Beaucoup de choses ont été dites au sujet de l'état d'urgence décrété le samedi 14 novembre 2015, suite aux terribles attentats terroristes du 13 novembre. Voici quelques éléments d'information.

V. Wester-Ouisse
Maitre de conférences à la faculté de droit de Rennes I
IODE UMR CNRS 6262

Sur cette page :

Les 4 régimes exceptionnels

L'état d'urgence : les textes, les conditions générales

Les critiques et interrogations sur l'état d'urgence

Ce que permet l'état d'urgence et les modifications de 2015

Les résultats de l'état d'urgence en 2015-2016

L'assignation à résidence : texte et jurisprudence

 

L'état d'urgence fait partie des 4 régimes exceptionnels
permettant de déroger aux règles administratives et procédurales de droit commun.

Il est, des 4, le moins attentatoire aux principes fondamentaux.

Ces régimes d'exception sont


L'art. 16 de la constitution
,
qui permet au Président de la République de réunir entre ses mains le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et prendre toutes mesures exigées par les circonstances, en cas de menace
sur les institutions
sur l'indépendance de la nation
sur l'intégrité du territoire
et en cas d'interruption des pouvoirs publics constitutionnels
Une procédure de consultation des présidents des assemblées et du premier ministre est prévue.
La durée de base est de 30 jours

Ce régime a été utilisé une seule fois, en 1961, lors du putch des généraux d'Alger

Concernant les attentats du 13 novembre 2015 : les institutions fonctionnent, ce régime est hors de propos


L'état de siège
, évoqué à l'art. 36 de la constitution et régi par les art. L. 2121-1 et s. du Code de la défense
mis en place en cas de guerre imminente ou d'insurection armée
Il permet, en matière de maintien de l'ordre et de police, le déssaisissement des autorités civiles au profit des militiaires.
Il prévoit des limitations des libertés d'aller et venir, de réunion, etc...

Ce régime est tombé en désuétude depuis la 2nde guerre mondiale

Concernant les attentats du 13 novembre 2015 : il n'est pas adapté, voire obsolète


La jurisprudence du Conseil d'Etat dite "des circonstances exceptionnelles" : cette jurisprudence a permis, après coup, de légitimer des actes de police ou de l'administration qui s'étaient affranchis de certaines limites ou règles de formes.

Cette jurisprudence a permis par exemple de légitimer des actes accomplis lors de la fin de la 2nde guerre mondiale

Concernant les attentats du 13 novembre 2015 : les institutions fonctionnent, il serait choquant d'emprunter la voie de la légitimation a posteriori

Reste donc le régime de l'état d'urgence

L'état d'urgence :
les textes - les conditions générales

loi du 3 avril 1955, modifiée par la loi du 21 novembre 2015 (d'autres modifications ont eu lieu en 1960, 2011, 2013)

Ce régime n'opère aucune confusion des pouvoirs législatifs et exécutif, et ne confie aucun pouvoir à l'armée.
Selon l'historien Henry Rousso, "la proclamation de l’« état d’urgence » plutôt que de l’« état de siège » montre bien que priorité absolue reste au pouvoir civil, dans la tradition républicaine"

Il permet toutefois une extension importante de certains pouvoirs de police et de l'administration.

 

Conditions de l'état d'urgence :

il est mis en place en cas
- de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public (= atteinte à la salubrité ou à la sécurité)
- d'événement présentant le caractère de calamité publique (= catastrophe naturelle)

Ce régime avait déjà été mis en place en 2005, lors des émeutes dans les banlieues dans 26 départements.

Concernant les attentats du 13 novembre 2015 : l'état d'urgence est mis en place sur tout le territoire français
par le décret du 14 novembre 2015 et celui du 18 novembre 2015
Il y a effectivement, avec les attentats du 13 novembre 2015, caractérisation d'un péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public : les terroristes ont frappé des lieux publics diversifiés, sans distinction, en très grand nombre, et, les phénomènes terroristes se répétant depuis le 7 janvier 2015, il est à craindre que de tels événements se reproduisent.

 

Durée de l'état d'urgence

Le décret pris en conseil des ministres ouvre l'état d'urgence pour une durée de 12 jours maximum.

L'état d'urgence peut cependant être prolongé par une loi,
ce qui est fait ici, pour 3 mois, dans l'art. 1 de la loi du 21 nov. 2015.

Si le gouvernement souhaitait une nouvelle prolongation, il faudrait de nouveau démontrer le péril imminent,
et obtenir le vote d'une loi par les assemblées parlementaires.

Critiques de la loi sur l'état d'urgence

Trois failles dans la loi actuelle :
- la définition de l'urgence elle-même, devrait être précisée. On peut craindre, en l'état actuel de la loi, qu'un gouvernement peu scrupuleux ne profite de n'importe quelle occasion pour affirmer qu'il y a urgence afin de passer son décret pour 12 jours.
- l'orientation des investigations exceptionnelles permises par l'état d'urgence doit être précisée dans le décret et dans la loi prolongeant l'état d'urgence : les préfets doivent être cadrés (ils le sont parfois) et ne pas faire de hors sujet. Ce qui semble hélas être parfois le cas, sans que la loi actuelle ne puisse l'empecher (voir infra dans la partie assignation à résidence)
Le dispositif vise le terrorisme djihadiste mais semble être "récupéré" pour d'autres préoccupations, notamment pour la préservation de la Cop21 de manifestants musclés d'extreme gauche. Le ministère de l'intérieur souhaite que les forces de l'ordre, passablement sollicitées sur les questions de terrorisme, soient préservées, tant que faire se peut, des autres conflits et sollicitations.
- la durée de l'état d'urgence prolongée par la loi devrait être très brève, car les semaines passant, les risques de dérapages se multiplient. Un mois ne serait-il pas suffisant ?

