2/ - Sujet : (Commentaire
d’arrêt )
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 12 décembre 2007
N° de pourvoi: 07-80886
Publié au bulletin Cassation partielle par voie de retranchement
sans renvoi
-X... Jacqueline, épouse Y... ,
-Y... Florence,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle,
en date du 16 janvier 2007, qui a condamné la première,
pour malversations, abus de confiance et complicité de tentative
de destruction du bien d'autrui par l'effet d'une substance explosive,
d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un
danger pour les personnes, à cinq ans d'emprisonnement dont deux
ans avec sursis et mise à l'épreuve,10 000 euros d'amende,
cinq ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, la
seconde, pour tentative de destruction, à dix-huit mois d'emprisonnement
dont neuf mois avec sursis, cinq ans d'interdiction des droits civiques,
civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts
civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demanderesses et les mémoires en
défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de procédure que Jacqueline Y... et son mari René Y... ont
exercé les fonctions de mandataire judiciaire dans les mêmes
locaux, employant une comptable unique ; que le 18 avril 1995, l'étude
de René Y... a été pourvue d'un administrateur provisoire
qui en a laissé la gestion courante à son épouse
et à la comptable ; que l'étude de Jacqueline Y... a été
placée sous administration provisoire le 10 avril 1997 ; que les
administrateurs ont relevé que des fonds provenant des procédures
collectives et déposés sur les comptes ouverts à
la Caisse des dépôts et consignations avaient été
irrégulièrement transférés sur des comptes
professionnels et personnels, sous le couvert d'avances sur honoraires
non autorisées par les juges commissaires et d'écritures
comptables fictives ;
Attendu que, pour dissimuler ces fraudes, Jacqueline Y... a conçu
un projet de destruction des biens affectés au fonctionnement des
études ; que, le 15 juin 1997, elle a enjoint à sa fille
Florence de détruire les locaux le soir même avec l'aide
d'un tiers ; qu'ainsi, cette dernière a supprimé les mémoires
des outils informatiques, détérioré des dossiers
et, pour provoquer une explosion, ouvert les vannes du gaz après
avoir confectionné un système de mise à feu qui,
en définitive, n'a pas fonctionné ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 322-6
du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale
;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
Florence Y... coupable de tentative de destruction et l'a condamnée
à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement, dont neuf mois avec
sursis et à une interdiction des droits civils, civiques et de
famille pendant une durée de cinq ans ;
" aux motifs que Florence Y... et Jacqueline Y... sont poursuivies,
la première comme auteur principal et la seconde comme complice
; que l'argument selon lequel les poursuites ne peuvent prospérer
puisque les biens visés sont la propriété de Jacqueline
Y... ne résiste pas à l'examen pour au moins trois raisons
:-Florence Y..., auteur principal, en s'attaquant à un bien dont
sa mère est propriétaire tente de porter atteinte au bien
d'autrui et le fait que le complice soit propriétaire n'a pas valeur
d'immunité,-en cas de succès, la destruction n'aurait pas
manqué d'affecter des biens indivis (René et Jacqueline
Y...) les deux études étant installées dans les mêmes
locaux, outre que la destruction d'un bien indivis constitue l'atteinte
au bien d'autrui au sens de l'article 322-6 du code pénal,-le mandataire
judiciaire n'est pas propriétaire mais seulement dépositaire
des dossiers des entreprises sur lesquelles s'exercent ses mandats et
les destructions envisagées n'auraient pas manqué d'affecter
ces biens ; que la culpabilité de Florence Y... est suffisamment
établie par ses aveux, toujours maintenus, y compris devant la
cour, et corroborés par les déclarations parallèles
et concordantes d'André B... qui a apporté son concours
à l'opération en pratiquant des dégradations sur
les ouvertures de l'étude afin de faire croire à une intrusion
par effraction (arrêt, p. 18) ;
" alors que constitue un délit la destruction, la dégradation
d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive,
d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un
danger pour les personnes ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer
Florence Y... coupable de tentative de destruction de l'étude de
Jacqueline Y..., que sa culpabilité était établie
par ses aveux constants et par les déclarations d'André
