Cass. Civ. 1ère, 3 décembre 1996

Sur le moyen unique :
Attendu que, par acte du 14 septembre 1985, M. Roques a cédé à M. Ascher, docteur vétérinaire, sa " clientèle des animaux de compagnie et d'agrément ", et s'est engagé à ne pas exercer la médecine ou la chirurgie des animaux dans une certaine zone géographique ; que, par acte du 7 mars 1986, M. Ascher a à son tour cédé à MM. Bosch, Dumas et Saeckinger, docteurs vétérinaires, aux droits de qui se trouve M. Dumas seul, sa clientèle, et pris lui-même un engagement de non-concurrence à leur égard ; que ce second acte précisait en outre : " il est bien entendu que M. Ascher cède aux acheteurs les droits qu'il a acquis en achetant lui-même la clientèle de M. Roques, à charge pour ces derniers de faire respecter leurs droits par M. Roques " ;
Attendu que M. Roques fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 4 octobre 1994) de l'avoir condamné à payer la somme de 40 000 francs à titre de dommages-intérêts à M. Dumas pour ne pas avoir respecté l'engagement souscrit au bénéfice de M. Ascher, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 1165 du Code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, que s'agissant plus particulièrement des conventions de cession de clientèle civile, la créance de non-concurrence est personnelle à son titulaire, ce qui exclut la transmission automatique de la créance de non-concurrence, qu'en l'espèce M. Roques a souscrit une obligation de non-concurrence en faveur de M. Ascher, mais n'a pas été partie à la cession intervenue entre M. Ascher et M. Dumas, cession qui ne lui a pas même été signifiée, que dès lors en considérant que l'obligation de non-concurrence accordée par M. Roques à M. Ascher l'avait été en considération de son activité professionnelle, et qu'ainsi elle pouvait être transmise par ce dernier à son successeur sans que le premier cédant soit partie à l'acte de cession ou que cette cession ait à lui être signifiée, alors qu'elle s'intégrait dans une convention de " cession de clientèle civile ", la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du Code civil ;
Mais attendu que la clause de non-concurrence souscrite par un membre d'une profession libérale au profit d'un confrère à l'occasion de la cession des éléments constitutifs de son cabinet, doit être, sauf clause contraire, présumée comprise parmi les droits transmis par le cessionnaire lorsqu'il vient, à son tour, à procéder à la même opération au profit d'un tiers ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.

D. 1997, juris. 151


Cass. Com., 22 octobre 1991

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1165 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué, que la Société industrielle et forestière en Afrique Centrale (Sifac) et la société Industries forestières Batalimo (IFB), dont M. Jacques Gaden présidait les conseils d'administration, étaient titulaires de comptes courants dans les livres de la Banque internationale pour l'Afrique Occidentale à Bangui (BIAO Centrafrique) et dans ceux de l'agence de la Banque internationale pour l'Afrique Occidentale à Pointe-Noire, en République populaire du Congo (BIAO) ; qu'à la suite de l'expropriation de ses avoirs au Congo, la BIAO a, le 14 août 1974, signé une convention aux termes de laquelle, notamment, la Banque commerciale congolaise (BCC) devait, dans un certain délai, lui signifier la liste des créances qu'elle ne reprenait pas, les autres créances étant, passé ce délai, considérées comme acquises par cette banque ; qu'après l'expiration du délai, la BIAO a inscrit au débit des comptes des sociétés Sifac et IFB ouverts à la BIAO Centrafrique, les montants des soldes débiteurs des comptes de ces sociétés dans les livres de son agence de Pointe-Noire ; que Jacques Gaden et Jeanine Herbe, son épouse, se sont portés cautions, au profit de la BIAO, des dettes des deux sociétés ;
Attendu que, pour condamner les époux Gaden à payer diverses sommes à la BIAO en exécution de leurs engagements de cautions, l'arrêt, après avoir relevé que ceux-ci " invoquent le protocole passé entre la Banque commerciale congolaise et la BIAO pour soutenir que la BCC n'ayant pas rejeté les créances dans le délai, seule cette dernière en est titulaire ", retient que, " n'étant pas partie à cette convention qui n'a pas été faite dans leur intérêt, ils ne peuvent s'en prévaloir " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, s'ils ne peuvent être constitués ni débiteurs ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur profit, comme un fait juridique, la situation créée par ce contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 1989, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier

D. 1993, jur. 181


Cass. Com., 24 mars 1998

Sur le moyen de cassation :
Vu les articles 1229, alinéa 2, et 1382 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme Berteloot exerce la profession de coiffeuse à Bourges, à l'enseigne Jean-Louis David, et qu'elle a engagé en 1982 Mme Tranchard en qualité de coiffeuse ; que son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence lui interdisant, en cas d'expiration du contrat pour quelque cause que ce soit, de s'engager chez un concurrent pendant une durée de six mois et dans un rayon de 15 000 mètres à vol d'oiseau afin d'y exercer une activité similaire ; que le 24 septembre 1989, Mme Tranchard a démissionné et a été embauchée immédiatement par M. Carpy qui exerce la profession de coiffeur à l'enseigne Carpy Liberté dans un magasin situé à proximité immédiate du magasin de Mme Berteloot ; que le 31 juillet 1990 cette dernière a assigné M. Carpy devant le tribunal de commerce afin qu'il soit condamné à lui verser des dommages-intérêts pour le préjudice commercial qu'elle avait subi ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme Berteloot l'arrêt décide que cette demande ne peut être accueillie dans la mesure où Mme Berteloot a poursuivi sa salariée devant le conseil des prud'hommes et la cour d'appel et obtenu la condamnation de Mme Tranchard à lui verser une indemnité sur le fondement de la clause pénale incluse dans le contrat de travail, et énonce qu'aux termes de l'article 1299, alinéa 2, du Code civil il est interdit de cumuler " la clause pénale et une demande de dommages-intérêts supplémentaires " Mme Berteloot ne sollicitant pas une condamnation solidaire du nouvel employeur avec Mme Tranchard ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action en concurrence déloyale dirigée contre le nouvel employeur qui a embauché un salarié lié par une clause de non-concurrence est recevable nonobstant l'existence d'une action contractuelle de l'ancien employeur contre ce salarié et alors que ces deux actions, l'une délictuelle et l'autre contractuelle, qui tendent à la réparation d'un préjudice différent peuvent se cumuler, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE

Bull. n° 111