Validité de l'état d'urgence (recours de la Ligue des droits de l'homme)

CE, 27 janvier 2016 : il résulte de l’instruction que le péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public qui a conduit, à la suite d’attentats d’une nature et d’une gravité exceptionnelles, à déclarer l’état d’urgence n’a pas disparu ; que, même s’ils ont été de moindre ampleur que ceux du 13 novembre, des attentats se sont répétés depuis cette date à l’étranger comme sur le territoire national et que plusieurs tentatives d’attentat visant la France ont été déjouées ; que la France est engagée, aux côtés d’autres pays, dans des opérations militaires extérieures de grande envergure qui visent à frapper les bases à partir desquelles les opérations terroristes sont préparées, organisées et financées ;
les mesures qui ont été arrêtées, sous le contrôle du juge administratif, à qui il appartient de s’assurer qu’elles sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu’elles poursuivent, ont permis d’atteindre des résultats significatifs ;
le Président de la République n’a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale qui justifierait que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que les conclusions subsidiaires des requérants ne peuvent donc être accueillies ;

La France renonce-t-elle à la convention européenne des droit de l'Homme ?
J'ai écrit un petit truc là-dessus, sur le blog "Vu du droit"

Des doutes exprimés par un groupe de 10 juges administratifs anonymes :

"Au-delà des mesures exceptionnelles qu’il permet de prendre, une des conséquences de l’état d’urgence est le transfert de compétences de l’autorité judiciaire dans un cadre répressif vers l’administration à titre préventif. C’est la raison pour laquelle le juge administratif peut être saisi, a posteriori, par les personnes concernées."
Remarque : Les juges administratifs reconnaissent dans ce texte, à l'occasion de l'état d'urgence, tout les mérites de l'institution judiciaire et du droit pénal. Doit-on alors enfin restituer au juge pénal tous les contentieux confisqués depuis les années 1980 pour le confier aux des autorités administratives voire le privatiser ? La concurrence, les infractions bancaires ou boursières, hadopi, etc ...

Quid du projet de réforme constitutionnel ?

Il est envisagé que la constitution évoque l'existence de l'état d'urgence, comme c'est le cas de l'état de siège.

Autres projets, nécessitant une réforme constitutionnelle :

- la déchéance de nationalité pour les bi-nationaux, en cas d'entreprise terroriste
- le bannissement des nationaux qui seraient allés se battre en Syrie notamment

A suivre ...

Que permet l'état d'urgence ?

 

La présentation ci-dessous montre
dans la colonne de gauche ce que permettait la loi de 1955, assortie des diverses circulaires ministérielles,
avant la réforme du 21 novembre 2015 (donc pendant les 12 jours).
La colonne de droite montre les modifications apportées à la loi de 55.
En rouge, le renforcement du régime de l'état d'urgence,
en vert les allègements ou meilleures garanties pour les personnes qui le subissent.

12 premiers jours : on a appliqué
la loi de 55 (lire la loi),
assortie des décrets et diverses circulaires ministérielles de 2015

3 mois suivants
modifications apportées à la loi de 55
par l'art. 4 de la loi du 21 nov. 2015 (lire la loi actuelle)
possibilité d'interdire la circulation de personnes ou de vehicules dans certaines zones ou à certaines heures
exemple : couvre feu dans certains quartiers
Les circulaires imposent aux préfets de motiver leur consignes par l'existence de menaces graves

idem

Créer des zones où le séjour des personnes est réglementé, ou bien où la sécurité doit être accrue
Les circulaires imposent aux préfets de motiver leur consignes par l'existence de menaces graves

idem
Fermer des salles de spectacles, des débits de boisson, des lieux de réunion
Les circulaires imposent aux préfets de motiver leur consignes par l'existence de menaces graves

idem
au 21 janvier 2016 : 4 fermetures

Interdire des réunions ou regroupement pouvant créer le désordre
Le ministère de l'intérieur a ainsi demandé aux parisiens de ne pas manifester, comme cela a pu se faire le 11 janvier 2015
idem
Exiger la remise de toute arme meme détenue légalement
idem (texte actualisé)
Interdire le séjour de telle personne
dans tel département
idem


Assignations à résidence

les personnes sont obligées de rester dans un lieu de résidence désigné
On peut assigner à résidence la personne dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics

la personne doit se rendre régulièrement au poste de police ou de gendarmerie le plus proche (il n'y a pas de bracelet électronique)

La loi de 55 interdit la constitution de regroupement dans un lieu de rétention (camp, prison...)

A la fin de l'état d'urgence, la procédure pénale de droit commun reprend ses droits : l’assignation à résidence n'est prononcée que
- par un juge d’instruction dans le cadre d'une information judiciaire
- un juge des libertés et de la détention (JLD) pour une personne mise en examen

Du 14 au 20 novembre 2015,
164 assignations à résidence

Assignations à résidence
Elargissement des possibilité d'assignation à résidence :
on peut assigner la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public
(rappel : en état d'urgence, on n'est pas dans la logique judiciaire où les soupçons doivent être étayés objectivement ; on est dans une logique de police et de renseignements où des soupçons plus subjectifs suffisent)

La personne peut aussi être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation pendant une plage horaire, dans la limite de 12 heures par 24 heures

Le ministre de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence :
1° L'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, (maximum trois présentations par jour)
2° La remise à ces services de son passeport ou de tout document justificatif de son identité
3° l'interdition de voir certaines personnes
4° une surveillance éléctronique si la personne a déjà été condamnée pour terrorisme (fin de peine il y a moins de 8 ans)

QPC sur cette possibilité d'assignation
La vidéo de la QPC
L'arret du CC, 22 décembre 2015 : conformité à la constitution

au 19 février 2016 :
400 assignations à résidence
290 toujours actives

Au 15 juin 2017, depuis le 22 décembre 2016:
68 assignations à résidence en vigueur

Perquisitions de domicile de jour comme de nuit

Hors d'état d'urgence, pour perquisitionner,
il faut constatation d'une infraction flagrante (une infraction avérée vient d'etre commise) et les OPJ disposent alors de 8 jours pour mener une enquête leurs permettant des perquisitions de domiciles, de jours (6 h à 21 h), uniquement les domiciles des personnes soupçonnées de l'infraction flagrante.

S'il n'y a pas d'infraction flagrante, il y a seulement enquête préliminaire. Les perquisitions contraintes ne sont possibles sauf pour les délits punis de plus de 5 ans d'emprisonnement, sur autorisation écrite du juge des libertés et de la détention.

