ARRÊT M. DU 23 SEPTEMBRE 1998

(...)

EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPECE
6. Ressortissant français né en 1974, M. Jérôme M. réside à Morangis (Essonne).
A. La genèse de l’affaire
7. Le 28 juin 1993, à 16 h 25, il circulait en moto sur une route nationale à hauteur de la commune de Millemont ; il fut contrôlé par les gendarmes, roulant à la vitesse de 172 km/h, alors que la vitesse maximale autorisée était, à cet endroit, de 110 km/h.
8. Une telle infraction aux règles de la circulation est prévue et réprimée par les articles R. 10, alinéa 2-2°, du code de la route, qui fixe la vitesse maximale autorisée à 110 km/h sur les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central, R. 232, alinéa 1-2°, du même code, qui dispose que sera puni des peines d’amende prévues pour les contraventions de 4e classe le dépassement de la vitesse maximale autorisée de plus de 30 km/h, et R. 266-4° qui prévoit la possibilité de suspension du permis de conduire pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée de plus de 30 km/h (paragraphe 21 ci-dessous).

(...)

D. La procédure devant la Cour de cassation
14. Le requérant forma un pourvoi en cassation en alléguant notamment la non-conformité avec l’article 6 § 1 de la Convention de la loi du 10 juillet 1989 et des décrets des 25 juin et 23 novembre 1992 organisant la mesure administrative du retrait de points. Il souleva aussi l’illégalité du décret du 23 novembre 1992 réprimant le dépassement des vitesses maximales autorisées et la fiabilité du cinémomètre.
15. Par un arrêt du 11 janvier 1995, la Cour de cassation (chambre criminelle) rejeta le pourvoi. Elle considéra :
« Attendu que c’est à bon droit que la cour d’appel a rejeté les exceptions régulièrement soulevées devant elle et prises de l’incompatibilité de la loi du 10 juillet 1989 instituant le permis de conduire à points avec l’article 6 § 1 de la Convention européenne ainsi que de l’illégalité des décrets des 25 juin et 23 novembre 1992 organisant la mesure administrative du retrait des points ;
Qu’en effet, il résulte de l’article L. 11-4 du code de la route excluant l’application des articles 55-1 du code pénal et 799 du code de procédure pénale, alors applicables, à la perte de points affectant le permis de conduire, que cette mesure ne présente pas le caractère d’une sanction pénale, accessoire à une condamnation, et qu’en conséquence, ni son incompatibilité alléguée avec la disposition conventionnelle invoquée ni son fondement légal ne relèvent de l’appréciation du juge répressif ;
Qu’au surplus, de l’examen des textes organisant le retrait de points ne dépend pas, au sens de l’article 111-5 du code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, la solution d’une poursuite exercée, comme en l’espèce, pour contravention d’excès de vitesse ; (...)
»
16. A ce jour, M. M. ne s’est pas vu notifier de retrait de points.


II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
A. Le régime du permis de conduire à points
17. Le permis de conduire à points a été institué par la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1992. Ce dispositif a été complété par la loi n° 90-1131 du 19 décembre 1990, qui a prévu la création d’un traitement automatisé afin de gérer le régime du permis à points. La gestion des données est confiée au ministère de l’Intérieur. Les décrets d’application sont intervenus les 25 juin et 23 novembre 1992. Ces décrets, qui avaient fait l’objet de recours pour excès de pouvoir, ont été jugés légaux par le Conseil d’Etat.
18. Aux termes de l’ensemble de ces dispositions, le permis de conduire est affecté de douze points. Ce nombre de points est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis l’une des infractions visées à l’article L. 11-1 du code de la route et dont la réalité est établie par le paiement d’une amende forfaitaire ou par une condamnation devenue définitive.
19. Les faits constitutifs de l’infraction sont appréciés souverainement par le juge pénal qui les constate et les qualifie et, en conséquence, prononce la sanction pénale qu’il juge adaptée. Sur la base des faits constatés par le juge pénal, l’autorité administrative, en l’occurrence le ministre de l’Intérieur, prend la décision de retirer des points du permis de conduire du contrevenant, décision qui se formalise par la lettre notifiée au contrevenant en vertu des dispositions de l’article R. 258 du code de la route.
20. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (arrêts des 6 juillet 1993, 4 et 12 mai 1994) et du Conseil d’Etat (arrêt du 8 décembre 1995, Mouvement de défense des automobilistes), le retrait de points ne présente pas le caractère d’une sanction pénale accessoire à une condamnation, mais celui d’une mesure purement administrative.

