Les
moyens spécifiques d'investigations judiciaires
en matière de terrorisme
Les
infractions de terrorismes (code pénal articles 421-1 à
421-6) font l'objet de procédures particulières, les
officiers de police judiciaire (OPJ) et les magistrats chargés
des enquêtes bénéficiants de pouvoirs et de moyens plus
importants.
Investigations
et surveillances
les
OPJ peuvent étendre leur surveillance des personnes soupçonnées
d'avoir commis un crime ou délit de terrorisme sur
tout le territoire national (Cpp
art. 706-80)
sur
internet :
Des
services spéciaux ont été créés
par arrêtés, dans lesquels des OPJ spécialisés
dans les recherches sur internet endossent de fausses identités
et recherchent les infractions de terrorisme ou d'apologie du terrorisme
(Cpp
art. 706-87-1).
Limite : les OPJ travaillant sur internet ne doivent
pas provoquer des infractions qui, sans eux, n’auraient pas
eu lieu. Il faut bien faire la distinction entre
- la provocation à la preuve (ils provoquent l'obtention
de la preuve d'une infraction qui, de toute façon, aurait
eu lieu sans eux)
- et la provocation à l'infraction (sans la provocation,
l'infraction n'aurait pas eu lieu), qui est interdite
Les
infiltrations
L'OPJ infiltré se fait passer pour un auteur, coauteur ou
complice d’une infraction.
La Cour de
cassation avait admis les infiltration en 1999, le législateur
les a réglementées dans une loi de 2004 (actualisée
depuis), en les limitant aux infractions les plus graves, notamment
le terrorisme : art.
706-81 et s.
L'infiltration doit être autorisée par le Procureur de la
République ou le juge d’instruction, pour 4 mois renouvelables.
Le policier infiltré peut adopter une identité d’emprunt.
Il est autorisé à acquérir, transporter, livrer
des biens, des documents ou des informations liés aux infractions.
Les
gardes à vue
La
prolongation de garde à vue : si la durée
de base d'une garde à vue est de 24 h,
en matière de terrorisme, la garde à vue peut aller
jusqu'à 6 jours (144 h), en cas de risque d'un attentat terroriste
imminent
Justification possible : imminence d'un attentat en France, à
l'étranger, et par les nécessités de la coopération
internationale (justification retenue pour le fameux Jawad par
exemple)
Une fois la première période de 24 h écoulée,
le procureur accorde une première prolongation de 24 h, puis
il peut saisir le JLD pour demander une prolongation au delà
des 48 h. (Cpp
Art. 706-88 et 706-88-1)
Ces durées
exceptionnelles de garde à vue ne sont cependant pas possibles
concernant l'apologie du terroriste ou la provocation (Cpp art.
706-24-1)
L'assistance
de l'avocat au cours des auditions pendant la garde à
vue, peut être repoussée de 72 h
"en considération de raisons impérieuses tenant
aux circonstances particulières de l'enquête ou de
l'instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation
des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes"
.
Les
perquisitions
Les perquisitions
sont des actes de fouille de locaux extremement coercitifs. Elles
ne sont possibles que dans un cadre précis, meme pour ce
qui concerne le terrorisme (c'est pourquoi, suite aux attentat du
13 novembre 2015, le gouvernement a instauré l'état
d'urgence, qui permet des perquisitions administratives beaucoup
plus larges).
Trois cadres
procéduraux sont à envisager ici
- dans le cadre d'une enquête préliminaire,
les perquisitions ne sont pas possibles sans l'autorisation de la
personne concernée. Elle peuvent être imposées de
façon contrainte, en cas d'enquête sur des faits de terrorismes,
sur décision du JLD
- Il n'y a enquête de flagrance que si l'infraction
vient d'etre commise ou si l'on est dans un temps voisin de l'action.
Dans le cadre d'enquêtes de flagrance (menée par des OPJ
sous l'autorité d'un procureur de la République),
la perquisition est possible si la personne perquisitionnée
est soupçonnée d'une infraction ou de détenir
des pièces ou objets liés à l'infraction. Ces
règles s'appliquent également en matière de
terrorisme.
- dans le cadre d'une instruction (menée
par un juge d'instruction), le juge peut sur commission rogatoire
demander aux OPJ de perquisitionner.
Alors que les
perquisitions de domiciles ne peuvent en principe débuter
que de 6 h à 21 h, en matière de terrorisme,
le procureur de la Republique peut demander au JLD l’autorisation
de perquisitionner certains lieux la nuit (art.
706-89 et 706-90).
Le juge d'instruction peut également envoyer
des OPJ perquisitionner la nuit,
- s'il s'agit d'un crime ou délit flagrant de terrorisme,
- ou s'il y a risques immédiat de disparition de preuves
ou indices,
- ou si des personnes soupçonnées de commettre des
crimes et délits se trouvent dans les locaux.
