Article
1165 : Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes
; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans
le cas prévu par l'article 1121.
Schémas
de situations
Période
0
Cass.
Com., 11 octobre 1971 : toute personne qui, avec connaissance,
aide autrui a enfreindre les obligations contractuelles pesant sur
lui, commet une faute delictuelle a l'egard de la victime de l'infraction
Cass. Civ. 3e, 21 mars
1972 : si, en principe, les conventions n'ont d'effet qu'a l'egard
des parties, il ne s'ensuit pas que les juges ne puissent rechercher,
dans des actes etrangers àl'une des parties en cause, des renseignements
de nature à eclairer leur decision, ni ne puissent considerer
comme créant une situation de fait à l'égard
des tiers les stipulations d'un contrat
Période
I
Incitations
de la doctrine : il faut permettre aux contractants (notamment fabricants,
sous-traitants...) de faire valoir les limitations de responsabilité
qu'ils ont prévu dans leur contrats, même si c'est un
tiers sous-acquéreur qui invoque leur responsabilité.
Leur responsabilité doit être de nature contractuelle,
ce qui leur permettra d'invoquer leurs clauses. Leur responsabilité
est "nécessairement contractuelle" écrit Dury
Cass.
Civ. 1e, 9 octobre 1979 : l'action directe dont dispose le sous-acquereur
contre le fabricant ou un vendeur intermediaire, pour la garantie
du vice cache affectant la chose vendue des sa fabrication, est necessairement
de nature contractuelle (! nécessairement
??)
Cass.
Ass. Plénière, 7 février 1986 : Mais attendu
que le maître de l'ouvrage comme le sous-acquéreur, jouit
de tous les droits et actions attachés à la chose qui
appartenait à son auteur ; qu'il dispose donc à cet
effet contre le fabricant d'une action contractuelle directe fondée
sur la non-conformité de la chose livrée
Deux
interprétations possibles ici : soit on a une simple manifestation
de la théorie de l'accessoire (l'action est transmise avec
la chose dans les chaines homogènes de contrats) ; soit l'Assemblée
plénière conforte la position de la 1re civ ("moderne",
tenant compte des réalités économiques, selon
la majorité des auteurs de l'époque)
Cass.
Civ. 3e, 16 novembre 1988 : l'acquéreur d'un bien à
titre particulier ne succède pas de plein droit aux obligations
personnelles de son auteur, même si celles-ci sont nées
à l'occasion du bien transmis
La 3e chambre
civile fait de la résistance : l'article 1165 existe, il faut
l'appliquer, les contrats n'ont pas d'effet à l'égard
des tiers, ne nuissent pas aux tiers
Seule la garantie
décennale due par le contructeur est transmise à l'acquéreur
de l'immeuble, en vertue de l'art. 1792 du Code civil.
La
1re chambre civile, se sentant confortée dans ses audaces,
garde sa ligne :
Cass.
Civ. 1re, 8 mars 1988 : Vu les articles 1147 et 1382 du Code civil
;
Attendu que dans le cas où le débiteur d'une obligation
contractuelle a chargé une autre personne de l'exécution
de cette obligation, le créancier ne dispose contre cette personne
que d'une action de nature nécessairement contractuelle, qu'il
peut exercer directement dans la double limite de ses droits et de
l'étendue de l'engagement du débiteur substitué
;
Et même s'enhardit, en introduisant
la notion de "groupe de contrats" prônée par
une certaine doctrine
Cass.
Civ. 1re, 21 juin 1988 : Vu les articles 1147 et 1382 du Code
civil ;
Attendu que, dans un groupe de contrats, la responsabilité
contractuelle régit nécessairement la demande en réparation
de tous ceux qui n'ont souffert du dommage que parce qu'ils avaient
un lien avec le contrat initial ; qu'en effet, dans ce cas, le débiteur
ayant dû prévoir les conséquences de sa défaillance
selon les règles contractuelles applicables en la matière,
la victime ne peut disposer contre lui que d'une action de nature
contractuelle, même en l'absence de contrat entre eux ;
l'AP
siffle la fin de la récrée :
Cass.,
Ass. Plénière, 12 juillet 1991 : Vu l'article 1165
du Code civil ;
Attendu que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes
(au cas où la CA aurait égaré
son Code civil...);
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le sous-traitant n'est pas
contractuellement lié au maître de l'ouvrage, la cour
d'appel a violé le texte susvisé
Période
II
La
3e civ applique 1165 :
Cass.
Civ. 3e, 18 juin 1997 : Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble
l'article 1615 de ce Code ;
Attendu que l'obligation de délivrer la chose comprend ses
accessoires et tout ce qui a été destiné à
son usage perpétuel ;
la vente de l'immeuble n'emporte pas de plein droit cession au profit
de l'acquéreur des droits et actions à fin de dommages-intérêts
qui ont pu naître au profit du vendeur en raison de dégradations
causées à l'immeuble antérieurement à
la vente ; Voir aussi Cass.