En état d'urgence, il n'est pas nécessaire qu'une infraction soit constatée ou que des soupçons de commission d'une infraction précise pèsent sur une personne.
La police et les services de renseignements peuvent utiliser leurs renseignements (les fameuses fiches S, 4000 environ concernent des personnes liées à des activités de terrorismes)

Garanties imposées par les circulaires :

- Seul un OPJ peut perquisitionner, en présence de l'occupant.
- Une information de la perquisition doit être donnée immédiatement au procureur.
- un rapport de perquisition doit être communiqué au procureur à bref délai
- en cas constatation d'une infraction, de saisi d'un objet ou d'interpellation d'une personne à l'issue de la perquisition, il y a ouverture d'une enquête de flagrance ou préliminaire classique = la procédure pénale classique et toutes ses garanties reprend ses droits

entre le 14 et le 20 novembre 2015 :
793 perquisitions administratives
107 interpellations conduisant à 90 gardes à vue
174 armes saisies (18 armes de guerre, 84 armes longues et 68 armes de poing)
64 découvertes de produits stupéfiants
250 000 € saisis

Perquisitions de jour comme de nuit

Elargissement des possibilités de perquisitions administratives :
- les domiciles
-tout autre lieu (véhicule, garage, cave, lieu de stockage, etc...),
sauf dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes

lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public

Les garanties imposées par les circulaires sont intégrées à la loi :
- Seul un OPJ peut perquisitionner, en présence de l'occupant.
- Une information de la perquisition doit être donnée immédiatement au procureur.
- un rapport de perquisition doit être communiqué au procureur à bref délai
- en cas constatation d'une infraction, de saisi d'un objet ou d'interpellation d'une personne à l'issue de la perquisition, il y a ouverture d'une enquête de flagrance ou préliminaire classique = la procédure pénale classique et toutes ses garanties reprend ses droits

Matériel informatique et données : Disposition censurée par le Conseil Constitutionnel car les garanties sont insuffisantes
Il peut être accédé
- aux données stockées dans un système informatique ou un terminal présent sur les lieux de la perquisition,
- à des données stockées dans un autre système informatique ou terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial.
Les données peuvent être copiées sur tout support.

au 19 février 2016 :
3897 perquisitions
587 armes saisies dont 42 de guerre
220 armes longues, 169 armes de poing

45 mosquées perquisitionnées, 10 fermées

Du 22 décembre 2016 au 15 juin 2017 :
141 perquisitions

Controle de la presse, de la radio, des spectacles au théatre et films de cinéma
L'application de cette mesure a été totalement exclue par la circulaire du ministère de l'intérieur
Mesure suprimée
Attribution d'une compétence aux tribunaux militaires pour se saisir de certains crimes ou délits
L'application de cette mesure a été totalement exclue par la circulaire du ministère de l'intérieur

Mesure suprimée
 

Mesure ajoutée

Possibilité de dissoudre les associations ou groupements qui participent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent

Les voies de recours contre les mesures imposées dans le cadre de l'état d'urgence ont été améliorées par la loi du 21 novembre 2015.
Elles dépendaient avant d'un article 7 de la loi de 55, extrêmement mal conçu, très peu protecteur et efficace.
L'objectif de la réforme était de renforcer ces recours ce qui fut fait en abrogeant tout simplement l'article 7 : désormais, les recours empruntent la voie du droit commun, plus protecteur.

Sanctions : Contrevenir à une mesure imposée dans le cadre de l'état d'urgence est une infraction pénale (peines à l'art. 13 loi de 55)

Lire la circulaire du garde des sceaux

Lire la circulaire du ministère de l'intérieur


Les résultats de l'état d'urgence 2015-2016

L'assemblée nationale donne régulièrement des chiffres précis

Ces statistiques peuvent laisser penser que l'intéret du dispositif s'essouffle

 

A l'issue d'une perquisition fructueuse ou d'assignation à résidence,
la procédure pénale classique reprend ses droits

Au 29 décembre 2015 (chiffres du ministère de l'intérieur), on compte 524 procédures judiciaires
Parmi elles,
- 199 procédures concernent des infractions à la législation sur les armes
- et 181 autres les stupéfiants.
Au total, 127 personnes ont été convoquées au tribunal à l'issue de ces procédures et 53 personnes écrouées, soit en détention provisoire, soit en exécution de peine.
Les tribunaux correctionnels ont prononcé 62 condamnations (peines d'emprisonnement avec ou sans sursis, travaux d'intérêt général, sursis avec mise à l'épreuve).
Trois cents procédures sont encore en phase d'enquête, dont deux ouvertes au pôle antiterroriste du parquet de Paris (4 au 7 janvier 2016).

au 19 février 2016 (chiffres ici) :
528 infractions constatées
401 interpellations, 350 gardes à vues.

582 procédures judiciaires
- 202 pour trafics de stupéfiants
- 210 liées aux détentions d'armes
28 infractions liées au terrorisme :
- 23 d'apologie du terrorisme
- 5 procédures confiées au parquet antiterroriste (3 enquetes et une mise en examen : pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, placé en détention provisoire )

Résulats au 19 février des procédures judiciaires
- 11 on fait l’objet d’un classement sans suite
- 22 d’une procédure alternative de règlement des litiges
- 212 ont donné lieu à des poursuites
- à cette date 67 condamnations assorties de peines ont été prononcées

du 22 décembre 2016 au 15 juin 2017 :

Assignation à résidence

Texte

On peut assigner la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public
(rappel : en état d'urgence, on n'est pas dans la logique judiciaire où les soupçons doivent être étayés objectivement ; on est dans une logique de police et de renseignements où des soupçons plus subjectifs suffisent)

La personne peut aussi être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation pendant une plage horaire, dans la limite de 12 heures par 24 heures

Le ministre de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence :
1° L'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, (maximum trois présentations par jour)
2° La remise à ces services de son passeport ou de tout document justificatif de son identité
3° l'interdition de voir certaines personnes
4° une surveillance éléctronique si la personne a déjà été condamnée pour terrorisme (fin de peine il y a moins de 8 ans)

Article 6 de la loi du 3 avril 1955 rédaction issue de la loi du 20 novembre 2015 :