Pour plus de
précisions (notamment sur les formes précises à
respecter pour les ordonnances de perquisitions) : Cpp,
art. 706-89 et s
Les
visites de véhicules
Ces fouilles
sont autorisées par l’art. 78-2-2 du Cpp, notamment
pour la recherche et la poursuite d’actes de terrorisme, trafics
d’armes ou de stupéfiants.
Les OPJ sollicitent une autorisation écrite du procureur
de la République. Ils fouillent le véhicule en présence
de son propriétaire ou de témoins.
Les OPJ peuvent agir sans autorisation lorsqu’il existe des
raisons plausibles de croire que les individus à bord d’un
véhicule ont commis ou tenté un crime ou un délit.
Des fouilles
préventives peuvent être réalisées, sur
autorisation du propriétaire, ou bien du procureur de la
République, s'il y a risque d’atteinte à la
sécurité des personnes ou des biens. (Cpp, art. 78-2-4)
Les
interceptions téléphoniques et de correspondances (mail,
sms...)
Ces procédés
sont possibles lors d’enquêtes ou d’informations
portant sur des faits de délinquance ou de criminalité
énumérés à l’art. 706-73 Cpp,
notamment le terrorisme.
- Dans le cadre
des enquêtes préliminaires ou de flagrance,
c’est le JLD qui donne l’autorisation au Procureur de
la République de procéder à des écoutes
téléphoniques, interceptions, etc... pour une durée
de 1 mois, renouvelable.
Un procureur (ou un OPJ qu'il commet) peut donc requérir
d'un exploitant de réseau l'installation d'un dispositif
d'interception.
- Dans le cadre d'une instruction, le droit commun
s'applique, les écoutes téléphoniques sont
autorisées sous l’autorité du juge d'instruction
seul pour toute infraction punie de 2 ans d’empr ou plus (Cpp,
art 100 et s).
Les
sonorisations et fixations d’images de lieux ou de véhicules
A priori, les
photographies ou vidéo clandestines de lieux privés
sont irrecevables. Une image prise sans consentement
dans un lieu privé ou bien depuis un lieu public mais prenant
des images de lieux ou de biens privés (voitures et plaques
d’immatriculations par ex) sont constitutives d'une violation
de la vie privée (C. pén., art. 226-1, 2°).
Ces procédés
sont pourtant possibles lors d’informations portant sur des
faits de délinquance ou de criminalité énumérés
à l’art. 706-73 Cpp, notamment le terrorisme.
Dans tout autre domaine, ces procédés sont considérés
comme disproportionnés et portant atteinte à l’art.
8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Ces sonorisations
et images ne peuvent être mises en place que dans le cadre
d'une instruction (pas une simple enquête préliminaire
ou de flagrance), donc sur décision d'un juge d'intruction,
pour 4 mois renouvellables.
Les écoutes téléphoniques sont autorisées
sous l’autorité du juge d'instruction seul pour toute
infraction punie de 2 ans d’emprisonnement ou plus (Cpp, art
100).
Si le juge d'instruction souhaite mettre en œuvre ces écoutes,
sonorisation ou images de nuit et dans un lieu d’habitation,
il doit demander l’autorisation du JLD (art.
706-96, al. 2)
Les
captations de données informatiques
Ces procédés,
autorisés en matière de terrorisme, ne sont possibles
que dans le cadre d'une instruction (pas une simple
enquête préliminaire ou de flagrance), donc sur décision
d'un juge d'intruction, pour 4 mois renouvellable "à
titre exceptionnel".
Le juge d'instruction
fait mettre en place un dispositif technique permettant "d'accéder,
en tous lieux, à des données informatiques, de les
enregistrer, les conserver et les transmettre,
telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur
d'un système de traitement automatisé de données,
telles qu'il les y introduit par saisie de caractères
ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques
audiovisuels." (Cpp,
art. 706-102-1)
Les
prélèvements d'empreintes génétiques
Des
prélèvements d'empreinte génétiques
peuvent être faits sur les personnes suspectées, ce
qui va permettre de faire des comparaisons avec les empreintes répertoriées
dans le fichier national (Cpp 706-54 et 55-1)
Concernant les prélèvements faits sur une personne
suspectée, l’art. 706-54 fait une distinction entre
2 types de suspects :
- les personnes à l’encontre desquelles il existe des
indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles
aient commis l’une des infractions listées à
l’art. 706-55 = ils sont sérieusement suspectés.
Leur empreinte génétique est intégrée
au fichier et y sont conservée
- les personnes à l’encontre desquelles il existe une
ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles
ont commis une des infraction mentionnées à l’art.
706-55 = ils sont suspects mais un peu moins.
Leurs empreintes génétiques sont seulement comparées
à celles déjà entrées dans le FNAEG
; mais elles ne sont pas conservées.
Compétences
:
Des services de polices judiciaires spécifiques chargés
de la lutte anti-terroristes peuvent être autorisés à
investiguer par le procureur général de Paris (Cpp.
art. 706-24)
Et quelques
précisions également sur l'
et les mesures dérogatoires autorisées