Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 16 juin 1986 Rejet
Vu le mémoire du procureur général, et le mémoire
en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé et pris de l'insuffisance des
motifs et de la violation des articles 36-4° de l'ordonnance 45-1483 du
30 juin 1945, des articles 1er, 40, 48 à 51, 56 de l'ordonnance 45-1484
du 30 juin 1945 et 104 du Traité de la Communauté économique
européenne ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué ainsi que du jugement qu'il
a confirmé et dont il adopte les motifs non contraires que D. Henri
a été cité devant le Tribunal correctionnel pour avoir
courant octobre 1983, sur le territoire français commis une pratique
de prix illicite en mettant en vente en sa qualité de boucher détaillant
de la viande de boeuf et de veau dont les prix étaient supérieurs
à ceux autorisés par les arrêtés préfectoraux
ou ministériels des 21 décembre 1982, 31 mars et 6 juin 1983 ;
Attendu que pour déclarer lesdits arrêtés inopposables au
prévenu comme contraires aux normes et règles instaurées
par le droit communautaire et pour relaxer en conséquence l'intéressé,
les juges du fond, après avoir procédé, pour les viandes
en cause, à l'analyse des éléments de calcul de leur prix
de vente maximum, énoncent que les frais de transport à l'étal
qui sont des frais de commercialisation se trouvent fixés forfaitairement
par les arrêtés critiqués ; que le chiffre ainsi retenu,
soit 0,35 franc par kilo, est très inférieur à celui réellement
pratiqué ;
Qu'outre ces frais de commercialisation ainsi arrêtés par le pouvoir
réglementaire, sans tenir compte du point de départ des viandes
transportées, un certain nombre de taxes fiscales ou parafiscales n'ont
pas été prises en compte pour la détermination des prix
de revente au détail de ces diverses marchandises ; qu'il en est ainsi
pour la taxe fiscale dite de " décroc ", pour celle dite "
de protection sanitaire " et pour la taxe " d'usage des abattoirs
" ;
Que les juges ajoutent que l'article 30 du Traité de Rome interdit toutes
restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet
équivalent ; que la Cour de Justice des Communautés Européennes
par les arrêts successifs que les juges du fond mentionnent, a expressément
décidé que si la fixation unilatérale par un Etat membre
d'une marge commerciale maxima pour la revente au détail des viandes
n'est pas, en elle-même, contraire à la législation et à
l'esprit communautaires, faut-il encore que, pour le calcul de cette marge,
il soit tenu compte des frais de commercialisation réels que chaque détaillant
a effectivement exposés ; que tel n'est pas le cas en l'espèce,
puisque les arrêtés visés aux poursuites, assimilent la
marge maximale de bénéfice à prélever par le boucher
détaillant, lors de la revente au public des morceaux de viande taxés,
à un paramètre abstrait de calculs, sans permettre audit détaillant
de prouver le caractère équitable de sa rémunération
effective, compte tenu de ses frais véritables de commercialisation ;
qu'il n'importe par ailleurs pour lesdites viandes, qu'une partie de la marge
de bénéfice du détaillant soit libre, en ce qu'elle s'articule
sur la portion de cette marchandise échappant à la taxation, comme
relevant du secteur libre ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations par
lesquelles les juges ont appliqué au cas d'espèce les règles
de compatibilité de la règlementation nationale par rapport au
droit et aux normes communautaires, et qui ont justifié les raisons pour
lesquelles à l'égard de ce prévenu la marge commerciale
qu'il n'aurait pas dû dépasser et qu'il avait pourtant méconnue,
avait été fixée par le pouvoir réglementaire sans
égard aux principes du droit communautaire, la Cour d'appel a donné
une base légale à sa décision ;
Que dès lors le moyen, en ses divers griefs, ne saurait être accueilli
;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi
Publication : Bulletin criminel
1986 N° 206 p. 528
Gazette du Palais, 14 mars 1989, N° 71 à 73, note J.P. MARCHI.