B. Le code de la route

(...)

C. Le code pénal
22. Sous l’empire de l’actuel code pénal, en vigueur depuis le 1er mars 1994, la suspension et l’annulation du permis de conduire sont des peines : en matière contraventionnelle (articles 131-14, alinéa 1°, et 131-16, alinéa 1°) ; en matière correctionnelle (article 1313-6, alinéas 1° et 3°) ; en matière criminelle (article 224-4) pour un certain nombre de crimes (tortures, violences graves, viols, trafic de stupéfiants, etc.).
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
23. M. M. a saisi la Commission le 28 novembre 1994. Invoquant l’article 7 de la Convention, il soutenait que le régime répressif de l’excès de vitesse méconnaissait le principe de légalité qui s’impose en matière pénale. Il affirmait également que le retrait systématique et automatique de points du permis de conduire sans possibilité de recours devant une autorité judiciaire ou administrative méconnaissait l’article 6 § 1 de la Convention.
24. Le 15 janvier 1996, la Commission a déclaré la requête (n° 27812/95) irrecevable en ce qui concerne le premier grief. Le 25 novembre 1996, elle l’a retenue quant au second. Dans son rapport du 29 mai 1997 (article 31), elle conclut, par dix-huit voix contre dix, qu’il n’y a pas eu violation du droit d’accès du requérant à un tribunal au sens de l’article 6 § 1. Le texte intégral de son avis et des opinions concordante et dissidente dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt4.

CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR
25. Dans son mémoire, le requérant demande à la Cour
« qu’elle confirme sa jurisprudence rappelée avec pertinence par l’opinion dissidente de [M. Soyer], et conclue à la violation, sauf à priver de toute efficacité les garanties posées par la Convention puisqu’il serait loisible à tout Etat membre de contourner l’esprit et la lettre de la norme supra-nationale en instituant une apparence de débat devant un juge privé de tout libre arbitre. »
26. Quant au Gouvernement, il conclut
« à la non-violation des dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention :
- à titre principal, parce que la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention,
- à titre subsidiaire, parce que la requête est irrecevable faute pour le requérant d’avoir épuisé les voies de recours internes ;
- à titre très subsidiaire, parce que la requête est mal fondée. »

EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

27. M. M. soutient que le retrait systématique et automatique de points du permis de conduire sans possibilité de recours devant un organe judiciaire effectif l’a privé du droit à un « tribunal » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »
28. La Cour relève qu’en l’espèce, la cour d’appel de Versailles, confirmant le jugement du tribunal de police, a reconnu le requérant coupable de la contravention d’excès de vitesse et l’a condamné à 1 500 francs français d’amende et à quinze jours de suspension du permis de conduire (articles R. 232, alinéas 1°-2°, et R. 266 du code de la route – paragraphe 21 ci-dessus).
Par ailleurs, l’infraction de dépassement de la vitesse maximale autorisée de 40 km/h ou plus entraîne le retrait automatique de quatre points sur les douze que compte le permis de conduire (article R. 256 du code de la route, pris en application de l’article L. 11-1 dudit code – paragraphe 21 ci-dessus).
29. Compte tenu du caractère automatique du retrait de points de son permis de conduire comme conséquence de sa condamnation par la cour d’appel de Versailles, l’intéressé peut se prétendre, dans la procédure en question, victime d’une violation de la Convention.
30. A l’instar de la Commission, la Cour estime qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le système français du permis à points en tant que tel, mais de rechercher si, dans les circonstances de l’espèce, le droit de M. M. d’avoir accès à un tribunal, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, a été respecté.
A. Applicabilité de l’article 6 § 1
31. Dans un premier temps, la Cour doit rechercher si la sanction du retrait de points du permis de conduire constitue une peine et, partant, relève de la « matière pénale » au sens de l’article 6 § 1.
32. D’après le requérant, il ne fait aucun doute que les infractions en vertu desquelles le retrait de points et l’annulation consécutive du permis de conduire sont encourus relèvent du domaine pénal. Dans les procédures internes, le ministre de l’Intérieur, qui gère le fichier du permis de conduire à points, qualifierait systématiquement le retrait de points de peine accessoire. De plus, la sanction en question constituerait une mesure à caractère répressif, susceptible d’affecter la liberté d’aller et venir dans la mesure où elle peut entraîner à terme l’annulation du permis de conduire. On ne saurait la qualifier de sanction administrative, car elle n’est pas prononcée par une autorité administrative, mais découle automatiquement de l’énoncé de la loi.
33. Le Gouvernement excipe de l’inapplicabilité de l’article 6 § 1. La sanction litigieuse serait considérée par les juridictions non comme une mesure pénale, mais comme une mesure de police administrative. De même, la loi du 10 juillet 1989 exclurait que le juge judiciaire puisse faire bénéficier le coupable d’une infraction, générant in fine un retrait de points, d’un relèvement judiciaire ou des effets de la réhabilitation judiciaire, prévus respectivement aux articles 55-1 du code pénal et 799 du code de procédure pénale. Il ne serait donc pas douteux qu’au regard du droit interne, le retrait de points ne relève pas de la matière pénale. Par ailleurs, le but de la mesure serait purement préventif et elle ne ferait pas perdre la liberté fondamentale d’aller et de venir comme le ferait une peine d’emprisonnement par exemple.
34. La Cour rappelle que la notion de « peine » contenue à l’article 7 de la Convention comme celle « d’accusation en matière pénale » figurant à l’article 6 § 1 de la Convention possèdent une portée autonome. Dans son analyse, elle n’est pas liée par les qualifications données par le droit interne, celles-ci n’ayant qu’une valeur relative (arrêts Engel et autres c. Pays-Bas du 8 juin 1976, série A n° 22, p. 34, § 81, Öztürk c. Allemagne du 21 février 1984, série A n° 73, pp. 17–18, §§ 49–50, Welch c. Royaume-Uni du 9 février 1995, série A n° 307-A, p. 13, § 27, Schmautzer c. Autriche du 23 octobre 1995, série A n° 328-A, p. 13, § 27, et Putz c. Autriche du 22 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, p. 324, §§ 31 et suiv.).
35. Afin de déterminer l’existence d’une « accusation en matière pénale », la Cour a égard à trois critères : la qualification juridique de l’infraction litigieuse en droit national, la nature même de celle-ci, et la nature et le degré de sévérité de la sanction (voir notamment l’arrêt Pierre-Bloch c. France du 21 octobre 1997, Recueil 1997-VI, p. 2224, § 53).
Quant à l’existence d’une « peine », la Cour a déclaré dans l’arrêt Welch : « Le libellé de l’article 7 § 1, seconde phrase, indique que le point de départ de toute appréciation de l’existence d’une peine consiste à déterminer si la mesure en question est imposée à la suite d’une condamnation pour une « infraction ». D’autres éléments peuvent être jugés pertinents à cet égard : la nature et le but de la mesure en cause, sa qualification en droit interne, les procédures associées à son adoption et à son exécution, ainsi que sa gravité. » (arrêt précité, p. 13, § 28)
36. En l’espèce, il n’est pas contesté que l’infraction à l’origine du retrait de points, à savoir l’excès de vitesse, présentait un caractère pénal.
37. S’agissant de la qualification en droit interne du retrait de points, la Cour relève, avec la Commission, que l’examen des textes légaux pertinents et de la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat (paragraphe 20 ci-dessus) fait apparaître clairement que la mesure en question prise isolément s’analyse en une sanction administrative ne ressortissant pas à la matière pénale. Le fait qu’au dire du requérant, le ministre de l’Intérieur, qui gère le fichier du permis de conduire à points, qualifie systématiquement le retrait de points de peine accessoire, ne saurait à lui seul anéantir ce constat.
38. En ce qui concerne la nature de la sanction, la Cour note que le retrait de points intervient dans le cadre et à l’issue d’une accusation en matière pénale. En effet, dans un premier temps, le juge pénal apprécie les faits constitutifs de l’infraction pouvant donner lieu à un retrait de points,
les qualifie et prononce la sanction pénale principale ou complémentaire qu’il juge adaptée. Puis, sur la base de la condamnation prononcée par le juge pénal, le ministre de l’Intérieur retire le nombre de points correspondant au type d’infraction en fonction du barème fixé par le législateur, en l’espèce l’article R. 256 du code de la route (paragraphe 21 ci-dessus).
La sanction de retrait de points résulte donc de plein droit de la condamnation prononcée par le juge pénal.
39. Quant au degré de gravité, la Cour relève que le retrait de points peut entraîner à terme la perte de la validité du permis de conduire. Or il est incontestable que le droit de conduire un véhicule à moteur se révèle de grande utilité pour la vie courante et l’exercice d’une activité professionnelle. La Cour, avec la Commission, en déduit que si la mesure de retrait présente un caractère préventif, elle revêt également un caractère punitif et dissuasif et s’apparente donc à une peine accessoire. La volonté du législateur de dissocier la sanction de retrait de points des autres peines prononcées par le juge pénal ne saurait en changer la nature.
40. La Cour, avec la Commission, conclut donc à l’applicabilité de l’article 6 § 1.


