Procédure pénale
L'instruction - Le secret de l'instruction

doc Wester-Ouisse

 

Secret de l'enquête et de l'instruction : le principe

Code de procédure pénale, Article 11
Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète.
Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
(...)

 

 

L'avocat et le secret de l'instruction

L'avocat ne concours pas à l'enquête ou l'instuction, mais il est pourtant soumis au secret :

Code déontologie , art. 11 :
« L'avocat respecte le secret de l'enquête et de l'instruction en matière pénale, en s'abstenant de communiquer, sauf à son client pour les besoins de la défense, des renseignements extraits du dossier, ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une enquête ou une information en cours. Il ne peut transmettre de copies de pièces ou actes du dossier de la procédure à son client ou à des tiers que dans les conditions prévues à l'article 114 du code de procédure pénale. »
(Même le client ne peut délier l'avocat du secret).

Code de procédure pénale, art. 114 :
(...) Après la première comparution ou la première audition, les avocats des parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier.
Cette copie peut être adressée à l'avocat sous forme numérisée, le cas échéant par un moyen de télécommunication selon les modalités prévues à l'article 803-1. La délivrance de cette copie doit intervenir dans le mois qui suit la demande.

Les avocats peuvent transmettre une reproduction des copies ainsi obtenues à leur client. Celui-ci atteste au préalable, par écrit, avoir pris connaissance des dispositions de l'alinéa suivant et de l'article 114-1.

Seules les copies des rapports d'expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense.

Article 114-1
Sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l'article 114, le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d'une procédure d'instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d'un tiers est puni de 3 750 euros d'amende.

 

 

Les journalistes et le secret de l'instruction

Les journalistes "chiens de garde" de la démocratie, liberté de la presse et d'expression :
CEDH, 27 mars 1996, Godwin contre RU : un journaliste peut publier des informations confidentielles et compromettantes reçues du salarié d'une société

 

Le procureur peut informer les médias :

Code de procédure pénale, Article 11 : (...)
Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public,
le procureur de la République
peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure
ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

Donc : le procureur peut communiquer des informations aux médias, pour :
- mettre fin à un trouble d’ordre public
- ou éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes
Exemple : la conférence de presse du procureur Molins après l'attentat à Charlie Hebdo

 

Le journaliste peut être condamné pour
Recel du secret de l'instruction

Les journalistes ne concourent pas à l'enquête, ils ne sont donc pas soumis à l'art. 11 du Code de proc. pén.
Mais ils peuvent être condamnés pour recel puisque leur information a une origine délictueuse = recel du secret de l'instruction

Cass. crim., 30 octobre 2006 : Une enquête est menée sur le dopage de cyclistes. Des extraits de transcriptions d’écoutes téléphoniques sont publiées par les journaux Le Point et l’Equipe, alors que ces transcriptions n’ont même pas encore été transmises au juge d'instruction.
Les journalistes sont condamnés pour recel de violation du secret de l’instruction.
Les perquisitions et autres investigations à l’encontre des journalistes ont été validées car correctement menées et justifiées en l’espèce. L’ingérence des enquêteurs était nécessaire et proportionnée au but légitime visé.

La question du secret des sources :

Pour démontrer le recel du secret de l'instruction, il faut démontrer qu'il y a eu, en amont, violation du secret de l'instruction. Cette preuve suppose des investigations dans des locaux de presse, des écoutes, etc ... et peut parfois se heurter au secret des sources.

Principe du secret des sources journalistiques :
Article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Modifié par LOI n°2010-1 du 4 janvier 2010 - art. 1 (V)
Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public.

Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public.

Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

Est considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources.

Au cours d'une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité.

Cass. 25 février 2014 :
Le Figaro avait publié des photos de prisonniers en fuite, issues d'un dossier d’instruction.
Un journaliste est perquisitionné et du matériel informatique est saisi, ainsi que tous les numéros enregistrés sur son téléphone. Le journaliste invoque le secret des sources.

La chambre de l'instruction refuse d'annuler la procédure : "les mesures d'investigation prises dans le cadre de l'enquête à l'égard de M. X..., journaliste, ci-dessus détaillées, n'étaient pas disproportionnées en considération des objectifs recherchés"

La Cour de cassation CASSE :
Il ne peut être porté atteinte au secret des sources des journalistes que
- si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie
- et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi

Ici, il n'est pas démontré "que les ingérences litigieuses procédaient d'un impératif prépondérant d'intérêt public, et que d'autres mesures que la perquisition et les saisies opérées au domicile de l'intéressé auraient été insuffisantes pour rechercher l'existence d'une éventuelle violation du secret professionnel, et en identifier les auteurs"
= Il faut démontrer que les mesures d'enquête sont nécessaires et proportionnées

 

 

Tableau des durées de détention provisoire ;

Cass. crim., 1er septembre 2009 : obligation d'informer ;

Perquisition et assistance d'un avocat : Cass. crim., 3 avril 2013 ;

 

 

Source des arrêts : legifrance.gouv.fr

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