Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 9 juillet 1996

N° de pourvoi: 93-19160 93-20412
Publié au bulletin
Rejet.
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Sylvain X..., depuis décédé des suites d'un syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA), a subi au mois d'avril 1984 une intervention chirurgicale au cours de laquelle plusieurs concentrés globulaires provenant du Centre de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes lui ont été transfusés ; que ses héritiers ont assigné le Centre en déclaration de responsabilité et en indemnisation ; que le groupe des assurances nationales (GAN), assureur de responsabilité du Centre, est intervenu volontairement à l'instance ; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juillet 1993) a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré recevable l'action des victimes, déclaré le Centre responsable de la contamination de Sylvain X... par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) et des conséquences dommageables de son décès, condamné in solidum le Centre et le GAN à indemniser ses ayants droit, mais, le réformant sur le montant des indemnités et l'étendue de la garantie due par l'assureur, dit que celle-ci ne pouvait excéder la somme de 5 millions de francs pour la totalité des sinistres survenus pendant l'année 1984, les consorts X... étant condamnés à restituer le trop-perçu au titre de l'exécution provisoire ordonnée par les premiers juges ;

Sur les pourvois incidents du GAN, dont les moyens identiques sont préalables :

Sur le premier moyen :

Attendu que cet assureur reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action des consorts X... alors que l'institution du Fonds d'indemnisation exclut toute action en réparation des victimes devant les juridictions de droit commun ; que la cour d'appel, en estimant le contraire, a violé l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt attaqué a retenu qu'il résultait de la loi du 31 décembre 1991 et de l'obligation faite aux victimes d'informer soit le Fonds d'indemnisation, soit le juge, en cas de saisine de l'un ou de l'autre, que ni ce texte ni son décret d'application du 26 février 1992 ne conféraient au régime qu'il instituait un caractère impératif interdisant aux victimes d'agir devant la juridiction de droit commun ; que la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas allégué que le préjudice des victimes avait été intégralement réparé par l'indemnité qui aurait été offerte par le Fonds, en a exactement déduit que leur action était recevable ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, et le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que le GAN reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le Centre responsable de la contamination de Sylvain X... par le VIH alors que, selon le deuxième moyen, d'une part, la responsabilité du Centre ne pouvait être engagée que sur faute prouvée et que, d'autre part, ledit Centre était tenu d'une simple obligation de moyens, et alors que, selon le troisième moyen, après avoir constaté la nature indécelable du VIH à l'époque des faits, la cour d'appel ne pouvait exclure la force majeure sans violer l'article 1148 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le contrat de fourniture du sang ou de ses dérivés par le Centre de transfusion mettait à la charge de celui-ci une obligation de livrer des produits exempts de vices, sans faculté d'exonération autre que la cause étrangère et que le vice interne du produit, même indécelable, ne constituait pas, pour l'organisme fournisseur, une cause étrangère ; que l'arrêt est ainsi légalement justifié et qu'aucun des griefs n'est fondé ;

Et sur la seconde branche du troisième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de prendre en compte la directive du 25 juillet 1985 alors que, selon le moyen, le juge national, saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application de la directive, est tenu d'interpréter son droit national à la lumière du texte et de sa finalité ; qu'en se refusant à procéder ainsi la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1148 du Code civil ;

Mais attendu que si le juge national, saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application d'une directive, est tenu d'interpréter son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de cette directive, c'est à la condition que celle-ci soit contraignante pour l'Etat membre et ne lui laisse pas une faculté d'option pour l'adaptation de son droit national au droit communautaire ; que, l'article 15-1-c de la directive CEE 85-374 du 25 juillet 1985, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, laisse aux Etats membres la faculté d'introduire ou non dans leur législation interne l'exonération pour risque de développement ; qu'il s'ensuit que le moyen, qui se réfère à des dispositions de la directive qui renvoient au droit interne, ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal n° 93-19.160 des consorts X... auquel s'associe le Centre, pris en ses deux branches et le moyen unique du pourvoi principal n° 93-20.412 du Centre, pris en ses quatre branches :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la garantie due par le GAN ne pouvait excéder la somme de 5 millions de francs pour la totalité des sinistres survenus pendant l'année 1984 alors que, d'une part, en se bornant à se référer aux termes de la police d'assurance, sans répondre aux motifs des premiers juges ni rechercher quelle avait été la commune intention des parties, la cour d'appel aurait violé les articles 1156 du Code civil et 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, les conditions particulières de la police stipulaient à l'article 41 que le montant des garanties était de 5 millions de francs " tous dommages confondus par sinistre et par année d'assurance " ; qu'en estimant que cette stipulation complétait l'article 5 des conditions générales et instituait une limitation de garantie supplémentaire par sinistre, la cour d'appel aurait dénaturé les termes clairs et précis de la convention qui fixait le montant des garanties à 5 millions de francs par sinistre et par année d'assurance ;