« Le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l'article 2 et à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. Le ministre de l'intérieur peut la faire conduire sur le lieu de l'assignation à résidence par les services de police ou les unités de gendarmerie.« La personne mentionnée au premier alinéa du présent article peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures.
« L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération.
« En aucun cas, l'assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes mentionnées au premier alinéa.
« L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille.
« Le ministre de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence :
« 1° L'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s'applique y compris les dimanches et jours fériés ou chômés ;
« 2° La remise à ces services de son passeport ou de tout document justificatif de son identité. Il lui est délivré en échange un récépissé, valant justification de son identité en application de l'article 1er de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité, sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu.
« La personne astreinte à résider dans le lieu qui lui est fixé en application du premier alinéa du présent article peut se voir interdire par le ministre de l'intérieur de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Cette interdiction est levée dès qu'elle n'est plus nécessaire.
« Lorsque la personne assignée à résidence a été condamnée à une peine privative de liberté pour un crime qualifié d'acte de terrorisme ou pour un délit recevant la même qualification puni de dix ans d'emprisonnement et a fini l'exécution de sa peine depuis moins de huit ans, le ministre de l'intérieur peut également ordonner qu'elle soit placée sous surveillance électronique mobile. Ce placement est prononcé après accord de la personne concernée, recueilli par écrit. La personne concernée est astreinte, pendant toute la durée du placement, au port d'un dispositif technique permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national. Elle ne peut être astreinte ni à l'obligation de se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie, ni à l'obligation de demeurer dans le lieu d'habitation mentionné au deuxième alinéa. Le ministre de l'intérieur peut à tout moment mettre fin au placement sous surveillance électronique mobile, notamment en cas de manquement de la personne placée aux prescriptions liées à son assignation à résidence ou à son placement ou en cas de dysfonctionnement technique du dispositif de localisation à distance » ;

QPC sur cette possibilité d'assignation

La vidéo de la QPC
L'arret du CC, 22 décembre 2015 : conformité à la constitution
« le juge administratif est chargé de s’assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit ».
Outre la mesure elle-même « sa durée, ses conditions d’application et les obligations complémentaires dont elle peut être assortie doivent être justifiées et proportionnées »

Quelques décisions de juridictions administratives sur des assignations à résidence suite aux attentats du 13 novembre 2015

Rejet de la requette et confirmation de l'assignation :

CE, 12 février 2016
une " note blanche " des services de renseignements, faisant notamment état de ce que M. A...s'était signalé par sa radicalisation religieuse,
les résultats d'une perquisition administrative effectuée dans la nuit du 15 au 16 novembre 2016 au domicile de Mme D...B..., où il est soutenu que M. A... réside habituellement, et où ont été trouvés plusieurs armes, notamment un fusil à pompe, un pistolet automatique de calibre 7,65 millimètres et deux autres armes de poing, ainsi que des munitions ;
M. A... reconnaît avoir été condamné par le tribunal correctionnel de Douai pour détention illégale d'armes, à une peine d'emprisonnement de 10 mois avec sursis, deux ans de mise à l'épreuve, obligation de déclarer tout changement de domicile, interdiction de détenir une arme durant deux ans, interdiction de détenir une arme soumis à autorisation durant 5 ans et à une amende de 1 000 euros

CE 11 février 2016
une " note blanche " des services de renseignement indique que M. C...est connu des services de renseignements belges depuis 2006 pour des activités de soutien à des filières jihadistes, et notamment une participation au financement de groupes radicaux ainsi que la fourniture de faux documents d'identité ; son comportement l'a conduit à être incarcéré un an à Bruxelles en 2010
il est également mentionné que M. C...se rend fréquemment en Belgique et en région parisienne, où il conserve de nombreux contacts,
il a accueilli, en juillet 2015, l'un de ses frères qui venait de quitter la Grande-Bretagne, vraisemblablement pour tenter de se rendre en Syrie et un autre de ses frères se trouverait actuellement dans la zone irako - syrienne ; que
le ministre s'est également fondé sur les résultats de la perquisition administrative menée au domicile de M.C..., qui a permis la découverte de documents d'identité falsifiés


CE 11 février 2016

Selon des " notes blanches " des services de renseignement et des éléments recueillis au cours des échanges écrits et oraux :
Mme E...a d'abord été mariée religieusement en 2006, à l'âge de seize ans, à M. C...F..., membre d'une organisation islamiste radicale bosniaque au Grand-Duché de Luxembourg, et proche du jihadiste Hamza El Alami, dont elle s'est séparée en 2010 ;
elle a résidé avec ses deux premiers enfants plusieurs mois au Caire en 2011, notamment, selon ses propres déclarations, en raison de son hostilité à la législation française prohibant le port du voile intégral ;
elle a ensuite épousé M. A...D..., ressortissant algérien condamné en Belgique en 2011 à cinq ans d'emprisonnement, dont deux ans fermes, pour association de malfaiteurs dans le but de perpétrer des crimes emportant la réclusion criminelle à perpétuité ou les travaux forcés, aide au séjour d'étrangers en situation irrégulière, faux en écriture et contrefaçon de documents d'identité ;
M. D...a lui-même fait l'objet d'une assignation à résidence, le 21 novembre 2015, en raison des liens qu'il entretient, à l'occasion de ses nombreux déplacements en région parisienne et en Belgique, avec des personnes impliquées dans la mouvance islamiste radicale et de l'appui logistique qu'il est susceptible d'apporter à celle-ci

CE 10 février 2016
une " note blanche " des services de renseignement précise que M. C... s'est signalé, lors de son incarcération en 2012, par sa pratique radicale de la religion, son comportement parfois violent et son engagement ouvertement favorable aux thèses islamistes ;
il a engagé une correspondance avec M. B...D..., condamné à 9 ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, ancien dirigeant du groupe Forsane Alizza, dissous par décret le 1er mars 2012, compte tenu de son positionnement hostile à l'Occident, antisémite et favorable aux thèses "djihadistes";
le ministre a également fait état des propos tenus par M C...dans la presse et confirmant sa radicalisation : il a tenu publiquement, dans le cadre d'un entretien avec la presse locale, postérieur à la mesure d'assignation, des propos confirmant son adhésion à des thèses radicales, refusant de condamner les attentats terroristes qui ont eu lieu en France en janvier et novembre 2015

