2/ - Sujet : (Commentaire d’arrêt
)
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 12 septembre 2006 Rejet
- X... Véronique, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date
du 27 octobre 2005, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée
à 6 mois d'interdiction d'exercice d'activité professionnelle,
et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3,
221-6, 221-8 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure
pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Véronique
X..., épouse Y..., coupable d'homicide involontaire, en répression,
a prononcé l'interdiction pour une durée de six mois d'exercer
l'activité professionnelle de médecin spécialiste
en endocrinologie métabolismes, diabétologie et gynécologie
médicales, et a prononcé sur les intérêts civils
;
"aux motifs que, "d'une part, en présence des symptômes
que présentait Elise Z... dans la matinée du 25 janvier
2000, il y avait à craindre l'évolution de son état
dans le sens d'un coma diabétique pouvant être mortel s'il
ne faisait pas l'objet d'un traitement adapté, ce qui rendait urgentes
des investigations permettant de mettre en évidence les mesures
thérapeutiques nécessaires, ces investigations consistant
dans la vérification des paramètres vitaux de la personne
et dans les examens sanguins relatifs au taux de glycémie ; d'autre
part, en l'absence de contrôle immédiat de la glycémie
capillaire ou de vérification de la présence de corps cétoniques
dans les urines, diligences qui auraient pu donner au praticien une première
information fiable, l'état de la patiente imposait à Véronique
Y... X... de suivre de près la suite qui serait donnée à
ses prescriptions et, en l'absence de manifestation de la patiente elle-même
ou de transmission directe des résultats de l'analyse en provenance
du laboratoire, de s'enquérir des résultats des analyses
qu'elle avait prescrites ; en effet, il est établi par les différentes
expertises que la mort d'Elise Z..., survenue dans la nuit du vendredi
28 au samedi 29 janvier 2000, est imputable à un coma diabétique
ayant provoqué l'absorption de liquides et d'aliments par l'arbre
respiratoire ; il appartenait à Véronique Y... X..., qui
connaissait son état antérieur et qui était en possession,
le 25 janvier 2000, d'un tableau clinique laissant apparaître un
tel risque, d'appréhender la situation dans sa totalité
en procédant elle-même aux vérifications qu'elle pouvait
faire ; à cet égard, il n'est pas discuté qu'elle
disposait de l'appareil nécessaire pour pratiquer un "dextro"
qu'elle pouvait utiliser ; d'autre part, l'urgence de la situation rendait
nécessaire un suivi, de telle sorte que le retard dans la communication
des résultats devait d'autant plus l'alerter qu'elle affirme dans
ses conclusions (page 14) avoir insisté auprès d'Elise Z...
pour qu'elle effectue ses analyses dès le lendemain matin 26 janvier
(sans pour autant attirer l'attention du laboratoire par une mention écrite
sur la prescription) et donc susciter de sa part une initiative auprès
de sa cliente dont elle connaissait les coordonnées ; de même,
dans ce contexte d'urgence, la réception du fax l'informant d'une
communication téléphonique émanant d'un médecin
qui "voulait lui parler des résultats d'Elise Z..." ne
devait pas rester sans suite comme ce fût le cas ;
en s'abstenant de procéder à ces diligences, Véronique
Y...-X... s'est privée des moyens de poser le diagnostic exact
et complet de l'état de la patiente et de prendre les mesures thérapeutiques
nécessaires en un temps où elles auraient été
encore efficaces ; par ces abstentions, qui sont ainsi la cause directe
du décès d'Elise Z..., Véronique Y...-X... n'a pas
accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de ses
fonctions, de ses compétences et des moyens dont elle disposait,
ce qui constitue les fautes d'imprudence et de négligence caractérisant
le délit d'homicide involontaire visé à la prévention"
;
"1 ) alors que, le fait de causer par imprudence ou négligence
la mort d'autrui constitue un homicide involontaire ;
qu'en retenant que les symptômes présentés par la
victime dans la matinée du 25 janvier 2000 appelaient une réaction
et un suivi immédiats de la part de la prévenue, sans répondre
aux conclusions du docteur Y... qui faisait valoir que, lors de la consultation
du 25 janvier, en l'absence d'antécédents médicaux