Attendu que le centre de transfusion reproche également à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la garantie due par le GAN ne pouvait excéder la somme de 5 millions de francs pour la totalité des sinistres survenus pendant l'année 1984 alors, que, d'une part, en déclarant que les stipulations des conditions particulières complétaient celles des conditions générales tout en appliquant exclusivement les secondes sans tenir compte des premières la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; alors que, d'autre part, elle aurait encore entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil en ne précisant pas pourquoi les conditions générales devaient s'appliquer comme si rien ne les complétaient ; alors que, de troisième part, il n'aurait pas été répondu aux conclusions invoquant deux précédents arrêts de la Cour de Cassation ; alors, enfin, qu'il résulte de l'arrêté du 27 juin 1980 pris pour l'application de l'article L 667 du Code de la santé publique, imposant aux centres de transfusion sanguine " au titre de l'assurance obligatoire une limitation de garantie jouant par année d'assurance et par sinistre et qu'il en résulte que le plafond de cette garantie joue deux fois par année et par sinistre " ; qu'en décidant que la limitation de garantie devait jouer exclusivement par année d'assurance, quel que soit le nombre des sinistres, la cour d'appel aurait violé le texte précité ;

Mais attendu que l'arrêt constate que l'article 9 des conditions générales de la police d'assurance de responsabilité civile souscrite par le Centre auprès du GAN stipule : " Dans tous les cas où la garantie est accordée à concurrence d'un montant limité par année d'assurance, les sommes assurées seront réduites automatiquement, quels que soient le nombre, la nature ou l'origine des sinistres, du montant des indemnités payées au cours d'une même année d'assurance suivant l'ordre chronologique de réalisation des dommages déclarés à la compagnie, et, sauf convention contraire, reconstituées d'office d'année en année sur les mêmes bases... seront considérés comme formant un seul et même sinistre toutes les conséquences de dommages causés à des personnes différentes ayant leur origine dans une même faute ou un même fait générateur " ; que l'arrêt énonce encore que l'article 41 des conditions particulières du contrat fixe le montant des garanties du risque responsabilité civile après livraison à 5 000 000 francs " tous dommages confondus par sinistre et par année d'assurance " ; qu'il précise enfin que ces différentes stipulations sont conformes aux garanties minimales énoncées dans l'annexe à l'arrêté du 27 juin 1980, publié au Journal officiel du 21 septembre 1980, relatif aux contrats d'assurance souscrits par les centres de transfusion sanguine ; qu'il ajoute que l'article 5 du contrat-type figurant dans ladite annexe stipule, en ce qui concerne la garantie E relative à la responsabilité civile de l'assuré " après livraison " : " Pour l'ensemble des dommages corporels, matériels, immatériels, à concurrence du montant global fixé aux conditions particulières par sinistre et par année d'assurance. Pour l'application (de cette garantie), le montant par année se réduit et finalement s'épuise par tout règlement amiable ou judiciaire d'indemnités, quels que soient les dommages auxquels ils se rapportent, sans reconstitution automatique de la garantie après règlement " ; que la cour d'appel en a déduit, en répondant aux conclusions invoquées et en faisant une exacte application des stipulations de la police souscrite par le Centre auprès du GAN et des clauses types précitées, qu'il convenait d'appliquer les conditions particulières de la police, qui, loin de déroger aux conditions générales, ne faisaient que les compléter en ajoutant à la limitation de garantie par année d'assurance un second plafond par sinistre, de sorte que la somme de 5 000 000 francs constituait la limite de l'indemnisation due par l'assureur pour une même année d'assurance, quel que soit le nombre des sinistres ou des victimes ;

D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois principaux et incidents.

Publication : Bulletin 1996 I N° 304 p. 211


Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 9 juillet 1996

N° de pourvoi: 93-20411
Non publié au bulletin
Rejet
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mlle Sylvie X..., alors âgée de 14 ans, a, le 28 mai 1983, subi une transfusion sanguine avec des produits fournis par le Centre de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes;
qu'un test a révélé qu'elle avait été contaminée par le virus d'immuno-déficience humaine (VIH) et qu'elle était atteinte du syndrome d'immuno-déficience acquise (SIDA);
que M. et Mme X..., ses père et mère, le premier agissant en son nom personnel et comme administrateur légal de sa fille, incapable majeure, ont assigné en indemnisation le Centre et son assureur de responsabilité, le Groupe des assurances nationales (GAN);
que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 octobre 1993), a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'action, a complété cette décision en déclarant le Centre responsable de la contamination de Sylvie X..., mais, le réformant pour le surplus, a condamné in solidum le Centre et le GAN à payer des indemnités aux demandeurs et dit que la garantie due par l'assureur ne pouvait excéder la somme de cinq millions de francs pour la totalité des sinistres survenus pendant l'année 1983;