3e civ., 4 décembre 2002 ;
Seule la garantie décennale due par le contructeur est transmise
à l'acquéreur de l'immeuble, en vertue de l'art. 1792
du Code civil.
C'est
sévère, mais conforme à 1165 : un
tiers ne peut pas se voir opposer des clauses contractuelles qui lui
sont défavorable ; il ne peut pas non plus se prévaloire
du contrat. 1165 est respecté.
Cass.
Civ. 3ème, 28 novembre 2001 : ayant exactement relevé
que la société Normacadre, sous-traitant, engageait
sa responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage
sur le fondement délictuel, la cour d'appel a retenu, à
bon droit, que le fournisseur de ce sous-traitant, la société
Haironville, devait, à l'égard du maître de l'ouvrage,
répondre de ses actes sur le même fondement
La
1re civ. est moins rigoureuse :
Cass.
Civ. 1re, 3 décembre 1996 :
la clause de non-concurrence souscrite par un membre d'une profession
libérale au profit d'un confrère à l'occasion
de la cession des éléments constitutifs de son cabinet,
doit être, sauf clause contraire, présumée comprise
parmi les droits transmis par le cessionnaire lorsqu'il vient, à
son tour, à procéder à la même opération
au profit d'un tiers
Il
en est de même de la chambre commerciale. La théorie
de l'opposabilité du contrat devient très subtile...
complexe...
Cass. Com., 22 octobre 1991
Vu l'article 1165 du Code civil ;
s'ils ne peuvent être constitués ni débiteurs
ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer
à leur profit, comme un fait juridique, la situation créée
par ce contrat
Cass. Com., 24 mars 1998 : Attendu qu'en statuant ainsi, alors
que l'action en concurrence déloyale dirigée contre
le nouvel employeur qui a embauché un salarié lié
par une clause de non-concurrence est recevable nonobstant l'existence
d'une action contractuelle de l'ancien employeur contre ce salarié
et alors que ces deux actions, l'une délictuelle et l'autre
contractuelle, qui tendent à la réparation d'un préjudice
différent peuvent se cumuler
Cass.
Civ. 2ème, 21 mai 1997 : Mais attendu que l'arrêt
retient que l'implantation de la station était la conséquence
de la légèreté des études effectuées
par le franchiseur, qui, tant dans ses documents publicitaires à
destination des futurs franchisés qu'aux termes du contrat
de franchise, s'était engagé à l'égard
du franchisé à une obligation d'assistance et de conseil
dans le choix d'un terrain adapté à l'exploitation ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel
a pu déduire que la société HF avait commis des
fautes engageant sa responsabilité quasi délictuelle
envers les voisins ;
La
1re chambre civile précise les choses : le fondement de l'action
des tiers qui subissent un dommage est la RC délictuelle
Cass.
Civ. 1ère, 18 juillet 2000 ;
Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil ;
Attendu que la cour d'appel a énoncé que la responsabilité
délictuelle de la clinique ne pouvait être juridiquement
recherchée puisque M. X... n'était pas un tiers à
son égard (il est le mari de
la personne hospitalisée et décédée)
en statuant comme elle a fait la cour d'appel a violé,
par fausse application, l'article 1165 du Code civil et, par refus
d'application, l'article 1382 du même code
Cass. Civ. 1ère, 10 mai 2005 : si, en principe, les conventions
n'ont d'effet qu'à l'égard des parties, elles constituent
des faits juridiques dont peuvent être déduites des conséquences
en droit à l'égard des tiers
Période
III
L'assemblée
plénière, finalement, donne gain de cause à la
1re civ. :
Cass.
Ass. Plénière, 6 octobre 2006 : le tiers à
un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle, un manquement contractuel dès lors que
ce manquement lui a causé un dommage
La
1re chambre civile renouera-t-elle avec la notion de groupe de contrats
? OUI !!!
Enfin presque : elle utilise la notion d'ensemble contractuel indivisible
:
Cass.
1re civ, 13 octobre 2008 ;
La
3e chambre civile fait le pas quelques années plus tard et
applique la théorie de l'accessoire à la responsabilité
contractuelle (1147) : les
acquéreurs successifs d'un immeuble ont qualité à
agir, même pour les dommages nés antérieurement
à la vente et ce nonobstant l'action en réparation intentée
par le vendeur avant cette vente, contre les constructeurs sur le
fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun
qui accompagne l'immeuble en tant qu'accessoire, Cass.
3e civ., 10 juillet 2013 ;
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