Les
débats intenses sur les différents aspects de cette
loi ont dès lors eu des retombées très enrichissantes
pour le droit commun de la responsabilité, et principalement
pour l’énigme de la causalité : les solutions
jurisprudentielles dégagées en matière de produits
défectueux n’ont pas de caractère spécifique
(I). Question plus spécifique en revanche : le producteur peut
tenter de s’exonérer grâce à ce que l’on
nomme communément le « risque de développement
». Il peut démontrer que l’état des connaissances
scientifiques, lors de la mise en circulation, ne lui permettait pas
de déceler le défaut. Cette possibilité d’exonération
a fait l’objet d’importants débats en France, suscitant
l’hostilité des associations de consommateurs, et retardant
l’intégration de la directive européenne ; les
juges ne se montrent guère favorables (II).
I
- Causalité et produits défectueux
A
– Causalité et obligation à la dette
Cass.
1re civ. 25 juin 2009 :
En exigeant
une preuve scientifique certaine quand le rôle causal peut
résulter de simples présomptions, pourvu qu'elles
soient graves, précises et concordantes, la cour d'appel
a violé les textes
Vaccin
hépatite B et sclérose en plaque :
Cass.
1re civ, 23 septembre 2003 :
la responsabilité du producteur est soumise à la
condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut
du produit et le lien de causalité entre le défaut
et le dommage ; le défaut du vaccin comme le lien de causalité
entre la vaccination et la maladie ne pouvaient être établis
Cass.
27 février 2007 : la responsabilité du fait
d'un produit de santé suppose que soit rapportée
la preuve d'un dommage, de l'imputabilité d'un dommage
à l'administration du produit, du défaut du produit
et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage.
- En l'état des connaissances scientifiques
actuelles le risque lié à la vaccination contre
l'hépatite B n'est pas avéré.
- Le rapport d'expertise rendait compte des études faites
en France et à l'étranger sur l'étiologie
de la sclérose en plaques et relevé que les experts
étaient formels pour indiquer qu'il n'existait aucune démonstration
de l'induction de cas de sclérose en plaques par la vaccination
contre l'hépatite B ni de la révélation des
troubles, les experts estimant hautement improbable cette hypothèse.
- L'existence d'un lien causal entre la vaccination de Mlle X...
contre l'hépatite B et la survenue de sa sclérose
en plaques et d'un éventuel défaut de sécurité
du vaccin ne pouvait se déduire du seul fait que l'hypothèse
d'un risque vaccinal non démontrée ne pouvait être
exclue.
Cass.
1re civ., 22 mai 2008, 05-20317, 06-10967 : si
l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux
exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité
entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter
de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises
et concordantes.
En
se déterminant en référence à une
approche probabiliste, déduite exclusivement de l'absence
de lien scientifique et statistique entre vaccination et développement
de la maladie, sans rechercher si les éléments de
preuve qui lui étaient soumis constituaient, ou non, des
présomptions graves, précises et concordantes du
caractère défectueux du vaccin litigieux, comme
du lien de causalité entre un éventuel défaut
et le dommage subi par M. X, la cour d'appel n'a pas donné
de base légale à sa décision.
Cass.
1re civ., 22 mai 2008, 06-14952 : en se déterminant
ainsi tout en relevant que l'édition pour 1994 du dictionnaire
Vidal mentionnait au titre des effets indésirables la survenue
exceptionnelle de sclérose en plaques, de sorte qu'il lui
incombait d'apprécier la relation causale prétendue
entre le vaccin et l'aggravation de la maladie à l'époque
du dernier rappel de vaccination, en recherchant si, à
cette époque, la présentation du vaccin mentionnait
l'existence de ce risque, la cour d'appel n'a pas donné
de base légale à sa décision .
Cass.
1re civ., 22 mai 2008, 05-10593 : aucune des
études examinées par les experts judiciaires ou
produites aux débats par les parties après le dépôt
du rapport d'expertise n'avait conclu à un lien évident
entre la vaccination et la pathologie dont souffre Mme Y... ;
elle a pu en déduire l'absence de lien causal entre la
maladie et la vaccination
06-18848 : Mme X... ne rapportait pas la preuve d'un lien causal
entre l'injection qu'elle a reçue et l'apparition de la
sclérose en plaques, excluant ainsi l'imputabilité
de la maladie à la vaccination ; l'absence de certitude
scientifique sur l'innocuité du vaccin n'emporte pas de
présomption de défaut.
Cass.
1re civ., 22 janvier 2009 : plusieurs facteurs
pouvaient être à l'origine de la maladie, dont une
cause infectieuse telle que celle ayant pu justifier la cholécystectomie
pratiquée à la même époque. Les deux
rapports d'expertise judiciaire avaient conclu à l'absence
de relation entre la vaccination et l'apparition de la maladie.
Ceci exclue l'existence de présomptions graves, précises
et concordantes. Mme Y... n'avait pas rapporté la preuve
de l'imputabilité de la maladie à l'injection reçue.
Cass.
1re civ., 9 juillet 2009 :
les études scientifiques versées aux débats
par la société Sanofi Pasteur MSD n'ont pas permis
de mettre en évidence une augmentation statistiquement
significative du risque relatif de sclérose en plaque ou
de démyélinisation après vaccination contre
l'hépatite B, elles n'excluent pas, pour autant, un lien
possible entre cette vaccination et la survenance d'une démyélinisation
de type sclérose en plaque
Les premières manifestations de la sclérose en plaque
avaient eu lieu moins de deux mois après la dernière
injection du produit
Ni Mme X... ni aucun membre de sa famille n'avaient souffert d'antécédents
neurologiques, dès lors aucune autre cause
ne pouvait expliquer cette maladie, dont le lien avec la vaccination
relevait de l'évidence selon le médecin traitant
de Mme X..
