Cass. Civ. 2ème, 21 mai 1997
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 16 mai 1995), qu'une station de lavage de véhicules dépendant du réseau de la société Hypromat France (HF) a été installée dans une zone pavillonnaire résidentielle ; que, se plaignant de troubles anormaux de voisinage, des voisins, la SCI Soginorpa, les époux Yagoubi et les époux Parsy, après avoir provoqué la désignation d'un expert en référé, ont assigné en réparation de leurs préjudices la société HF et la société Lavage 2000, exploitant de la station selon le contrat de franchise passé avec celle-ci ; que ces deux sociétés ont été condamnées in solidum à indemnisation ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la responsabilité
de la société HF, en tant que franchiseur, à l'égard
des victimes de ces troubles, alors, selon le moyen, que le Tribunal, après
avoir constaté que la responsabilité du franchiseur ne pouvait
être engagée envers les voisins du franchisé sur le fondement
de la théorie des troubles anormaux du voisinage, s'était prononcé
" en dépit de l'absence de production aux débats du contrat
de franchise définissant précisément les obligations respectives
des parties contractantes ", tandis que la cour d'appel avait elle-même
souligné dans son arrêt avant-dire droit l'intérêt,
pour la solution du litige, de connaître le contrat de franchise qui avait
été produit en cause d'appel ; que, cependant, la cour d'appel
n'a examiné les obligations contractuelles de la société
Hypromat France envers la société Lavage 2000 que dans le cadre
de l'appel en garantie formé par celle-ci contre celle-là ; que,
dès lors, en affirmant la responsabilité de la société
Hypromat France, franchiseur, à l'égard des voisins de la société
Lavage 2000, franchisé, sur le seul fondement des motifs du jugement
exclusifs de tout examen des stipulations du contrat de franchise dont seule
la méconnaissance aurait pu constituer également une faute engageant
la responsabilité du franchiseur envers les tiers, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale au regard de l'article
1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'implantation de la station était
la conséquence de la légèreté des études
effectuées par le franchiseur, qui, tant dans ses documents publicitaires
à destination des futurs franchisés qu'aux termes du contrat de
franchise, s'était engagé à l'égard du franchisé
à une obligation d'assistance et de conseil dans le choix d'un terrain
adapté à l'exploitation ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire
que la société HF avait commis des fautes engageant sa responsabilité
quasi délictuelle envers les voisins ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir réparti la
charge pénale de la responsabilité à raison de deux tiers
pour la société HF et d'un tiers pour le franchisé, alors,
selon le moyen, d'une part, que le contrat de franchise stipule en préambule
: " le franchisé reconnaît en outre prendre le risque d'ouvrir
un centre sous sa seule responsabilité et sans garantie de succès
", et dans l'alinéa suivant : " en conséquence, le présent
accord est destiné à décrire toutes les conditions pour
l'exploitation, par le franchisé, d'un centre lui appartenant et géré
sous sa seule responsabilité, mais en strict respect de la formule du
franchiseur, et afin d'obtenir le meilleur chiffre d'affaires possible "
; qu'il en résulte que le franchisé s'est engagé à
assurer sous sa seule responsabilité toutes les conséquences de
la gestion du centre de lavage, y compris nécessairement les dommages
causés aux tiers, ce qui caractérise bien une clause d'exclusion
de garantie du franchiseur ; qu'en décidant le contraire, par référence
uniquement à la première des deux phrases précitées
sans la rapprocher de la seconde, la cour d'appel a méconnu la loi des
parties et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; d'autre part,
qu'il résulte clairement des stipulations de l'article 4 du contrat de
franchise relatives aux obligations du franchiseur que le rôle de conseil
de ce dernier est strictement limité à l'appréciation de
la rentabilité potentielle du site et que son rôle d'assistance
à l'installation et à l'agencement consiste exclusivement à
s'assurer que la station de lavage s'harmonise au réseau Hypromat ; qu'il
résulte tout aussi clairement des stipulations de l'article 5 dudit contrat
relatives aux obligations du franchisé que celui-ci ne peut ouvrir la
station au public qu'après avoir reçu du franchiseur un certificat
qui ne porte que sur la conformité de l'implantation et de l'aménagement
aux standards du réseau Hypromat, à l'exclusion expresse de toute
approbation du franchiseur concernant le terrain et les travaux, que le franchisé
doit encore veiller au respect des lois et règlements en matière
