Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 17 juin 2010

N° de pourvoi: 09-10786 09-10838
Publié au bulletin Rejet

Sur les moyens uniques des pourvois n° K 09-10.786 et S 09-10.838 réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2008), que M. X..., hémophile, a subi, le 22 janvier 1983, à l'occasion d'une opération chirurgicale, la transfusion de nombreux produits sanguins livrés par le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) et dont certains étaient fabriqués par la société Immuno Belgique ; que soutenant que sa contamination par le virus de l'hépatite C, qui s'est révélée en décembre 1991, serait imputable à l'administration de ces produits , M. X... et son épouse, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, ont, le 30 mai 2003, assigné, la Fondation nationale de transfusion sanguine (FNTS) et la société Azur assurances, aux droits de laquelle se trouve la société Covea Risks, assureur du CNTS, en paiement de dommages-intérêts ; que le 17 février 2004, l'Etablissement français du sang (EFS), venant aux droits de la FNTS, a assigné en garantie la société Baxter, venant aux droits de la société Immuno Belgique, fabricant des produits kryoglobuline ;

Attendu que l'EFS et la société Covea Risks font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes de garantie dirigée contre la société Baxter, alors, selon le moyen :

1°/ que la présomption d'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C à une transfusion sanguine prévue par l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 est opposable à toute partie tenue à la réparation du dommage causé par cette contamination ; qu'elle s'applique à l'action en réparation exercée par la victime à l'encontre de toute personne qui a contribué à la production de son dommage, ainsi qu'au recours, de caractère subrogatoire, exercé par le centre de transfusion sanguine à l'encontre de ses coobligés ; qu'ayant constaté que la société Immuno Belgique avait fabriqué quarante flacons de kryoglobuline fournis au CNTS, livrés à l'hôpital Necker et administrés à M. X..., la cour d'appel, qui a retenu, pour débouter l'EFS de son recours contre la société Baxter, qu'il ne pouvait invoquer le bénéfice de la présomption d'imputabilité à l'encontre de son fournisseur et qu'il n'établissait pas, selon les règles du droit commun de la preuve, que les produits sanguins litigieux fussent viciés, de sorte que la responsabilité de la société Baxter ne pouvait être retenue, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé le texte précité, ensemble l'article 1251 du code civil ;

2°/ que la présomption d'imputabilité d'une contamination à une transfusion sanguine est opposable à toute partie tenue à la réparation du dommage causé par cette contamination ; qu'en jugeant, en l'espèce, que cette présomption d'imputabilité ne pourrait bénéficier qu'à la victime et ne serait pas applicable dans les rapports entre l'EFS et la société Baxter la cour d'appel a violé l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ;

3°/ que dès lors que l'EFS et son assureur avaient indemnisé la victime, ils étaient subrogés dans ses droits à l'encontre d'un autre coauteur du dommage, quelles qu'aient été les règles qui ont conduit à leur condamnation ; qu'en jugeant que «l'EFS et la société Covea Risks ne peuvent pas invoquer valablement l'existence d'une subrogation dans les droits de la victime dès lors que l'EFS a été condamné en application de l'article 102 à réparer les conséquences dommageables de la contamination», la cour d'appel a violé l'article 1251 du code civil ;

Mais attendu que la présomption simple d'imputabilité est édictée par l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 au seul bénéfice des victimes ; que les recours entre cofournisseurs de produits sanguins obéissent aux règles du droit commun ;

Et attendu que l'arrêt retient que la société Immuno Belgique a fabriqué quarante flacons de kryoglobuline qui ont été fournis au CNTS, livrés par celui-ci à l'hôpital Necker et administrés à M. X... ; que si la victime peut rechercher la responsabilité d'un seul fabricant dès lors que certains produits sanguins lui ont été fournis par ce dernier, cette responsabilité n'est pas exclusive de celle des autres fabricants ; que cependant, si l'article 102 n'énonce pas expressément que le demandeur doit être la victime ou ses ayants droit, cette disposition a été élaborée à leur intention et ne peut donc être invoquée par l'EFS dans ses rapports avec la société Baxter ; que la garantie de celle-ci ne peut être retenue qu'au titre d'un manquement à son obligation de sécurité en qualité de fournisseur de produits sanguins ;
que, néanmoins, une telle responsabilité implique préalablement de démontrer que les produits sanguins fournis, dont elle avait la charge de contrôler la qualité, étaient viciés , la société Baxter ne pouvant être condamnée qu'au titre de ses produits ; que ce n'est que dans ce cas que le fabricant doit, pour s'exonérer de sa responsabilité, démontrer l'existence d'une cause étrangère, la seule possibilité que la contamination puisse être liée aux produits sanguins qu'elle a fournis ne permettant pas d'entrer en voie de condamnation à son égard ;

Que de ces seules constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit qu'en l'absence de preuve que les produits sanguins fournis par la société Immuno Belgique étaient viciés, la société Baxter ne pouvait être tenue à garantie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que, par suite du rejet des pourvois principaux, les pourvois incidents éventuels de la société Baxter sont devenus sans objet ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois ;