CE 10 février 2016
une " note blanche " des services de renseignement et sur les résultats de la perquisition qui a été effectuée au domicile de M. A...le 17 novembre 2015
il ressort de ces éléments que M. A...appartient à la confrérie musulmane fondamentaliste turque Milli Gorus et " tente d'imposer sa vision fondamentaliste de l'Islam à ses coreligionnaires ",
il affiche sur les réseaux sociaux son soutien aux diverses organisations radicales combattant en Syrie et en Irak et a diffusé, sur son profil Facebook, des photographies de propagande " jihadiste "
Lors de la perquisition effectuée à son domicile, ont été découverts et saisis, des drapeaux et des bandeaux à l'effigie de l'organisation Etat islamique et du groupe Al Qaida au Maghreb islamique ainsi que, sur son disque dur, des photographies numériques en relation avec le terrorisme et représentant notamment des " jihadistes de l'organisation Etat islamique " ;
au cours de l'audience, le requérant a précisé la nature de ses liens avec la confrérie Milli Gorus qui, selon lui, se limiteraient à la participation à un pèlerinage à La Mecque ; il a réaffirmé ne faire aucun acte de prosélytisme en faveur d'une vison fondamentaliste de l'Islam et a contesté toute adhésion ou allégeance aux thèses de " Daesh " et d'" AQMI " ; pour le surplus, il n'a pas contesté l'exactitude matérielle des éléments relevés par l'administration dont certains ont entraîné l'ouverture d'une information judiciaire à son encontre ; il reconnaît ainsi avoir acheté les drapeaux et bandeaux saisis et s'être photographié devant une bannière noire représentant la profession de foi islamique et le sceau de Mahomet mais soutient que, ce faisant, il s'est borné à manifester sa foi musulmane sans s'être préoccupé de ce que ces symboles étaient devenus emblématiques de l'organisation Etat islamique ;
il confirme que sa page Facebook a comporté une photo à l'effigie de cette organisation et reconnaît avoir posté et commenté, sur son site, des photographies des exécutions de soldats syriens par Daesh mais explique ces éléments par un vif intérêt pour la situation en Syrie et indique avoir clôturé son compte en septembre 2015 après avoir pris conscience de la réelle portée des actes de cette organisation ;
s'il admet avoir consulté les dizaines de photographies retrouvées sur son disque dur, il fait valoir un sentiment de " curiosité " et soutient que leur téléchargement provient de sauvegardes automatiques ;

CE 1er février 2016
" note blanche " des services de renseignements indique que M.E..., qui fait l'objet d'une fiche " S ", a participé, à la fin de l'année 2014, à un groupe de jeunes radicalisés se rassemblant chaque semaine dans des locaux dépendant d'une mosquée de Lunel, groupe dont l'organisateur, M. B...D..., a été interpellé en janvier 2015 et dont l'un des membres, M. A...F..., était un " jihadiste " avéré ;
selon cette note, M. E...ayant exprimé, en août 2014, le souhait de rejoindre en Syrie les rangs du groupement terroriste " Daesh ", M.D..., dont un frère était alors lui-même parti dans ce pays, lui a fourni à cette occasion les coordonnées de passeurs situés en Turquie ;
il est également mentionné que M. E... s'est rendu en Arabie Saoudite, en 2014, en compagnie de deux autres personnes également liées à la mouvance islamiste radicale ;
C es indications ont été confirmées et complétées par une seconde " note blanche ", postérieure à l'arrêté contesté, qui fait état d'une pratique religieuse fondamentaliste et hostile aux moeurs occidentales, au vu d'ouvrages trouvés au domicile de M. E...à l'occasion de la perquisition dont celui-ci a fait l'objet le 24 novembre 2015
M. D..., dont les deux frères ont été tués en Syrie, a été mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et est toujours en détention provisoire et que M. F...a rejoint ce pays pour combattre au sein de " Daesh " ;

CE 29 janvier 2016
Selon une " note blanche " des services de renseignements : M. B...A... , qui est un ancien militaire ayant obtenu un brevet de parachutiste, un certificat de grenadier-voltigeur et une qualification de tireur de précision, est soupçonné d'être engagé en faveur du jihad et susceptible de vouloir se rendre en Syrie à cette fin ;
plusieurs photographies de lui en compagnie d'individus impliqués dans des filières jihadistes à destination de la Syrie, dont M. E...C..., interpelé, mis en examen et placé sous contrôle judiciaire en août 2015 à son retour d'un séjour en Syrie au sein de l'organisation " Etat islamique ", et M. I...D..., parti rejoindre cette organisation en Syrie en février 2015, ont été trouvées à son domicile à l'occasion d'une perquisition administrative ;
plusieurs éléments obtenus par l'exploitation des données informatiques recueillies lors d'une perquisition, en particulier des enregistrements audio datant de juillet 2014 de chants jihadistes, plusieurs photographies du requérant avec différentes personnes soupçonnées de participer à des filières jihadistes notamment MM. C...et D...ainsi que M.G..., par ailleurs assigné à résidence, et enfin deux vidéos tournées en avril 2014 par le requérant lui-même et où figurent plusieurs personnes soupçonnées par les services de renseignement de participer à des filières jihadistes, notamment M.D..., qui apparaît en possession d'une arme de type 22 long rifle avec lunette, et M.F..., par ailleurs assigné à résidence, effectuant une démonstration de " free fight " ;

CE 29 janvier 2016
Selon une " note blanche " des services de renseignement, M. B...est connu pour sa pratique radicale de la religion musulmane
il appartient à la mouvance islamiste extrémiste francilienne, ces relations ont pu notamment être établies à l'occasion de déplacements professionnels, dans le cadre de son activité de commerce de véhicules, dans le nord de la France, en Belgique et aux Pays-Bas, avec M.D...
M. B...a également attiré l'attention des services de renseignements pour ses contacts, fin 2014, avec M.A..., habitant également les Mureaux et connu pour ses liens avec la mouvance islamiste radicale ainsi que pour ses velléités de départ en Syrie,
M. B...a accompagné en 2015, lors d'un pèlerinage à la Mecque, M. C..., ancien condamné pour activités terroristes, voyage durant lequel il est également entré en contact avec d'autres islamistes radicaux des Yvelines
Ont été établis des liens, sur les six premiers mois de 2014, entre M. B...et des individus évoluant dans le banditisme
Il indique entretenir des relations amicales et suivies avec M.D..., dont il résulte de l'instruction qu'il a combattu en Afghanistan et a été condamné à ce titre en France en 2011 pour participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un acte de terrorisme, ainsi qu'avec M.C..., condamné à une peine de huit ans d'emprisonnement pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 juillet 2007, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er juillet 2008, et déchu de la nationalité française par décret du 7 octobre 2015, et ne conteste pas avoir effectué avec ce dernier un voyage à la Mecque ;