I - Sur le pourvoi incident du GAN qui est préalable :

Sur le premier moyen :

Attendu que cet assureur reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action des consorts X... alors que l'institution du Fonds d'indemnisation exclut toute action en réparation des victimes devant les juridictions du droit commun;
que la cour d'appel, en estimant le contraire, a violé l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt attaqué a retenu qu'il résultait de la loi du 31 décembre 1991 et de l'obligation faite aux victimes d'informer, soit le Fonds d'indemnisation, soit le juge, en cas de saisine de l'un ou de l'autre, que ni ce texte, ni son décret d'application du 26 juin 1992 ne conféraient au régime qu'il instituait un caractère impératif interdisant aux victimes d'agir devant la juridiction de droit commun, que la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas allégué que le préjudice des victimes avait été intégralement réparé par l'indemnité qui aurait été offerte par le Fonds, en a exactement déduit que leur action était recevable;
que le moyen n'est donc pas fondé;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, et le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que le GAN reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le Centre responsable de la contamination de Sylvie X... par le VIH alors que, selon le deuxième moyen, d'une part, la responsabilité du Centre ne pouvait être engagée que sur faute prouvée et que, d'autre part, le dit Centre était tenu d'une simple obligation de moyens, et alors que, selon le troisième moyen, après avoir constaté la nature indécelable du VIH à l'époque des faits, la cour d'appel ne pouvait exclure la force majeure sans violer l'article 1148 du Code civil;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le contrat de fourniture du sang ou de ses dérivés par le Centre de transfusion mettait à la charge de celui-ci une obligation de livrer des produits exempts de vices, sans faculté d'exonération autre que la cause étrangère et que le vice interne du produit, même indécelable, ne constituait pas, pour l'organisme fournisseur, une cause étrangère;
que l'arrêt est ainsi légalement justifié et qu'aucun des griefs n'est fondé;

Et sur la seconde branche du troisième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de prendre en compte la directive du 25 juillet 1985, alors que, selon le moyen, le juge national, saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application de la directive, est tenu d'interpréter son droit à la lumière du texte et de sa finalité; qu'en se refusant à procéder ainsi la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1148 du Code civil;

Mais attendu que si le juge national, saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application d'une directive, est tenu d'interpréter son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de cette directive, c'est à la condition que celle-ci soit contraignante pour l'Etat membre et ne lui laisse pas une faculté d'option pour l'adaptation de son droit national au droit communautaire;
que l'article 15-1 C de la directive CEE 85/374 du 25 juillet 1985, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, laisse aux Etats membres la faculté d'introduire ou non dans leur législation interne l'éxonération pour risque de développement;
qu'il s'ensuit que le moyen, qui se réfère à des dispositions de la directive qui renvoient au droit interne, ne peut être accueilli;

II - Sur le moyen unique du pourvoi principal du Centre, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est reproché également à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la garantie due par le GAN ne pouvait excéder la somme de 5 millions de francs pour la totalité des sinistres survenus pendant l'année 1984 alors que, d'une part, en déclarant que les stipulations des conditions particulières complétaient celles des conditions générales tout en appliquant exclusivement les secondes sans tenir compte despremières, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses constatations;
alors que, d'autre part, elle aurait encore entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil en ne précisant pas pourquoi les conditions générales devaient s'appliquer comme si rien ne les complétaient;
alors que, de troisième part, il n'aurait pas été répondu aux conclusions invoquant deux précédents arrêts de la Cour de Cassation;
alors, enfin, qu'il résulte de l'arrêté du 27 juin 1980 pris pour l'application de l'article L. 667 du Code de la santé publique, imposant aux centres de transfusions sanguine "au titre de l'assurance obligatoire, une limitation de garantie jouant par année d'assurance, et par sinistre et qu'il en résulte que le plafond de cette garantie joue deux fois, par année et par sinistre";
qu'en décidant que la limitation de garantie devait jouer exclusivement par année d'assurance, quel que soit le nombre des sinistres, la cour d'appel aurait violé ces textes;

