Non application de l'exonération pour risque de développement pour des faits antérieurs à la transposition de la directive

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 9 juillet 2009

N° de pourvoi: 08-12777
Non publié au bulletin
Cassation
Sur le moyen unique du pourvoi principal des consorts X... :

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil ;

Attendu que pour exonérer la société Les Laboratoires Servier, fabricant de l'Isoméride, de sa responsabilité pour le dommage causé à Nicole X... par le défaut de ce médicament avec lequel elle avait été traitée entre 1986 et 1988, puis de nouveau en 1993, avant que ne survienne son décès le 31 octobre 1995 des suites d'une hypertension artérielle pulmonaire, l'arrêt retient que, selon les articles 1147 et 1382 du code civil, interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85/374 du 25 juillet 1985 relative aux rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, alors non encore transposée en droit interne, en l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit litigieux, qui ne permettaient pas de déceler la défectuosité du produit, il y avait lieu d'exonérer la société Les Laboratoires Servier de sa responsabilité, les conditions de sa responsabilité du fait des produits défectueux n'étant pas réunies au sens de la directive ;

Attendu, cependant, que si le juge national, saisi d'un litige entrant dans le domaine d'application d'une directive, est tenu d'interpréter son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de cette directive, c'est à la condition que celle-ci soit contraignante pour l'État membre et ne lui laisse pas une faculté d'option pour l'adaptation de son droit national au droit communautaire ;
que l'article 15-1-c de la Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, leur laissait la faculté d'introduire ou non dans leur législation interne l'exonération pour risque de développement, de sorte que les dispositions de l'article 7, e) de la directive, alors non encore transposée, prévoyant ce cas d'exonération, ne pouvaient donner lieu à une interprétation conforme des textes de droit interne, dans un litige entre particuliers ;
qu'ayant constaté que l'affection dont avait souffert Nicole X... était en relation directe et certaine avec l'administration de l'Isoméride, ce dont il résultait que la société Les Laboratoires Servier avait manqué à son obligation de fournir un produit exempt de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes et les biens, c'est-à-dire un produit offrant la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, sans faculté d'exonération pour risque de développement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel de la société Les Laboratoires Servier :
CASSE ET ANNULE

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 15 mai 2007

N° de pourvoi: 05-10234
Publié au bulletin
Cassation
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1147 et 1384 du code civil ;

Attendu que pour exonérer la société Ferring SAS, fabricant du médicament Pentasa, de sa responsabilité pour le dommage causé à M. X... par le défaut de ce médicament avec lequel il avait été traité entre la fin de l'année 1994 et le mois de février 1997, l'arrêt retient que, selon les articles 1147 et 1384, alinéa 1er, du code civil, interprétés à la lumière de la Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, qu'en l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit défectueux, il y avait lieu d'exonérer la société Ferring SAS de sa responsabilité, aucun manquement à son obligation de sécurité ne pouvant lui être reproché ;

Attendu, cependant, que, si le juge national, saisi d'un litige entrant dans le domaine d'application d'une directive, est tenu d'interpréter son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de cette directive, c'est à la condition que celle-ci soit contraignante pour l'Etat membre et ne lui laisse pas une faculté d'option pour l'adaptation de son droit national au droit communautaire ; que l'article 15-1-c de la Directive CEE 85-374 du 25 juillet 1985, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, leur laissait la faculté d'introduire ou non dans leur législation interne l'exonération pour risque de développement, de sorte que les dispositions de l'article 7, e) de la directive, alors non encore transposée, prévoyant ce cas d'exonération, ne pouvaient donner lieu à une interprétation conforme des textes de droit interne, dans un litige entre particuliers ; qu'ayant constaté que la néphrite interstitielle immuno-allergique dont souffrait M. X... était en relation directe et certaine avec l'administration du Pentasa, ce dont il résultait que la société Ferring SAS avait manqué à son obligation de fournir un produit exempt de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens c'est-à-dire un produit qui offrait la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, sans faculté d'exonération pour risque de développement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE


Publication : Bulletin 2007, I, N° 185

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 28 novembre 2001

N° de pourvoi: 00-15058
Non publié au bulletin
Rejet
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 janvier 2000), qu'en 1988, une commune a fait édifier une salle de sports, dont les travaux de couverture, ont été attribués à la société Sopribat, qui, assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), a mis en place des bardeaux bitumés fournis par la société Soprema, fabriqués par la société Iko Sales international, et posés sur des panneaux isolants produits par la société Isoroy, assurée par la compagnie Gan incendie-accidents (compagnie GAN) ; que des désordres affectant l'étanchéité de la toiture ayant été constatés, la compagnie d'assurances Allianz, venant aux droits du maître de l'ouvrage par subrogation après paiement du coût des travaux de reprise, a assigné en réparation de son préjudice les locateurs d'ouvrage, fabricants et assureurs, qui ont exercé entre eux des actions récursoires ;

Attendu que la société Isoroy et la compagnie GAN font grief à l'arrêt de les condamner à garantir la société Sopribat et la SMABTP des condamnations mises à la charge de ces dernières au profit de la compagnie Allianz, alors, selon le moyen :

1 / que le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en prononçant des condamnations à l'encontre de la société Isoroy et de la compagnie GAN incendie-accidents sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le risque de développement peut être opposé par le fabricant d'un matériau au constructeur qui a utilisé ce matériau ; qu'en toute hypothèse, en retenant que la société Isoroy, qui avait fabriqué des panneaux composites isolants incompatibles avec les bardeaux bitumeux dont ils avaient été recouverts par la société Sopribat, ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité envers cette dernière en invoquant la circonstance qu'à l'époque de la construction ces panneaux étaient jugés compatibles par les organismes professionnels de contrôle, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3 / qu'en admettant au surplus une garantie totale au profit du constructeur qui avait posé les bardeaux bitumeux sur les panneaux isolants litigieux, quand ce constructeur, la société Sopribat, s'en était remis lui-même à l'avis favorable des organismes professionnels de contrôle et n'avait émis aucune réserve quant à la compatibilité du matériau qu'il posait avec celui qui lui servait de support, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'il appartenait à la société Isoroy, fabricant des panneaux isolants et les ayant vendus comme pouvant être associés aux bardeaux bitumés, de s'assurer au préalable, par des expérimentations approfondies, et en prenant un recul suffisant, de la compatibilité de ces matériaux entre eux, ce qu'elle n'avait pas fait de façon satisfaisante, l'avis technique favorable délivré par le Centre scientifique et technique du bâtiment ne l'exonérant pas de sa responsabilité, la cour d'appel, qui était saisie, par la société Sopribat, poseur des bardeaux bitumés, à l'encontre de la société Isoroy, qui avait vendu les panneaux isolants à une entreprise tierce, d'une demande fondée sur la responsabilité quasi délictuelle, et qui a caractérisé la faute de la société Isoroy sur ce fondement non contesté, a pu retenir que le fabricant était tenu de garantir l'entrepreneur de pose des condamnations mises à sa charge au profit du maître de l'ouvrage, la société Isoroy n'ayant pas soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la société Sopribat aurait commis une faute en acceptant sans réserves les panneaux servant de support, et l'étendue de la garantie accordée à la société Sopribat ayant été souverainement déterminée ;

Attendu, d'autre part, que les panneaux ayant été vendus avant la date de mise en application de la loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, le "risque de développement" prévu par l'article 1386-11, alinéa 4, du Code civil ne constitue pas une cause d'exonération de la responsabilité de la société Isoroy ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;