CE 18 janvier 2016
Selon
deux " notes blanches " des services de renseignement comportant des éléments précis et circonstanciés,
M. B...est membre de l'association " Hayat ", dirigée par un prédicateur radical prônant le repli identitaire et le départ vers une terre d'islam, et dont plusieurs des membres projettent de se rendre à la frontière turco-syrienne dans le cadre d'un projet qu'ils présentent comme humanitaire ;
à l'occasion d'entretiens administratifs, et notamment en juillet 2014, M. B...et sa compagne ont fait part de leur intention de se rendre en Syrie ;
le 12 novembre 2015, M. B... a embarqué à Toulouse, avec sa compagne enceinte de cinq mois ainsi que leur enfant âgé de dix mois, sur un vol à destination d'Istanbul, sans avoir prévenu les services de police, alors qu'il s'y était engagé, ni même sa famille ; refoulé de Turquie, le couple a été entendu par les services de police français le 13 novembre 2015 ;
à cette occasion, M. B... a indiqué entretenir des liens suivis avec plusieurs individus suspectés d'appartenir à un réseau d'acheminement de combattants vers la Syrie, dont l'un est détenu préventivement en Belgique ;
une fouille des bagages du couple réalisée par les services de douane a permis d'y découvrir une somme totale de 13 000 euros en billets de 200 euros ;
à l'issue de cet entretien, une interdiction de sortie du territoire national a été notifiée au couple ;
il est par ailleurs constant que M.B... a déclaré adhérer à l'idéologie du groupe " Ahrar al-Sham ", membre de la coalition armée " Ansar al-Charia ", engagée dans les combats en Syrie ;

CE, 6 janvier 2016
Mme C est assignée à résidence.
M.A..., ressortissant russe, avec lequel Mme C...est unie religieusement et a eu trois enfants, est soupçonné d'être lié au terrorisme international, de participer à un trafic d'armes au profit de la communauté tchétchène et d'avoir rejoint les groupes jihadistes à la frontière entre la Turquie et la Syrie et, d'autre part, que
Mme C...est soupçonnée d'apporter un soutien logistique au père de ses enfants. Le ministre de l'intérieur fait valoir que ces soupçons sont étayés par les nombreux voyages que la requérante a effectués en Turquie, dans un cours laps de temps ;
- Mme C... a accompagné M. A...à Istanbul lors d'un voyage effectué du 12 au 14 septembre 2015, date à partir de laquelle toute trace de l'intéressé a été perdue ;
- elle s'est ensuite rendue à trois reprises à Istanbul, du 21 au 25 septembre 2015, du 17 au 22 octobre 2015 puis du 2 au 5 novembre 2015 ; que
Si Mme C...ne conteste pas l'implication de M. A...dans la lutte armée au profit de la communauté tchétchène, elle soutient n'avoir aucun lien avec les activités de ce dernier dont elle affirme être désormais séparée ; insistant sur la violence de M. A...à son égard, elle avance avoir été contrainte de l'accompagner à Istanbul, où réside sa soeur, afin de l'aider dans les démarches qu'il souhaitait entreprendre afin de gagner l'Egypte ; elle affirme n'avoir plus aucun contact avec lui depuis lors.
Elle conteste les soupçons portés sur elle en indiquant que les trois voyages qu'elle a ensuite effectués en Turquie ont été financés par sa mère,
- que celui du 17 octobre avait pour objet de se rendre à une convocation de l'administration turque en vue du développement d'un projet personnel de nature commerciale,
- celui du 21 septembre s'explique par l'erreur qu'elle a commise dans la date de cette convocation, en l'anticipant d'un mois
- et, enfin, celui du 2 novembre lui a permis d'assister aux obsèques de son beau-frère ;
Il apparaît toutefois que ces différentes explications sont empreintes de confusion et, pour certaines d'entre elles, de contradiction ; Mme C...n'apporte d'éléments véritablement probants ni en ce qui concerne le financement de ces trois voyages ni en ce qui concerne la réalité de leur objet ; en outre, il apparaît que M.D..., son beau-frère, aux obsèques duquel elle s'est rendue, et avec lequel M. A...était lié, était un membre de l'émirat islamique du Caucase ;
Il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, qu'en prononçant l'assignation à résidence de Mme C...au motif qu'il existait de sérieuses raisons de penser que son comportement constitue une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics, le ministre de l'intérieur ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir

CE, 6 janvier 2016 : L'assignation à résidence avait été annulée par le juge des référé de Nice, le CE rétablit l'assignation

Il résulte de l'instruction et notamment des trois notes blanches que M. A...B...fréquente de façon très régulière deux lieux de prière au Cannet et à Cannes ; la salle de prière du Cannet est de tendance salafiste ; la mosquée de Cannes La Bocca a été financée par un proche de la famille royale saoudienne et elle accueille depuis 2015 un imam provenant d'une mosquée radicale de Tourcoing ; que
M. A...B...reconnaît que trois membres cannois de la cellule terroriste dite de Cannes Torcy, qui a été démantelée, ont fréquenté son " snack " entre 2012 et 2013 et se borne à soutenir qu'il ne s'agissait que de clients ; que,
l'un d'eux, soupçonné d'avoir préparé un attentat, est incarcéré depuis 2013, l'autre a été mis en examen et le troisième a échappé à des opérations de police pour partir combattre en Syrie ; que
M. A...B...connaît également deux autres membres de cette cellule ; que,
par ailleurs, il ressort de l'instruction et de la troisième note blanche que son mariage religieux a été célébré chez sa belle-famille avec, comme témoin du mariage, M. D...C..., islamiste radical qui fait l'objet d'une fiche " S ", qui a séjourné et combattu au Yémen ; M. A...B...a déclaré ignorer ces activités mais a reconnu le connaître depuis l'âge de treize ans et lui avoir demandé d'être son témoin en raison de ses connaissances religieuses ; qu'
enfin, l'exploitation du compte Facebook d'un tiers a fait apparaître le nom de M. A...B...ainsi que celui de plusieurs personnes en lien avec la cellule dite de Cannes Torcy ; même si les faits constatés dans son établissement remontent à 2013 et si certains éléments des notes blanches ne peuvent être repris dans la présente ordonnance en raison de leur imprécision, alors même que la perquisition administrative dont il a fait l'objet sur le fondement de la loi du 5 avril 1955 n'a, à ce jour, rien révélé d'anormal, il n'apparaît pas cependant au vu de l'ensemble de ces éléments ainsi recueillis tout au long de l'instruction qu'en prononçant l'assignation à résidence de M. A...B...au motif qu'il existait de sérieuses raisons de penser que son comportement constitue une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics et en en fixant les modalités d'exécution, le ministre de l'intérieur, conciliant les différents intérêts en présence, ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale

