Sur le moyen unique :
Attendu que, par acte du 14 septembre 1985, M. Roques a cédé à
M. Ascher, docteur vétérinaire, sa " clientèle des
animaux de compagnie et d'agrément ", et s'est engagé à
ne pas exercer la médecine ou la chirurgie des animaux dans une certaine
zone géographique ; que, par acte du 7 mars 1986, M. Ascher a à
son tour cédé à MM. Bosch, Dumas et Saeckinger, docteurs
vétérinaires, aux droits de qui se trouve M. Dumas seul, sa clientèle,
et pris lui-même un engagement de non-concurrence à leur égard
; que ce second acte précisait en outre : " il est bien entendu
que M. Ascher cède aux acheteurs les droits qu'il a acquis en achetant
lui-même la clientèle de M. Roques, à charge pour ces derniers
de faire respecter leurs droits par M. Roques " ;
Attendu que M. Roques fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar,
4 octobre 1994) de l'avoir condamné à payer la somme de 40 000
francs à titre de dommages-intérêts à M. Dumas pour
ne pas avoir respecté l'engagement souscrit au bénéfice
de M. Ascher, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 1165 du Code
civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, que
s'agissant plus particulièrement des conventions de cession de clientèle
civile, la créance de non-concurrence est personnelle à son titulaire,
ce qui exclut la transmission automatique de la créance de non-concurrence,
qu'en l'espèce M. Roques a souscrit une obligation de non-concurrence
en faveur de M. Ascher, mais n'a pas été partie à la cession
intervenue entre M. Ascher et M. Dumas, cession qui ne lui a pas même
été signifiée, que dès lors en considérant
que l'obligation de non-concurrence accordée par M. Roques à M.
Ascher l'avait été en considération de son activité
professionnelle, et qu'ainsi elle pouvait être transmise par ce dernier
à son successeur sans que le premier cédant soit partie à
l'acte de cession ou que cette cession ait à lui être signifiée,
alors qu'elle s'intégrait dans une convention de " cession de clientèle
civile ", la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du Code
civil ;
Mais attendu que la clause de non-concurrence souscrite par un membre d'une
profession libérale au profit d'un confrère à l'occasion
de la cession des éléments constitutifs de son cabinet, doit être,
sauf clause contraire, présumée comprise parmi les droits transmis
par le cessionnaire lorsqu'il vient, à son tour, à procéder
à la même opération au profit d'un tiers ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
D. 1997, juris. 151
Cass. Com., 22 octobre 1991
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1165 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué,
que la Société industrielle et forestière en Afrique Centrale
(Sifac) et la société Industries forestières Batalimo (IFB),
dont M. Jacques Gaden présidait les conseils d'administration, étaient
titulaires de comptes courants dans les livres de la Banque internationale pour
l'Afrique Occidentale à Bangui (BIAO Centrafrique) et dans ceux de l'agence
de la Banque internationale pour l'Afrique Occidentale à Pointe-Noire,
en République populaire du Congo (BIAO) ; qu'à la suite de l'expropriation
de ses avoirs au Congo, la BIAO a, le 14 août 1974, signé une convention
aux termes de laquelle, notamment, la Banque commerciale congolaise (BCC) devait,
dans un certain délai, lui signifier la liste des créances qu'elle
ne reprenait pas, les autres créances étant, passé ce délai,
considérées comme acquises par cette banque ; qu'après
l'expiration du délai, la BIAO a inscrit au débit des comptes
des sociétés Sifac et IFB ouverts à la BIAO Centrafrique,
les montants des soldes débiteurs des comptes de ces sociétés
dans les livres de son agence de Pointe-Noire ; que Jacques Gaden et Jeanine
Herbe, son épouse, se sont portés cautions, au profit de la BIAO,
des dettes des deux sociétés ;
Attendu que, pour condamner les époux Gaden à payer diverses sommes
à la BIAO en exécution de leurs engagements de cautions, l'arrêt,
après avoir relevé que ceux-ci " invoquent le protocole passé
entre la Banque commerciale congolaise et la BIAO pour soutenir que la BCC n'ayant
pas rejeté les créances dans le délai, seule cette dernière
en est titulaire ", retient que, " n'étant pas partie à
cette convention qui n'a pas été faite dans leur intérêt,
ils ne peuvent s'en prévaloir " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, s'ils ne peuvent être constitués
ni débiteurs ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent
invoquer à leur profit, comme un fait juridique, la situation créée
par ce contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet
1989, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence,
la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Montpellier
D. 1993, jur. 181
Cass. Com., 24 mars 1998
Sur le moyen de cassation :
Vu les articles 1229, alinéa 2, et 1382 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué
que Mme Berteloot exerce la profession de coiffeuse à Bourges, à
l'enseigne Jean-Louis David, et qu'elle a engagé en 1982 Mme Tranchard
en qualité de coiffeuse ; que son contrat de travail comportait une clause
de non-concurrence lui interdisant, en cas d'expiration du contrat pour quelque
cause que ce soit, de s'engager chez un concurrent pendant une durée
de six mois et dans un rayon de 15 000 mètres à vol d'oiseau afin
d'y exercer une activité similaire ; que le 24 septembre 1989, Mme Tranchard
a démissionné et a été embauchée immédiatement
par M. Carpy qui exerce la profession de coiffeur à l'enseigne Carpy
Liberté dans un magasin situé à proximité immédiate
du magasin de Mme Berteloot ; que le 31 juillet 1990 cette dernière a
assigné M. Carpy devant le tribunal de commerce afin qu'il soit condamné
à lui verser des dommages-intérêts pour le préjudice
commercial qu'elle avait subi ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme Berteloot l'arrêt décide
que cette demande ne peut être accueillie dans la mesure où Mme
Berteloot a poursuivi sa salariée devant le conseil des prud'hommes et
la cour d'appel et obtenu la condamnation de Mme Tranchard à lui verser
une indemnité sur le fondement de la clause pénale incluse dans
le contrat de travail, et énonce qu'aux termes de l'article 1299, alinéa
2, du Code civil il est interdit de cumuler " la clause pénale et
une demande de dommages-intérêts supplémentaires "
Mme Berteloot ne sollicitant pas une condamnation solidaire du nouvel employeur
avec Mme Tranchard ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action en concurrence déloyale
dirigée contre le nouvel employeur qui a embauché un salarié
lié par une clause de non-concurrence est recevable nonobstant l'existence
d'une action contractuelle de l'ancien employeur contre ce salarié et
alors que ces deux actions, l'une délictuelle et l'autre contractuelle,
qui tendent à la réparation d'un préjudice différent
peuvent se cumuler, la cour d'appel a violé les textes susvisés
;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
Bull. n° 111