Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 1 septembre 2009

N° de pourvoi: 08-88426
Publié au bulletin

Statuant sur le pourvoi formé par :- LA SOCIÉTÉ D'ECONOMIE MIXTE POUR LES ÉVÉNEMENTS CANNOIS (SEMEC), partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 9 décembre 2008, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte du chef de dénonciation calomnieuse ;

Vu l'article 575, alinéa 2, 1°, du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 226-10 du code pénal, 86, 575, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de refus d'informer ;

" aux motifs qu'il est exact que la Semec n'a pas accès à la procédure instruite du chef de tentative d'escroquerie, que cependant dans cette procédure, les déclarations faites à l'officier de police judiciaire sur convocation et interrogatoire, ne présentent aucun caractère spontané et ne peuvent recevoir la qualification de dénonciation calomnieuse ; que, seul l'interrogatoire devant le juge d'instruction est à l'origine de l'enquête ordonnée par le procureur, les pièces de la procédure autre que cet interrogatoire devant le juge d'instruction sont étrangères à la présente procédure instruite du chef de dénonciation calomnieuse et l'absence de communication de ces autres pièces ne peut constituer une violation du principe de l'égalité des armes ; que Laurence X... était entendue en qualité de témoin assisté, qu'elle était susceptible de se voir reprocher une tentative d'escroquerie au motif qu'elle avait enregistré indûment, à son nom, à l'INPI l'enseigne " Palais " qu'elle n'acceptait de restituer que si des factures étaient payées par la Semec ; que Laurence X... a déclaré avoir eu connaissance du cahier des charges par M. Z..., une semaine avant les autres candidats, que cette déclaration faite alors qu'elle était susceptible de se voir reprocher des infractions de tentative d'escroquerie et faux avait pour but de démontrer qu'elle avait été sollicitée par MM. Z...et A...en raison de ses compétences, pour accomplir un travail réel et non en raison de liens supposés privilégiés avec la mairie que M. Z...entretenait lui-même ; que les propos de Laurence X... ont été tenus alors qu'elle était entendue en qualité de témoin assisté, qu'ils sont en relation avec les faits susceptibles de lui être reprochés et ne peuvent en l'absence de spontanéité être constitutifs d'une dénonciation calomnieuse ; que les faits dénoncés ne peuvent être qualifiés de dénonciation calomnieuse et ne peuvent recevoir aucune qualification pénale, que l'ordonnance de refus d'informer doit être confirmée » ;

" alors que, d'une part, le principe du contradictoire et de l'égalité des armes garantit le droit d'accès aux informations et la communication de toutes les pièces de la procédure ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans méconnaître ces principes, confirmer l'ordonnance de refus d'ordonner tout en reconnaissant que la partie civile n'a pas eu accès à l'intégralité des pièces de la procédure au cours de laquelle Laurence X... avait tenu ses déclarations calomnieuses et dont le parquet, qui s'est abstenu de les communiquer, avait connaissance ;

" alors que, d'autre part, au sens de l'article 226-10 du code pénal, la spontanéité ne fait défaut que lorsque la déclaration est une réponse à une sollicitation des autorités policières ou judiciaires ; qu'en confirmant le refus d'informer sur la plainte déposée contre Laurence X... du chef de dénonciation calomnieuse, lorsque celle-ci, entendue comme témoin assisté, sans avoir prêté serment, a déposé librement, sans répondre aux sollicitations du juge qui s'est borné à recueillir ses déclarations sans jamais les orienter ni les suggérer, la chambre de l'instruction a violé le principe susvisé et méconnu le droit d'accès de l'exposante à un tribunal ;

" alors qu'en outre, une dénonciation ne peut être considérée comme spontanée que si elle se rattache étroitement aux droits de la défense, circonstances qu'il appartient aux juges de fond de caractériser ; qu'en se bornant à relever que les propos de Laurence X... sont « en relation » avec les faits susceptibles de lui être reprochés, sans jamais caractériser qu'ils se rattachent « étroitement à l'exercice des droits de la défense », la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale et méconnu de plus fort le droit d'accès à un tribunal ;

" alors qu'enfin, la chambre de l'instruction ne pouvait confirmer l'ordonnance de refus d'informer sans répondre au moyen de défense de la partie civile qui faisait valoir qu'en précisant « pour en revenir à l'objet de la plainte », Laurence X... reconnaissait que ses déclarations antérieures et dénoncées par la partie civile n'avaient aucun lien avec les faits qui lui étaient reprochés, d'où il résulte qu'elles ne se justifiaient pas par l'exercice de ses droits de la défense " ;

Vu l'article 86 ensemble les articles 85 et préliminaire du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon les articles 85 et 86 du code de procédure pénale, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86, que, si pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à les supposer démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;

Attendu qu'en vertu de l'article préliminaire du même code, la procédure pénale doit être contradictoire ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la Semec a porté plainte et s'est constituée partie civile du chef de dénonciation calomnieuse après qu'elle eut fait l'objet d'une enquête pour favoritisme diligentée à la suite de déclarations faites par Laurence X... ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer rendue par le juge d'instruction, l'arrêt énonce, en se fondant sur les seules pièces annexées par le procureur de la République à son réquisitoire, que les propos de Laurence X..., visés dans la plainte, ont été tenus alors qu'elle était entendue en qualité de témoin assisté dans une procédure distincte instruite du chef de tentative d'escroquerie, à laquelle la partie civile n'a pas accès ; que les juges en concluent que ces propos ne peuvent, en l'absence de spontanéité, être constitutifs d'une dénonciation calomnieuse ni recevoir aucune qualification pénale ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, en l'absence de tout acte propre à l'affaire en cause et sans avoir vérifié par une information préalable et contradictoire la réalité des faits dénoncés dans la plainte, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE

Publication : Bulletin criminel 2009, n° 146