CE 23 décembre 2015

M. B... est un militant de la cause islamiste radicale depuis plusieurs années, il a attiré l'attention pour être un fervent partisan de la mort en martyr et de l'instauration de la charia, il est très proche d'une personne connue comme prosélyte radical
Le restaurant qu'il exploite est réputé pour abriter régulièrement des réunions de militants islamistes radicaux, et il participe au recrutement de jeunes Français convertis présentant un profil de jihadistes potentiels, qu'il incite à rejoindre les rangs du groupement terroriste Daesh dans la zone irako-syrienne.
M. B...a toutefois contesté la réalité de ces éléments et produit de nombreux témoignages, rédigés par des personnes de profils différents, qui attestent d'une vie professionnelle et familiale paisible et d'une bonne intégration dans la société française ; qu'à
A la suite du supplément d'instruction décidé à l'issue de la première audience publique, le ministre de l'intérieur a apporté des précisions quant aux motifs retenus pour décider l'assignation à résidence du requérant, en produisant une seconde " note blanche " ; il fait valoir, en particulier, que, contrairement à ce que M. B...avait déclaré au cours de la première audience, celui-ci entretient avec une personne connue comme un prosélyte radical des liens qui ne se limitent pas aux rapports de l'exploitant d'un restaurant avec ses clients.
Il indique que le requérant a ainsi effectué avec cette personne des voyages à l'étranger.
Au cours de la seconde audience, il est apparu que la réalité de l'un en tout cas de ces voyages est établie ; M. B...s'est ainsi effectivement rendu en Arabie Saoudite en même temps que cette personne et, contrairement à ce que le requérant avait initialement indiqué, ils ne se sont pas rencontrés fortuitement dans l'avion mais avaient pris au préalable la décision de voyager ensemble.

TA Paris, 27 novembre 2015 (2 ordonnances)
1 - " M. A. a suivi en 2006 les enseignements d’une « madrassa » dirigée par B., interpellé dans le cadre du démantèlement de la filière irakienne du 19ème arrondissement de Paris ; qu’en 2007 il a été impliqué dans une filière d’acheminement en Syrie de membres d’une cellule d’Al Qaida (dont E., beau-frère de M.) ; que, depuis, sous couvert de l’association « ... », le requérant fournit un soutien logistique aux détenus islamistes et profite de sa notoriété pour assurer le recrutement de combattants en milieu carcéral ; qu’il a entretenu en 2014 des contacts avec plusieurs personnes relevant d’une mouvance islamiste radicale, dont certaines ont été impliquées dans des attentats, notamment C. et MB"
2 - " M. A., depuis sa condamnation pour son implication dans la filière malienne ayant permis notamment à l’islamiste radical L. d’aller combattre au Mali dans les rangs djihadistes, est en contact avec I., vétéran du djihad afghan et ancien détenu de Guantanamo, avec le prosélyte S., ainsi qu’avec le pro-djihadiste N., qu’il entretient également d’étroites relations avec l’islamiste radical B., président de l’association « ... »il, dont le but est d’apporter un soutien logistique aux individus condamnés pour terrorisme et qu’il est soupçonné d’avoir pour projet d’organiser son départ vers la zone de conflit irako-syrienne et de prendre part aux combats aux côtés des djihadistes ;"

TA de Rennes, 30 novembre 2015 : le magistrat a considéré que les requérants ne justifiaient pas suffisamment de l'urgence de leur demande, mais il ne s'est pas prononcé sur le fond. Les assignations à résidence des militants écologistes prévoient trois pointages par jour (9 heures, 14 heures et 19 heures) et un "couvre-feu" entre 20 heures et 6 heures. Elles s'arrêtent au lendemain de la fin de la conférence sur le climat.


Assignations à résidence pendant la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques

CE 11 décembre 2015

M. A... a été interpellé à Milan, le 28 avril 2015, peu de temps avant l'inauguration de l'exposition universelle devant se tenir dans cette ville à compter du 1er mai 2015, dans le cadre d'une opération menée par les forces de l'ordre italiennes dans des lieux qu'il occupait avec d'autres activistes
ont été découverts dans ces lieux des barres de fer, casques, matraques et du matériel permettant de fabriquer des engins incendiaires
les manifestations qui se sont déroulées le 1er mai 2015 à l'occasion de l'inauguration de l'exposition universelle ont donné lieu à des incidents violents causés par des activistes
l'intéressé a participé à plusieurs manifestations ou actions au cours desquelles se sont produits des incidents, notamment des dégradations ou altercations avec les forces de l'ordre
il n'apparaît pas, en l'état, qu'en prononçant l'assignation à résidence de M. A... jusqu'à la fin de la conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques au motif qu'il existait de sérieuses raisons de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics et en en fixant les modalités d'exécution, le ministre de l'intérieur, conciliant les différents intérêts en présence, aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir

7 arrets du CE de teneur proche ce 11 décembre 2015

 

Requettes acceptées contre des assignations :

 

