du certificat médical du professeur Authier, spécialiste des maladies neuromusculaires, que M. B présente, outre des lésions musculaires de myofasciite à macrophages à l'emplacement des injections vaccinales qu'il a subies, l'ensemble des symptômes de la myofasciite à macrophages, et que ces symptômes se sont installés postérieurement à la vaccination, dans un délai normal eu égard au délai d'apparition des premiers signes de la maladie ; qu'il ressort de ce certificat médical et du rapport d'expertise du professeur Salmon-Ceron que le rythme et l'ampleur de l'aggravation de l'état de santé de M. B n'étaient pas normalement prévisibles au vu des atteintes qu'il présentait antérieurement à sa vaccination ; qu'il n'est pas soutenu que les lésions de myofasciite à macrophages et les symptômes qui y sont associés pourraient résulter d'une autre cause que les vaccinations que M. B a dû subir en raison de son activité professionnelle ; que dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, le lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B subie par M. B dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle et la myofasciite à macrophages dont il souffre doit être regardé comme établi ; que, par suite, la maladie dont souffre M. B doit être regardée comme imputable au service ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande de M. B, que les décisions du maire de Paris des 27 mars et 29 mai 2008 le plaçant en congé de maladie ordinaire doivent être annulées ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris le versement à M. B de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

Sur le pourvoi de M. B :

13. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt attaqué que la cour a jugé qu'il n'existait pas de lien de causalité entre la vaccination subie par M. B et l'apparition de sa maladie, après avoir relevé que l'état actuel des connaissances scientifiques ne permettait pas de démontrer l'existence d'un lien entre la vaccination et la survenue d'un syndrome clinique, qu'un délai de plus de trois mois s'était écoulé entre la dernière injection du vaccin contre l'hépatite B reçue par l'intéressé le 12 février 1995 et les premiers symptômes de son affection, et que la myofasciite à macrophages n'avait été diagnostiquée que plus de sept ans après la première injection du vaccin ;

14. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier qui était soumis à la cour, d'une part, que des études scientifiques récentes n'ont ni exclu, ni estimé comme très faiblement probable l'existence d'un lien entre les injections d'un vaccin contenant de l'aluminium, la présence de lésions musculaires caractéristiques à l'emplacement des injections et la combinaison de fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires, troubles du sommeil et troubles cognitifs, symptômes de la myofasciite à macrophages, et, d'autre part, que les symptômes présentés par M. B étaient apparus dans un délai pouvant être regardé comme normal eu égard au délai d'apparition des premiers signes de la maladie ; que par ailleurs, la date du diagnostic final de myofasciite à macrophages est sans incidence sur la date à laquelle cette maladie est apparue ;

15. Considérant, dès lors, que M. B est fondé à soutenir qu'en jugeant qu'il n'existait pas de lien de causalité direct et certain entre sa maladie et les injections vaccinales qu'il avait subies, la cour a qualifié de façon erronée les faits de l'espèce ; que son arrêt doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris le versement à M. B de la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 novembre 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire n° 356462 est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2010 est annulé.
Article 4 : Les décisions du maire de Paris des 27 mars et 29 mai 2008 sont annulées.
Article 5 : La ville de Paris versera à M. B la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la ville de Paris enregistré sous le n° 344561 est rejeté.
Article 7 : Les conclusions présentées par la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous le n° 356462 sont rejetées.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la ville de Paris et à M. Bernard B.