B... , qui avait apporté son concours à l'opération,
sans constater que les faits reprochés à l'intéressée
étaient de nature à créer un danger pour les personnes,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard des textes visés au moyen " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles
322-6,121-6 et 121-7 du code pénal,591 et 593 du code de procédure
pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
Jacqueline Y... coupable de complicité de tentative de destruction,
l'a condamnée à une peine de cinq ans d'emprisonnement,
dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois
ans, et à une amende de 10 000 euros, ainsi qu'à une interdiction
des droits civils, civiques et de famille pendant une durée de
cinq ans, et s'est prononcé sur les intérêts civils
;
" aux motifs que la culpabilité de Jacqueline Y... résulte
des déclarations circonstanciées et répétées
d'André B... qui explique que c'est elle qui lui a demandé
d'accompagner Florence « pour foutre le feu » à l'étude
et qui au retour de la première phase de l'opération l'a
remercié de sa participation ; que, par ailleurs, seule des deux
femmes présentes, Jacqueline Y... avait suffisamment d'ascendant
sur André B... pour le convaincre de participer à une action
dans laquelle il n'avait que des coups à prendre ; qu'en effet,
Florence Y... connaissait peu André B... qui n'avait aucune raison
de lui rendre ce type de service ; qu'enfin, Jacqueline Y... n'ignorait
pas la situation délicate de son étude comme elle l'a déclaré
devant le juge d'instruction, le 26 juin 1997 (« l'année
dernière j'ai effectué des prélèvements tant
pour la marche de l'étude que personnellement pour un montant d'environ
six millions de francs, sans me préoccuper si Michèle avait
présenté les taxes ») ; que lorsque l'on sait que
Dominique Y..., averti des difficultés de sa mère, a pu
rechercher en son temps un artificier, ce demi aveu constitue le mobile
qui a conduit Jacqueline Y..., maintenant pressée par le temps,
à élaborer avec Florence une solution de remplacement ;
que l'acharnement de Florence Y... sur le disque dur de l'ordinateur de
la comptable, l'écrasement des données comptables qui figuraient
sur l'ordinateur portable récupéré avant les faits
par Jacqueline Y..., l'effacement au moyen d'un aimant des cassettes de
comptabilité et le fait que la comptable ait expliqué qu'habituellement
elle ne faisait pas de sauvegarde extérieure et qu'elle avait commencé
à le faire à la demande de l'administrateur de l'étude
en cachette de la famille Y..., sont autant d'éléments qui
montrent que la destruction visait en premier la comptabilité dont
Jacqueline Y... pouvait redouter l'exploitation (arrêt, p. 18 et
19) ;
" alors qu'est complice d'un délit la personne qui sciemment,
par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou
la consommation ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer
Jacqueline Y... coupable de complicité de tentative de destruction
de l'étude lui appartenant, qu'elle avait demandé à
André B... d'accompagner sa fille, Florence Y..., « pour
foutre le feu » à l'étude et qu'elle avait remercié
celui-ci de sa participation, au retour de la première phase de
l'opération, sans constater que l'intéressée avait
apporté aide ou assistance à la commission de l'infraction,
pour en faciliter la préparation ou la consommation, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard des
textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Florence Y... coupable de tentative
de destruction du bien d'autrui par l'effet d'une substance explosive,
d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un
danger pour les personnes, et Jacqueline Y... de complicité de
ce délit, l'arrêt prononce par les motifs propres et adoptés
partiellement repris aux moyens ; que les juges retiennent, notamment,
que la tentative de destruction volontaire de l'étude, la veille
d'un audit approfondi par le commissaire aux comptes, est l'aboutissement
d'une volonté commune et ajoutent que Jacqueline Y... a donné
des directives suivies d'effet ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent,
d'une part, l'utilisation de substances explosives de nature à
créer un danger pour les personnes, d'autre part, des actes de
complicité par provocation et fourniture d'instructions, la cour
d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en
question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des
faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments
de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être
admis ;
(…)
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