Ces faits constituaient des présomptions graves, précises
et concordantes, la CA a pu en déduire un lien
causal entre la vaccination de Mme X..., et le préjudice
subi par elle.
Cass.
1re civ., 24 septembre 2009 :
les données scientifiques et les présomptions invoquées
ne constituaient pas la preuve d'un lien de causalité entre
la vaccination et l'apparition de la maladie
Cass.
1re civ., 25 novembre 2010 : En l'absence de consensus scientifique
en faveur d'un lien de causalité entre la vaccination et
les affections démyélinisantes,
le fait que Mme X... ne présentait aucun antécédent
personnel ou familial
et le fait que les premiers symptômes étaient apparus
quinze jours après la dernière injection
ne constituaient pas des présomptions graves, précises
et concordantes en sorte que n'était pas établie
une corrélation entre l'affection de Mme X... et la vaccination
Cass.
1re civ., 26 septembre 2012 : en se déterminant ainsi,
par une considération générale sur le rapport
bénéfice/risque de la vaccination, après
avoir admis, en raison de l'excellent état de santé
antérieur de Jack X..., de l'absence d'antécédents
familiaux et du lien temporel entre la vaccination et l'apparition
de la maladie, qu'il existait des présomptions graves,
précises et concordantes permettant de dire que le lien
causal entre la maladie et la prise du produit était suffisamment
établi, sans examiner si les circonstances particulières
qu'elle avait ainsi retenues ne constituaient pas des présomptions
graves, précises et concordantes de nature à établir
le caractère défectueux des trois doses administrées
à l'intéressé, la cour d'appel n'a pas donné
de base légale à sa décision
CE,
21 novembre 2012 ;
zyloric
et le colchimax / Syndrome de Lyell :
Cass. 1e civ., 5 avril 2005 : le lien de causalité entre
l'absorption du médicament et le dommage subi par M. X
-
M. X... avait bien absorbé les médicaments litigieux
qui lui avaient été prescrits ; qu'ensuite, en ayant
relevé par motifs propres et adoptés que
- l'expert avait souligné que le lien entre l'absorption
du médicament en cause et l'apparition du syndrome de Lyell
était scientifiquement reconnu,
- M. X... avait développé ce syndrome dans un délai
de 7 à 21 jours après l'administration du colchimax
ce qui correspondait au délai habituellement constaté
entre l'administration du produit et la survenance de l'effet
toxique
- la cessation du trouble coïncidait avec l'arrêt de
la prise du médicament,
- il n'était établi l'existence, ni d'une erreur
de prescription, ni d'une prédisposition du patient à
ce syndrome, ni d'une association avec d'autres médicaments
Isoméride
:
Cass. 1re civ., 24 janvier 2006 : il existait des présomptions
graves, précises et concordantes permettant, dans le cas
de Mme Y..., d'imputer l'apparition de l'HTAPP à la prise
d'Isoméride
-
il ressortait des études épidémiologiques
et de pharmaco-vigilance que la dexfenfluramine constituait un
facteur favorisant l'HTAPP même si elle n'en était
pas la cause exclusive
- Mme Y... avait un état de santé satisfaisant avant
1993,
- les experts avaient écarté les autres causes possibles
d'HTAPP et estimé que l'Isoméride était
une cause directe et partielle dans la mesure où
il y avait une prédisposition de la patiente comme pour
tout malade présentant une affection très rare,
et une cause adéquate, en l'absence de tout autre
motif de nature à l'expliquer
B
– Contribution à la dette en cas pluralité de
responsables
Distilbène
Cass.
1re civ., 24 septembre 2009 ; arrêts 2 et 3
Cass.
1re civ., 28 janvier 2010 ;
Cass.
1re civ., 6 octobre 2011 ;
II
- Exonération et risque de développement
A
– Risque de développement : renforcement ou exonération
de responsabilité ?
B
– Le domaine réduit de l’exonération pour
risque de développement
1
- Risque de développement et produits mis en circulation avant
1998
2 - Risque de développement et produits mis en circulation
après 1998
Suppression
de l'obligation de suivi
dans la loi n°2004-1343 de 2004, cf CJCE
25 avril 2002
Article 1386-12
Le producteur ne peut invoquer la cause d'exonération prévue
au 4° de l'article 1386-11 lorsque le dommage a été
causé par un élément du corps humain ou par
les produits issus de celui-ci.
(Abrogé) Le producteur ne peut invoquer les causes d'exonération
prévu es aux 4° et 5° de l'article 1386-11 si, en
présence d'un défaut qui s'est révélé
dans un délai de dix ans après la mise en circulation
du produit, il n'a pas pris les dispositions propres à en
prévenir les conséquences dommageables.
Risque
de développement : mise en circulation antérieure
à la transposition
Cass.
1re civ. 9 juillet 2009, 15 mai 2007, 28 novembre 2001 ; 9
juillet 1996
amiante
et risque de développement
Cass.
2e civ., 6 avril 2004 : en vertu du contrat
de travail le liant à son salarié, l'employeur est
tenu envers celui ci d'une obligation de sécurité
de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles
contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués
ou utilisés par l'entreprise
Cass.
1re civ. 17 juin 2010 ;
Article 102, Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative
aux droits des malades et à la qualité du système
de santé
En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une
contamination par le virus de l'hépatite C antérieure
à la date d'entrée en vigueur de la présente
loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent
de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion
de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments
dérivés du sang. Au vu de ces éléments,
il incombe à la partie défenderesse de prouver que
cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine
de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir
ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction
qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur.
Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant
pas donné lieu à une décision irrévocable.
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