Publication : Bulletin 2010, II, n° 117

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 17 juin 2010

N° de pourvoi: 09-65190
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 novembre 2008), que M. X..., hémophile, a subi de nombreuses transfusions sanguines; qu'à compter du 1er janvier 1982, les produits sanguins ont été fournis par le centre régional de transfusion sanguine (CRTS) de Bordeaux, aux droits duquel se trouve l'Etablissement français du sang (EFS), et qui était assuré jusqu'au 31 décembre 1986 auprès de la Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF) ; qu'il s'est trouvé atteint du virus du sida en 1985, puis, en 1988, de celui de l'hépatite C ; que M. X..., ses parents et ses frère et soeur ont fait assigner l'EFS et la MACSF devant un tribunal de grande instance en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que l'EFS fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de garantie dirigée contre la MACSF, alors, selon le moyen, que la présomption d'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C à une transfusion sanguine prévue par l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 est opposable à toute partie tenue à la réparation du dommage causé par cette contamination et, notamment, à l'assureur de responsabilité civile du centre de transfusion sanguine ; qu'il s'ensuit qu'en présence de transfusions multiples qui, toutes, peuvent être à l'origine de la contamination, sans que le geste contaminant puisse être identifié, l'assureur est tenu à indemnisation dès lors que l'une ou moins des injections a eu lieu au cours d'une période garantie ; qu'ayant constaté, d'une part, que M. X... n'avait jamais cessé de recevoir des transfusions de facteurs coagulants depuis 1972 et, d'autre part, que la MACSF devait sa garantie pour les sinistres survenus entre le 1er janvier et le 31 juillet 1982 et au cours de l'année 1986, la cour d'appel, qui a retenu, pour rejeter la demande de garantie de l'EFS contre son assureur, qu'il ne rapportait pas la preuve certaine de ce que la contamination de M. X... avait eu lieu au cours d'une période garantie, a violé l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 par refus d'application ;

Mais attendu que la présomption simple d'imputabilité est édictée par l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 au seul bénéfice des victimes ;

Et attendu que l'arrêt retient que, selon le rapport d'expertise, les transfusions ont eu lieu du 10 avril 1972 au 7 janvier 2001 sans que puisse être déterminée la date à laquelle la contamination a eu lieu, et que l'hépatite C a été mise en évidence en janvier 1988 ; que la contamination s'est donc produite entre 1972 et janvier 1988 ; que la fin de la garantie se situant le 31 décembre 1986, il existe une période comprise entre janvier 1987 et janvier 1988 non couverte par la garantie au cours de laquelle la contamination a pu intervenir ; que le fait que de nombreuses transfusions aient pu, comme le soutient l'EFS, avoir lieu entre le 10 avril 1972 et le 1er août 1982 n'implique pas qu'elle n'ait pu avoir lieu par la suite ; que, par ailleurs, le plafond de garantie a été atteint pour les années 1983 à 1985, ce qui exclut toute prise en charge ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justement déduit qu'en l'absence de preuve que la contamination s'était produite pendant la période de validité du contrat, l'assureur ne pouvait être tenu à garantie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin 2010, II, n° 118

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du mercredi 24 mai 2006

N° de pourvoi: 05-17091
Publié au bulletin Cassation partielle.

Sur le moyen unique :

Vu les articles 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, 1251 et 1382 du code civil ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que la présomption d'imputabilité d'une contamination à une transfusion sanguine est opposable à toute partie tenue à la réparation du dommage causé par cette contamination ; que selon les deux autres, l'action récursoire d'un coobligé fautif contre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par ces textes, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 11 juillet 1987, Mme X... a été victime d'un accident de la circulation, alors qu'elle était passagère d'un véhicule conduit par Mme Y..., assurée auprès de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF) ;

que Mme X... a été hospitalisée au centre hospitalier du Mans, où elle a reçu, entre le 11 juillet et le 5 août 1987, plusieurs transfusions de produits sanguins fournis par le Centre régional de transfusion sanguine Maine Normandie (le CRTS), aux droits duquel est venu l'Etablissement français du sang (l'EFS), assuré auprès de la société Mutuelle du Mans assurances IARD (MMA) ; que la MAIF, assureur de la conductrice, a indemnisé Mme X... du préjudice lié à l'accident, en exécution d'une transaction en date du 17 avril 1989, mais qu'à l'occasion d'un dépistage, réalisé en 1997, Mme X... a appris qu'elle était atteinte du virus de l'hépatite C ; qu'imputant sa contamination aux transfusions de produits sanguins reçues aux mois de juillet et août 1987, le 10 février 2003, Mme X... a assigné en responsabilité et indemnisation, devant le tribunal de grande instance, le CRTS ; que celui-ci a appelé en garantie la MAIF, assureur du véhicule ; que la MMA est intervenue à l'instance, en sa qualité d'assureur de responsabilité civile du CRTS ;

Attendu que pour débouter l'EFS de son action récursoire dirigée contre la MAIF, l'arrêt retient qu'il ressort des dispositions dérogatoires de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins, qu'en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date de l'entrée en vigueur de ladite loi, seule la victime bénéficie d'une présomption de causalité entre la transfusion et la contamination ; que dans leurs rapports avec la MAIF, il appartient à l'EFS de rapporter la preuve que les transfusions sanguines qui ont été nécessitées par l'accident sont à l'origine de la contamination ; que, sur ce plan, il résulte clairement du rapport d'expertise que, si la transfusion s'avère un facteur de risque scientifiquement et potentiellement réel, il n'existe en l'espèce "aucune preuve formelle et certaine" que le virus qui a été présent chez Mme X... a été d'origine transfusionnelle, sa transmission ayant notamment pu se faire lors des extractions dentaires subies par l'intéressée avant 1987 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les transfusions sanguines, à l'origine de la contamination de Mme X... par le virus de l'hépatite C, avaient été rendues nécessaires par l'accident de la circulation imputable à Mme Y..., assurée auprès de la MAIF, et en retenant, pour débouter l'EFS de son recours contre la MAIF, que le lien de causalité entre la contamination et les transfusions sanguines n'était pas établi, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin 2006 II N° 134 p. 126