Mais attendu qu'en répondant aux conclusions invoquées, la cour d'appel a retenu qu'il convenait d'appliquer les conditions particulières qui ne faisaient que compléter les conditions générales et qui étaient conformes, au demeurant, à la clause-type annexée à l'arrêté du 27 juin 1980, laquelle stipule un plafond de garantie "par sinistre et par année d'assurance";
qu'elle en a déduit, en faisant une exacte application de ce texte et sans considérer que la limitation de garantie devait jouer exclusivement par année d'assurance, que l'assureur ne devait plus sa garantie lorsque l'un des deux plafonds était atteint;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois principal et incident ;

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 9 juillet 1996

N° de pourvoi: 93-19159 93-20923
Non publié au bulletin
Rejet

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Louis Y... a subi au cours d'une intervention chirurgicale, le 4 septembre 1984, la transfusion de produits sanguins dérivés; que des examens pratiqués ultérieurement, ont révélé qu'il était porteur du virus d'immuno-déficience humaine (VIH) ainsi que son épouse; que les époux Y... et leurs enfants, ont assigné le Centre de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes, fournisseur des produits sanguins transfusés, en déclaration de responsabilité et indemnisation; que le Groupe des assurances nationales (GAN) assureur de responsabilité du Centre, est intervenu à l'instance; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juillet 1993) a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait jugé recevable l'action des consorts Y..., déclaré le centre responsable de la contamination de Louis Y... et condamné le centre in solidum avec le GAN, à indemniser les demandeurs, mais, le réformant sur le montant des indemnités allouées et l'étendue de la garantie due par l'assureur, dit que cette garantie ne pouvait excéder la somme de cinq millions de francs pour la totalité des sinistres survenus pendant l'année 1984, les consorts Y... étant condamnés à restituer le trop perçu au titre de l'exécution provisoire ordonnée par les premiers juges;

Sur les pourvois incidents du GAN, dont les moyens identiques sont préalables :

Sur le premier moyen :

Attendu que cet assureur reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action des consorts Y... alors que, l'institution du Fonds d'indemnisation exclut toute action en réparation des victimes devant les juridictions de droit commun; que la cour d'appel, en estimant le contraire, a violé l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt attaqué a retenu qu'il résultait de la loi du 31 décembre 1991 et de l'obligation faite aux victimes d'informer, soit le Fonds d'indemnisation, soit le juge, en cas de saisine de l'un ou de l'autre, que ni ce texte, ni son décret d'application du 26 février 1992 ne conféraient au régime qu'il instituait un caractère impératif interdisant aux victimes d'agir devant la juridiction de droit commun; que la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas allégué que le préjudice des victimes avait été intégralement réparé par l'indemnité qui aurait été offerte par le Fonds, en a exactement déduit que leur action était recevable; que le moyen n'est donc pas fondé;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, et le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que le GAN reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le centre responsable de la contamination de Louis Y... par le VIH alors que, selon le deuxième moyen, d'une part, la responsabilité du centre ne pouvait être engagée que sur faute prouvée et que, d'autre part, ledit centre était tenu d'une simple obligation de moyens, et alors que, selon le troisième moyen, après avoir constaté la nature indécelable du VIH à l'époque des faits, la cour d'appel ne pouvait conclure la force majeure sans violer l'article 1148 du Code civil;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le contrat de fourniture du sang ou de ses dérivés par le Centre de transfusion mettait à la charge de celui-ci une obligation de livrer des produits exempts de vices, sans faculté d'exonération autre que la cause étrangère et que le vice interne du produit, même indécelable, ne constituait pas, pour l'organisme fournisseur, une cause étrangère; que l'arrêt est ainsi légalement justifié et qu'aucun des griefs n'est fondé;

Et sur la seconde branche du troisième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de prendre en compte la directive du 25 juillet 1985 alors que, selon le moyen, le juge national, saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application de la directive, est tenu d'interpréter son droit national à la lumière du texte et de sa finalité; qu'en se refusant à procéder ainsi la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1148 du Code civil;

Mais attendu que si le juge national, saisi d'un litige dans une matière rentrant dans le domaine d'application d'une directive, est tenu d'interpréter son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de cette directive, c'est à la condition que celle-ci soit contraignante pour l'Etat membre et ne lui laisse pas une faculté d'option pour l'adaptation de son droit national au droit communautaire; que, l'article 15-1-c de la directive CEE 85/374 du 25 juillet 1985, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, laisse aux Etats membres la faculté d'introduire ou non dans leur législation interne l'exonération pour risque de développement; qu'il s'ensuit que le moyen, qui se réfère à des dispositions de la directive qui renvoient au droit interne, ne peut être accueilli;

