Les
journalistes et le secret de l'instruction
Les journalistes
"chiens de garde" de la démocratie, liberté
de la presse et d'expression :
CEDH,
27 mars 1996, Godwin contre RU : un journaliste peut publier des
informations confidentielles et compromettantes reçues du salarié
d'une société
Le
procureur peut informer les médias :
Code
de procédure pénale, Article 11 : (...)
Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations
parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à
l'ordre public,
le procureur de la République peut, d'office et à
la demande de la juridiction d'instruction ou des parties,
rendre publics des éléments objectifs tirés de
la procédure
ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé
des charges retenues contre les personnes mises en cause.
Donc
: le procureur peut communiquer des informations aux médias,
pour :
- mettre fin à un trouble d’ordre public
- ou éviter la propagation d’informations parcellaires
ou inexactes
Exemple :
la conférence de presse du procureur Molins après l'attentat
à Charlie Hebdo
Le
journaliste peut être condamné pour
Recel du secret de l'instruction
Les journalistes
ne concourent pas à l'enquête, ils ne sont donc pas soumis
à l'art. 11 du Code de proc. pén.
Mais ils peuvent être condamnés pour recel puisque
leur information a une origine délictueuse = recel du secret
de l'instruction
Cass.
crim., 30 octobre 2006 : Une enquête est menée sur
le dopage de cyclistes. Des extraits de transcriptions d’écoutes
téléphoniques sont publiées par les journaux Le
Point et l’Equipe, alors que ces transcriptions n’ont même
pas encore été transmises au juge d'instruction.
Les journalistes sont condamnés pour recel de violation
du secret de l’instruction.
Les perquisitions et autres investigations à
l’encontre des journalistes ont été validées
car correctement menées et justifiées en l’espèce.
L’ingérence des enquêteurs était nécessaire
et proportionnée au but légitime visé.
La
question du secret des sources :
Pour démontrer
le recel du secret de l'instruction, il faut démontrer qu'il
y a eu, en amont, violation du secret de l'instruction. Cette preuve
suppose des investigations dans des locaux de presse, des écoutes,
etc ... et peut parfois se heurter au secret des sources.
Principe
du secret des sources journalistiques :
Article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse
Modifié par LOI n°2010-1 du 4 janvier 2010 - art. 1
(V)
Le secret des sources des journalistes est protégé dans
l'exercice de leur mission d'information du public.
Est considérée
comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne
qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises
de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle
ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre
régulier et rétribué, le recueil d'informations
et leur diffusion au public.
Il
ne peut être porté atteinte directement ou indirectement
au secret des sources que si un impératif prépondérant
d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées
sont strictement nécessaires et proportionnées au but
légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun
cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler
ses sources.
Est considéré
comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième
alinéa le fait de chercher à découvrir les sources
d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne
qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut
détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources.
Au
cours d'une procédure pénale, il est tenu compte,
pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de
la gravité du crime ou du délit, de l'importance
de l'information recherchée pour la répression
ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures
d'investigation envisagées sont indispensables
à la manifestation de la vérité.
Cass.
25 février 2014
:
Le Figaro avait publié des photos de prisonniers en fuite, issues
d'un dossier d’instruction.
Un journaliste est perquisitionné et du matériel informatique
est saisi, ainsi que tous les numéros enregistrés sur
son téléphone. Le journaliste invoque le secret des sources.
La chambre de l'instruction
refuse d'annuler la procédure : "les mesures d'investigation
prises dans le cadre de l'enquête à l'égard de M.
X..., journaliste, ci-dessus détaillées, n'étaient
pas disproportionnées en considération des objectifs recherchés"
La Cour
de cassation CASSE :
Il ne peut être porté atteinte au secret des sources
des journalistes que
- si un impératif prépondérant d’intérêt
public le justifie
- et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires
et proportionnées au but légitime poursuivi
Ici, il n'est pas
démontré "que les ingérences litigieuses procédaient
d'un impératif prépondérant d'intérêt
public, et que d'autres mesures que la perquisition et les saisies opérées
au domicile de l'intéressé auraient été
insuffisantes pour rechercher l'existence d'une éventuelle violation
du secret professionnel, et en identifier les auteurs"
= Il faut démontrer que les mesures d'enquête sont nécessaires
et proportionnées