caractérisés, les symptômes présentés
par la victime, qui se limitaient à une mycose externe et vaginale
importante, une surcharge pondérale stable et une soif exceptionnelle,
ne faisaient pas apparaître un état de santé particulièrement
inquiétant, ni ne laissaient craindre une détérioration
rapide et fatale, la cour d'appel n'a pas justifié légalement
sa décision ;
"2 ) alors que, le délit d'homicide involontaire suppose un
lien de causalité certain entre la faute et le dommage, lequel
consiste, non en une perte de chance de survie, mais dans le décès
de la victime ; qu'en retenant que la prévenue s'était rendue
coupable du délit d'homicide involontaire en se privant des moyens
de poser le diagnostic exact et complet de l'état de sa patiente
et de prendre les mesures thérapeutiques nécessaires en
un temps où elles auraient été encore efficaces,
sans constater ni que ces mesures auraient permis d'éviter le décès
de la victime de manière certaine, ni que les carences imputées
à la prévenue avaient privé la victime, de manière
tout aussi certaine, de toute chance de survie, la cour d'appel a privé
sa décision de base légale ;
"3 ) alors que, lorsque le lien de causalité entre le comportement
du prévenu et le décès est seulement indirect, le
délit d'homicide involontaire n'est constitué que si ledit
prévenu a violé de façon manifestement délibérée
une obligation particulière de prudence ou de sécurité
prévue par la loi ou le règlement, ou a commis une faute
caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière
gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que le lien de causalité
pouvant exister entre le défaut de surveillance d'un patient présentant
un taux de glycémie élevé et le décès
est seulement indirect, la cause directe étant constituée
par le coma diabétique ;
qu'en décidant néanmoins que le lien de causalité
entre l'imprudence et la négligence du docteur Y... et le décès
de la victime était direct, pour en déduire que toute faute
d'imprudence ou de négligence était de nature à engager
la responsabilité pénale de la prévenue, la cour
d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de procédure qu'Elise Z... est décédée à
son domicile au cours de la nuit du 28 au 29 janvier 2000, à l'âge
de 21 ans, des suites de l'inhalation bronchique de liquides et d'aliments
pendant une crise de coma diabétique ; qu'à l'issue de l'information
ouverte sur les circonstances de son décès, Véronique
Y..., docteur en médecine, spécialiste en endocrinologie,
gynécologie médicale et pathologie de la reproduction, qu'elle
consultait régulièrement depuis le 9 octobre 1998 pour un
hirsutisme, une surcharge pondérale et des affections gynécologiques,
a été renvoyée devant le tribunal correctionnel sous
la prévention d'homicide involontaire ;
Attendu que, pour déclarer Véronique Y... coupable de ce
délit, l'arrêt, après avoir relevé qu'elle
avait reçu, le 25 janvier 2000, en urgence, la patiente, qui se
plaignait d'une soif intense l'obligeant à boire quatre litres
d'eau par jour, retient que le médecin s'est borné à
lui prescrire par ordonnance des examens sanguins de dosage de la glycémie,
sans en mentionner l'urgence ni prescrire de vérification du taux
d'acétone dans les urines, et sans avoir utilisé l'appareil
de lecture automatique équipant son cabinet ; que les juges en
concluent que la prévenue, qui avait posé un diagnostic
d'hyperglycémie dès le 18 décembre 1998 et qui était
en possession, le 25 janvier 2000, d'un tableau clinique révélant
le risque d'une évolution vers un coma diabétique mortel,
n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient, compte tenu
des moyens dont elle disposait, et a ainsi commis des fautes d'imprudence
et de négligence qui sont la cause directe de la mort de la victime
;
Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que la cour d'appel
a retenu que Véronique Y... avait causé directement le dommage,
la censure n'est pas pour autant encourue, dès lors qu'il résulte
des propres constatations de l'arrêt que la prévenue, qui
n'a pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage, a commis
une faute caractérisée exposant autrui à un risque
d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer, au
sens de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
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