d'urbanisme, sanitaire, de sécurité et d'hygiène, et qu'il
doit souscrire une assurance couvrant sa responsabilité civile ; qu'ainsi
le contrat de franchise ne comporte aucune stipulation mettant à la charge
du franchiseur une obligation particulière de conseil quant aux troubles
que le franchisé serait susceptible d'occasionner aux voisins de l'exploitation
; qu'au surplus, une telle obligation s'apprécie en fonction des besoins
de son bénéficiaire et ne saurait s'étendre à ce
qu'il ne peut ignorer, ce qui est le cas des troubles anormaux de voisinage
occasionnés par une station de lavage conçue pour être ouverte
la nuit ; que, dès lors, en décidant qu'en ne fournissant pas
à la société Lavage 2000 des éléments d'appréciation
lui permettant de prendre sa décision d'implantation en toute connaissance
de cause de tels troubles, la société Hypromat France avait manqué
à une obligation de conseil et d'assistance qui ne résulte pas
des stipulations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 1147
du Code civil ;
enfin que, et en toute hypothèse, en appréciant le partage de
responsabilité entre la société Hypromat France et la société
Lavage 2000 en fonction, non pas uniquement de la gravité respective
de leurs fautes au regard de leurs obligations contractuelles réciproques,
mais aussi de leur inégalité économique et technique, la
cour d'appel s'est déterminée en équité et non en
droit et, par ce motif inopérant, a privé sa décision de
base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interpréter
le contrat de franchise que la cour d'appel, sans le dénaturer, a estimé
que la société HF s'y était engagée à fournir
à son franchisé son assistance et son conseil dans le choix d'un
terrain adapté à l'exploitation de la station de lavage ;
Et attendu qu'en se référant au rôle déterminant
qu'avait eu le franchiseur dans ce choix, qui était, en très grande
partie, la conséquence de la légèreté des études
qu'il avait effectuées, la cour d'appel, par ces seuls motifs propres
et adoptés, n'a pas encouru le grief visé à la troisième
branche du moyen ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la responsabilité
de la société Lavage 2000 à l'égard des victimes
des troubles de voisinage, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résultait
des documents soumis à la cour d'appel que la société Hypromat
a conçu le centre de lavage et son fonctionnement sur un terrain par
elle agréé sans réserve ; que cette implantation qualifiée
" d'ineptie " par l'expert Vermesse traduit l'ampleur de son erreur
; que la société Hypromat a manqué gravement à ses
obligations contractuelles d'assistance et de conseil vis-à-vis de la
société Lavage 2000 ; qu'elle devait être seule déclarée
responsable de la situation née d'une implantation qu'elle a conseillée,
favorisée et organisée comme centre de lavage ; que, en retenant
néanmoins une certaine responsabilité de la société
Lavage 2000, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision
au regard des articles 1147 et 1382 du Code civil ; d'autre part, que la cour
d'appel a relevé l'obligation d'assistance et de conseil du franchiseur,
l'absence de sa part de propositions d'éléments d'appréciation,
l'expérience et la compétence du même franchiseur, la légèreté
de ses études mais n'a constaté aucun manquement caractérisé
de la société Lavage 2000 ; qu'elle a mis cependant une part de
responsabilité à sa charge ; que la cour d'appel n'a pas, ce faisant,
motivé sa décision et qu'elle a violé les articles 1382
du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la réalité des troubles anormaux de voisinage
dus à l'exploitation de son installation par la société
Lavage 2000 n'étant pas contestée, le moyen est inopérant
;
Sur le second moyen du pourvoi incident :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir fixé comme
il l'a fait les indemnités réparant les préjudices, alors,
selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, la société Lavage
2000 avait fait valoir que des travaux avaient été accomplis dans
la station depuis le dépôt du rapport d'expertise et que les troubles
avaient considérablement diminué ; que l'appartement des époux
Yagoubi avait été reloué et que l'immeuble des époux
Parsy ne subissait plus de moins-value ; que la cour d'appel n'a pas répondu
à ce moyen déterminant tiré de l'exécution d'ouvrages
et de leur incidence sur le montant des dommages ; qu'elle a violé l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève
qu'aucune solution efficace ne pouvait être apportée à la
situation et qu'il n'était pas possible, au vu de l'ensemble des pièces
et justifications versées aux débats, d'évaluer les préjudices
autrement que ne l'avait fait le Tribunal ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident.
JCP 1998-II-10057