CE 9 février 2016 : suspension de l'assignation

" note blanche " des services de renseignement :
M. C...a attiré l'attention des services de police en raison " de sa proximité avec une famille jihadiste partie en 2013 dans les rangs de Daesh "
lors d'un entretien administratif mené en octobre 2014, il a reconnu connaître plusieurs individus partis en Syrie dont deux sont décédés sur place et qu'il a ensuite " fait l'objet, à plusieurs reprises, de contrôles routiers alors qu'il se trouvait en compagnie d'un membre du groupuscule pro-jihadiste montpelliérain dit des " takfirs de la Mosson ", dont vingt-deux de ses membres sont partis faire le jihad en Syrie " ;
au cours des échanges qui se sont déroulés lors de l'audience publique, M. C...a reconnu l'exactitude de l'ensemble des éléments énoncés ci-dessus et s'est expliqué, de manière circonstanciée, sur la nature des liens entretenus avec les différentes personnes mises en cause ;
en premier lieu, il indique, ainsi qu'il soutient l'avoir fait lors de l'entretien de 2014, s'être lié d'amitié avec certains des fils de la famille A...qui habite le même quartier que lui et avoir demandé en mariage la fille de cette famille ; il confirme qu'après le départ, au printemps 2013, des deux fils aînés, les parents, leur fille et leur dernier fils ont quitté la France en juillet 2013 mais précise qu'il ignorait alors tant leur destination que les motifs de leur voyage ; il indique avoir ensuite appris, à l'occasion d'échanges téléphoniques avec le plus jeune fils, qu'ils avaient rejoint la Turquie et que le projet d'union avec la jeune fille était abandonné, compte tenu de la perspective de son mariage avec un autre homme ; il affirme avoir alors cessé tout contact avec cette famille et ignorer tout des activités que certains de ses membres mèneraient à la frontière turco-syrienne ;
il confirme, en deuxième lieu, avoir admis connaître les personnes évoquées par les services de police lors de l'entretien de 2014 mais explique ne les avoir jamais rencontrées qu'à l'occasion de son activité de commerçant sur le marché de La Paillade et de sa fréquentation de la mosquée du quartier ; il soutient n'avoir rien su des activités des intéressés ni de leur radicalisation ;
en troisième lieu, s'il admet avoir fait l'objet de deux contrôles routiers dans la voiture d'un commerçant du marché qu'il accompagnait en Espagne afin d'acheter du tissu, il affirme que c'est à l'occasion du seul trajet à visée strictement professionnelle qu'il a effectué avec l'intéressé et ne rien savoir l'implication de celui-ci dans un groupuscule local ;
en réponse au supplément d'instruction diligenté sur ce dernier point, l'administration a indiqué n'avoir conservé aucune trace des contrôles routiers dont l'arrêté du 14 décembre 2015 fait mention ;

nouveaux éléments, issus de la perquisition administrative qui a été effectuée au domicile de l'intéressé dans la nuit du 16 au 17 novembre 2015
il est fait état de la découverte, à l'occasion de cette perquisition, de nombreux livres sur l'Islam d'inspiration fondamentaliste et d'un cahier de dessins ; que sont produites les photographies de cinq dessins manuscrits, provenant de ce cahier représentant, sans ambiguïté, des bannières et des oriflammes emblématiques de " l'Etat islamique au pays du Sham et en Irak " ainsi que celle d'un dessin satirique représentant un terroriste venant de Syrie poignarder la France, présenté comme provenant de l'ordinateur de M.C... ;
si ce dernier reconnaît la présence, dans un carton rangé dans sa chambre, de livres et du cahier comportant les dessins décrits ci-dessus, il soutient n'avoir jamais ouvert ce carton depuis que le père de la famille A...lui aurait remis en 2013 et avoir pris connaissance de son contenu à l'occasion de la perquisition ;
il conteste posséder un ordinateur et affirme n'avoir jamais téléchargé ni même vu le dessin de presse ;
Le procès-verbal n'indique pas de fouille d'ordinateur se borne à relever la découverte, dans la chambre de M.C..., d'une somme de 2 500 euros et à indiquer que les recherches au domicile de l'intéressé n'ont amené la découverte d'aucun objet en rapport avec une infraction sans faire aucunement état de la découverte des livres, du cahier de dessin ni de la saisie des données figurant dans un ordinateur
le ministre de l'intérieur a refusé, sans motif, de communiquer la clé USB qui contiendrait les données copiées et dont il s'est pourtant prévalu devant le juge ; que, dans ces conditions, et compte tenu des fermes dénégations de M. C...quant à la possession d'un ordinateur et à la présence du dessin de presse, les éléments produits par l'administration doivent être regardés, en l'état de l'instruction, comme dépourvus de valeur suffisamment probante pour pouvoir être pris en compte ;

CE 22 janvier 2016

M. A. était accusé par le ministère de l’intérieur d’appartenir à la mouvance islamiste radicale
S a présence a été signalée à plusieurs reprises, le 13 mai dernier, aux abords du domicile d’un responsable du journal Charlie Hebdo, où il a été remarqué prenant des photographies.
Il a été mis en cause dans une affaire de trafic de véhicules de luxe volés, organisé par des membres de la mouvance islamiste radicale.

Selon le CE : l’intéressé a pu justifier sa présence et son comportement aux abords du domicile de la personnalité en question : il rendait visite à sa mère, qui habite à proximité immédiate et ne prenait pas de photos mais utilisait son téléphone portable en mode haut-parleur.
Aucun élément suffisamment circonstancié produit par le ministre de l’intérieur ne permet de justifier qu’il appartiendrait à la mouvance islamiste radicale
En ce qui concerne l’affaire de trafic de véhicules, l’intéressé a, en réalité, été entendu comme simple témoin.

TA Poitiers, 23 décembre 2015 :


TA Pau, 30 décembre 2015 : les assignations à résidence doivent comporter une date de fin.
De plus en l'espèce, le juge administratif a estimé que les « raisons sérieuses de penser » n’étaient pas réunies, reposant sur des relations prêtées à M. L. avec des personnes soupçonnées d’un trafic d’armes mais qui elles-mêmes ne font pas l’objet d’assignation à résidence.

 

 

Selon les données publiées mardi 19 janvier par le Conseil d’Etat,
les tribunaux administratifs ont à ce jour rendu 72 décisions sur des mesures prises au titre de l’état d’urgence,
dont 61 sur les assignations à résidence.
7 assignations à résidence, décidée par le ministre de l’intérieur, ont été annulées par les juridictions administratives.
Au niveau du Conseil d’Etat, 19 décisions ont été rendues depuis le 14 novembre 2015, date de l’entrée en vigueur de l’état d’urgence.
Au 7 janvier 2016, on été déposés 122 recours et référés liberté

 

 

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