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 13 mars 1995 Rejet
Vu le mémoire produit ;
Sur les faits et la procédure :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de
procédure que, lors du contrôle frontalier d'un autocar en provenance
de Belgique, Alain X a été trouvé porteur de 20 g
de résine de cannabis ; qu'il a été cité directement
devant le tribunal correctionnel pour importation illicite de stupéfiants
;
Que le tribunal, accueillant une exception préjudicielle soulevée
par la défense, a sursis à statuer afin de permettre au prévenu
de saisir la juridiction administrative de la légalité de l'arrêté
du 22 février 1990 portant classement du cannabis parmi les stupéfiants
;
Que, sur appel relevé par le ministère public, la cour d'appel,
après avoir joint au fond les exceptions présentées par
les avocats du prévenu, annulé le jugement et évoqué,
a déclaré Salgado coupable du fait poursuivi et l'a dispensé
de peine ;
En cet état :
(…)
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de l'article
8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, de l'article 7 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de l'article
55 de la Constitution, de l'article 4 du Code pénal (article 111-3 du
nouveau Code pénal), des articles L. 627 et L. 628 du Code de la santé
publique, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motif et défaut de réponse à conclusions
:
" en ce que l'arrêt attaqué, refusant de statuer sur la
légalité de l'arrêté du ministre de la Santé
du 22 février 1990 classant les substances stupéfiantes, a décidé
que "l'herbe et la résine de cannabis apparaissent comme des substances
stupéfiantes classées" et condamné les prévenus
pour infraction à la législation sur les stupéfiants ;
" au motif que la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars
1961, publiée par le décret du 2 mai 1969, et le protocole portant
amendement à cette Convention, publié par décret du 4 novembre
1975, qui, de par l'article 55 de la Constitution, sont des normes supérieures
à la loi applicable en droit interne donnant à ces textes une
force incriminatrice permettant à elle seule d'asseoir une condamnation,
dès lors qu'il existe un texte répressif dans l'ordre national
portent classement du cannabis et de sa résine parmi les substances stupéfiantes
; que l'article L. 627 du Code de la santé publique prévoit quant
à lui des pénalités à l'encontre de ceux qui auront
contrevenu aux dispositions des règlements d'administration publique
prévus à l'article L. 626 dudit Code et concernant les substances
ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants
par voie réglementaire, une aggravation étant notamment prévue
en cas d'importation ; que le décret n° 88-1232 du 29 décembre
1988 pris en application de cet article qui, dans ses visas, fait expressément
référence au décret n° 69-446 du 2 mai 1969 portant
publication de la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961,
ainsi qu'au décret n° 75-1076 du 4 novembre 1975 portant publication
du protocole portant amendement de la Convention unique précitée,
signé à Genève le 25 mars 1972 introduit, de son côté,
au chapitre "substances stupéfiantes" de la partie réglementaire
du Code de la santé :
un article R. 5173 portant interdiction de l'importation des stupéfiants
sans autorisation spéciale ;
un article R. 5181 du Code de la santé publique qui, dans son alinéa
1, énonce l'interdiction de la production, de la mise sur le marché,
de l'emploi et de l'usage du cannabis, de sa plante et de sa résine,
des préparations qui en contiennent ou de celles qui sont obtenues à
partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine :
" que force est donc de constater que l'herbe et la résine du cannabis
apparaissent comme des substances stupéfiantes classées comme
telles, tant au niveau de la norme internationale qu'au niveau de la norme réglementaire,
dont l'importation est prohibée, et que le texte de répression
qu'est l'article L. 627 du Code de la santé publique trouve son soutien
tant dans l'une que dans l'autre de ces normes, cela sans même qu'il soit
nécessaire de se pencher sur l'arrêté du 22 février
1990, pris pour l'application de l'article R. 5171 du Code de la santé
publique, dont la légalité, la régularité de son
élaboration ou l'opportunité seraient en cause ;
" alors que, d'une part, la rédaction des articles L. 628 et L.
627 du Code de la santé publique exige que toute infraction à
la législation sur les stupéfiants soit précédée
du classement d'une substance parmi la liste des substances stupéfiantes,
et que cette opération préalable ne saurait être confondue
avec la combinaison des articles R. 5181 et R. 5173 du Code de la santé
publique qui se rapportent à des opérations particulières
résultant dudit classement (importation, production, mise sur le marché,
emploi et usage), ainsi que le faisaient valoir les conclusions des prévenus
laissées sans réponse ;
" alors que, d'autre part, la Convention unique, norme de droit international,
n'est pas d'applicabilité directe en droit français, et que, par
voie de conséquence, le classement du cannabis par cette Convention n'a
aucune influence directe sur le classement français des substances stupéfiantes
; qu'au surplus, et à supposer même que ladite Convention soit
d'applicabilité directe, elle ne saurait en aucun cas constituer une
norme de droit pénal, susceptible de servir de base à une incrimination
nationale, à moins que le législateur n'ait renvoyée expressément
la définition de l'infraction à cette Convention, ce qu'il n'a
pas fait ; qu'en définitive la référence à la Convention
unique, pour définir la liste des substances stupéfiantes et les
incriminations des articles L. 627 et L. 628 du Code de la santé publique
et des sanctions dont le classement a pour conséquence des peines d'emprisonnement
de dix à vingt ans, constitue une violation flagrante et grossière
du principe de légalité criminelle, tel qu'il est affirmé
par la Constitution, la Convention européenne des droits de l'homme et
le Code pénal " ;
Attendu que, pour déclarer Alain X coupable d'importation illicite
de stupéfiants, la cour d'appel retient notamment que le classement de
la résine de cannabis comme stupéfiant, au sens de l'article L.
627 du Code de la santé publique alors applicable, résulte des
articles R. 5173 et R. 5181 introduits dans la partie réglementaire de
ce Code par le décret du 29 décembre 1988, en conformité
avec la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, publiée
par décret le 22 mai 1969 ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que
l'article L. 627 susvisé du Code de la santé publique, qui punit
de peines correctionnelles ceux qui auront contrevenu aux dispositions des règlements
d'administration publique concernant les substances ou plantes classées
comme stupéfiants par voie réglementaire, laisse au gouvernement
le soin de déterminer les modalités de ce classement, les juges
du second degré ont justifié leur décision sans encourir
les griefs allégués ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Et attendu que la décision est justifiée tant au regard des articles
L. 626 et L. 627 du Code de la santé publique alors applicables qu'au
regard des articles 222-36 et 222-41 du Code pénal en vigueur depuis
le 1er mars 1994, et que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin criminel
1995 N° 101 p. 293