Sur le moyen unique du pourvoi n° F 02-12.065, pris en ses quatre branches,
formé par la société Laboratoire Aventis ;
Attendu que la société Laboratoire Aventis fait grief à
l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à réparer
le dommage subi par M. X... alors, selon le moyen :
1 / qu' en se fondant pour retenir que M. X... avait absorbé le médicament
incriminé, sur les seules déclarations de celui-ci non corroborées
par des éléments objectifs, la cour d'appel a méconnu la
règle selon laquelle nul ne peut se constituer une preuve à lui-même
et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article
1147 du Code civil ;
2 / qu'en se prononçant par un motif nécessairement hypothétique
en l'absence de constat objectif de la réalité de la communication
des ordonnances par M. X... au médecin ayant affirmé la prise
des médicaments, la cour d'appel qui n'a procédé que par
déduction, suppléant la carence de la preuve incombant à
M. X... a privé son arrêt de base légale au regard de l'article
1147 du Code civil ;
3 / qu'en se fondant sur des considérations insuffisantes ne faisant
pas ressortir la réalité d'une impossibilité de production
des ordonnances du patient, la cour d'appel qui a ainsi, sans justification,
pallié la carence de M. X... dans l'administration de la preuve qui lui
incombait, n'a pas légalement justifié son arrêt au regard
de l'article 1147 du Code civil ;
4 / qu'en énonçant que le syndrome de Lyell était imputable
de façon plausible aux médicaments incriminés et qu'un
lien de causalité ne pouvait être exclu , la cour d'appel n'a pas
légalement justifié sa décision au regard de l'article
1147 du Code civil
Mais attendu, d'abord, que le moyen ne tend, dans ses trois premières branches, qu'à remettre en cause le pouvoir des juges du fond qui ont souverainement estimé au vu des éléments de preuve qui leur étaient soumis que M. X... avait bien absorbé les médicaments litigieux qui lui avaient été prescrits ; qu'ensuite, en ayant relevé par motifs propres et adoptés que l'expert avait souligné que le lien entre l'absorption du médicament en cause et l'apparition du syndrome de Lyell était scientifiquement reconnu, que M. X... avait développé ce syndrome dans un délai de 7 à 21 jours après l'administration du colchimax ce qui correspondait au délai habituellement constaté entre l'administration du produit et la survenance de l'effet toxique, que la cessation du trouble coïncidait avec l'arrêt de la prise du médicament, qu'il n'était établi l'existence, ni d'une erreur de prescription, ni d'une prédisposition du patient à ce syndrome, ni d'une association avec d'autres médicaments, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée par motifs hypothétiques a exactement caractérisé le lien de causalité entre l'absorption du médicament et le dommage subi par M. X... et a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° C 02-11.947 pris dans sa première
branche, formé par la société Laboratoire Glaxosmithkline
:
Attendu que la société Laboratoire Glaxosmithkline fait grief
à l'arrêt attaqué d'avoir retenu sa responsabilité
alors, selon le moyen, qu'en n'ayant pas constaté un manquement de la
société Laboratoire Glaxowellcome à son devoir d'information
dans la notice du zyloric et ce d'autant que, comme elle le rappelait dans ses
conclusions, M. X... ne lui reprochait pas un tel manquement et soulignait lui-même
dans ses propres écritures "que la notice du zyloric fait référence
expresse au syndrome de Lyell", la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que les juges du fond n'ont pas retenu à l'encontre du Laboratoire
Glaxosmithkline un manquement à son obligation d'information en ce qui
concerne la notice du "zyloric" ; que le moyen manque en fait ;
Mais sur la seconde branche du même moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil interprété à la lumière
de l'article 6 de la directive n° 85/374 du Conseil des Communautés
européennes du 25/7/1985, alors non encore transposée en droit
français ;
Attendu que pour décider que le médicament zyloric était
atteint de défauts de nature à causer un danger pour les personnes
et qu'il n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait
légitimement s'attendre, l'arrêt retient qu'il suffit de constater
que certains des principes actifs du médicament en cause sont dangereux,
même si la manifestation du danger est rare ;
Attendu qu'en statuant ainsi sans rechercher si, au regard des circonstances
et notamment de la présentation du produit, de l'usage que le public
pouvait raisonnablement en attendre, du moment de sa mise en circulation et
de la gravité des effets nocifs constatés, le produit était
défectueux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale
à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2005 I N° 173 p. 146
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 23 septembre 2003 Cassation.
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche
:
Vu les articles 1147 et 1382 du Code civil interprétés à
la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;
Attendu que la responsabilité du producteur est soumise à la condition
que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit et le
lien de causalité entre le défaut et le dommage ;
Attendu que Mme X..., soumise en raison de sa profession à une obligation
de vaccination contre l'hépatite B, a reçu, les 22 juillet, 3
septembre et 7 octobre 1994, trois injections du vaccin anti-hépatite
B Engerix B fabriqué par le laboratoire pharmaceutique Smithkline Beecham
et a appris, en novembre 1994, qu'elle était atteinte de sclérose
en plaques ; qu' elle a assigné la société Smithkline Beecham,
devenue la société Glaxo-Smithkline, en réparation de son
préjudice en faisant valoir que l'apparition de cette maladie était
due à la vaccination ; qu'elle a néanmoins accepté l'indemnisation
proposée par la Direction générale de la santé en
application de l'article L. 3111-9 du Code de la santé publique ;
Attendu que pour retenir la responsabilité du laboratoire, l'arrêt
attaqué, après avoir constaté que l'étiologie de
la sclérose en plaques était inconnue et que ni les expertises
ni les études scientifiques ne concluaient à l'existence d'une
association entre la vaccination et cette maladie, relève que la possibilité
d'une telle association ne peut être exclue de façon certaine,
que Mme X... était en parfaite santé jusqu'à la première
injection du vaccin, qu'il existe une concordance entre la vaccination et l'apparition
de la maladie également constatée chez d'autres malades et qu'il
n'y a, dans le cas de Mme X..., aucune autre cause de déclenchement de
la maladie ; qu'il en déduit que le vaccin a été le facteur
déclenchant de la maladie développée par Mme X... et que
le dommage causé à celle-ci établit une absence de la sécurité
à laquelle son utilisateur pouvait légitimement s'attendre et
démontre la défectuosité du produit ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans tirer les conséquences légales
de ses constatations desquelles il résultait que le défaut du
vaccin comme le lien de causalité entre la vaccination et la maladie
ne pouvaient être établis, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième
et troisième branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2003 I N° 188 p. 146
Revue trimestrielle de droit civil, janvier-mars 2004, n° 1, p. 101-103,
note Patrice JOURDAIN.
La semaine juridique, Ed. générale, n° 1-2, 2004-01-07, chronique,
I, 101, p. 23-26, observations Geneviève VINEY