Sur le moyen unique du pourvoi principal n° W 93-19.159 des consorts Y... auquel s'associe le Centre, pris en ses deux branches, et le moyen unique du pourvoi principal n° P 93-20.923 du Centre, pris en ses quatre branches :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la garantie due par le GAN ne pouvait excéder la somme de 5 millions de francs pour la totalité des sinistres survenus pendant l'année 1984 alors que, d'une part, en se bornant à se référer aux termes de la police d'assurance, sans répondre aux motifs des premiers juges ni rechercher qu'elle avait été la commune intention des parties, la cour d'appel aurait violé les articles 1156 du Code civil et 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile; alors que, d'autre part, les conditions particulières de la police stipulaient à l'article 41 que le montant des garanties était de 5 millions de francs "tous dommages confondus par sinistre et par année d'assurance"; qu'en estimant que cette stipulation complétait l'article 5 des conditions générales et instituait une limitation de garantie supplémentaire par sinistre, la cour d'appel aurait dénaturé les termes clairs et précis de la convention qui fixait le montant des garanties à 5 millions de francs par sinistre et par année d'assurance;

Attendu que le Centre de transfusion reproche également à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la garantie due par le GAN ne pouvait excéder la somme de 5 millions de francs pour la totalité des sinistres survenus pendant l'année 1984 alors que, d'une part, en déclarant que les stipulations des conditions particulières complétaient celles des conditions générales tout en appliquant exclusivement les secondes sans tenir compte des premières, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses constatations; alors que, d'autre part, elle aurait encore entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, en ne précisant pas pourquoi les conditions générales devaient s'appliquer comme si rien ne les complétait; alors que, de troisième part, il n'aurait pas été répondu aux conclusions invoquant deux précédents arrêts de la Cour de Cassation; alors, enfin, qu'il résulte de l'arrêté du 27 juin 1980 pris pour l'application de l'article L.667 du Code de la santé publique, imposant aux centres de transfusion sanguine "au titre de l'assurance obligatoire une limitation de garantie jouant par année d'assurance et par sinistre et qu'il en résulte que le plafond de cette garantie joue deux fois, par année et par sinistre"; qu'en décidant que la limitation de garantie devait jouer exclusivement par année d'assurance, quel que soit le nombre des sinistres, la cour d'appel aurait violé le texte précité;

Mais attendu que l'arrêt constate que l'article 9 des conditions générales de la police d'assurance de responsabilité civile souscrite par le Centre auprès du GAN stipule "dans tous les cas où la garantie est accordée à concurrence d'un montant limité par année d'assurance, les sommes assurées seront réduites automatiquement, quels que soient le nombre, la nature ou l'origine des sinistres, du montant des indemnités payées au cours d'une même année d'assurance suivant l'ordre chronologique de réalisation des dommages déclarés à la compagnie, et, sauf convention contraire, reconstituées d'office d'année en année sur les mêmes bases... seront considérés comme formant un seul et même sinistre toutes les conséquences de dommages causés à des personnes différentes ayant leur origine dans une même faute ou un même fait générateur"; que l'arrêt énonce encore que l'article 41 des conditions particulières du contrat fixe le montant des garanties du risque responsabilité civile après livraison à 5 000 000 francs "tous dommages confondus par sinistre et par année d'assurance"; qu'il précise enfin que ces différentes stipulations sont conformes aux garanties minimales énoncées dans l'annexe à l'arrêté du 27 juin 1980, publié au journal officiel du 21 septembre 1980, relatif aux contrats d'assurance souscrits par les centres de transfusion sanguine; qu'il ajoute que l'article 5 du contrat-type figurant dans ladite annexe stipule, en ce qui concerne la garantie E relative à la responsabilité civile de l'assuré "après livraison" : "Pour l'ensemble des dommages corporels, matériels, immatériels, à concurrence du montant global fixé aux conditions particulières par sinistre et par année d'assurance. Pour l'application (de cette garantie), le montant par année se réduit et finalement s'épuise par tout règlement amiable ou judiciaire d'indemnités, quels que soient les dommages auxquels il se rapportent, sans reconstitution automatique de la garantie après règlement"; que la cour d'appel en a déduit, en répondant aux conclusions invoquées et en faisant une exacte application des stipulations de la police souscrite par le Centre auprès du GAN et des clauses types précitées, qu'il convenait d'appliquer les conditions particulières de la police, qui loin de déroger aux conditions générales, ne faisaient que les compléter en ajoutant à la limitation de garantie par année d'assurance un second plafond par sinistre, de sorte que la somme de 5 000 000 francs constituait la limite de l'indemnisation due par l'assureur pour une même année d'assurance, quel que soit le nombre des sinistres ou des victimes;


D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leur branches;

PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois principaux et incidents ;