B. Observation de l’article 6 § 1
1. Sur l’exception préliminaire du Gouvernement
41. A titre subsidiaire, le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, au motif que le requérant n’a pas saisi le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre la mesure du ministre de l’Intérieur.
42. A l’instar de la Commission, la Cour estime que la question de savoir si l’intéressé disposait d’un recours pour contester la légalité du retrait de points se confond en substance avec celle du grief soulevé par ce dernier devant elle.
2. Sur le bien-fondé du grief
43. D’après le requérant, une loi qui prévoit une sanction automatique déterminée par l’application d’un barème fixe et qui écarte toute possibilité de recours devant un juge ne saurait être conforme aux exigences de l’article 6 § 1. Par ailleurs, même en droit interne, toute personne faisant l’objet d’une sanction accessoire pourrait demander au juge judiciaire de la relever de cette déchéance ou de cette interdiction. Or, précisément,
l’article L. 11-4 du code de la route exclurait cette possibilité et créerait un régime d’exception. De plus, le recours devant le juge administratif ne serait pas efficace, car ce dernier agirait dans le cadre d’une compétence liée ne lui accordant aucun pouvoir de décision. Son contrôle serait purement formel : il se bornerait à enregistrer le retrait de points résultant automatiquement de la constatation par l’autorité judiciaire de la réalité de l’infraction. Or le juge judiciaire serait le gardien des libertés individuelles et c’est à lui qu’il appartiendrait d’apprécier la conformité de la loi sur le permis de conduire avec la Convention.
44. Le Gouvernement soutient, à titre très subsidiaire, que l’intéressé a eu accès à un tribunal au sens de l’article 6 § 1. L’autorité administrative informerait le contrevenant qu’il est susceptible de perdre des points en raison de l’infraction qu’il a commise et de l’existence d’un traitement automatisé des pertes et reconstitutions de points. Ainsi, celui-ci pourrait-il saisir le juge pénal pour réfuter la réalité des faits qui pourraient servir de fondement à un retrait de points. De même, lors de la notification de la mesure de retrait de points, postérieurement à l’intervention du juge pénal, il serait indiqué au contrevenant qu’il a la possibilité de saisir dans un délai de deux mois les juridictions administratives. En l’occurrence, c’est ce que M. M. aurait pu faire, car le juge administratif saisi d’un recours pour excès de pouvoir doit s’assurer que l’autorité administrative n’a pas commis d’erreur sur l’existence des faits qui ont déclenché son intervention, à savoir la condamnation pénale entraînant le retrait de points, ni d’erreur en droit.
45. La Cour rappelle que dès lors qu’une sanction relève du domaine pénal, elle doit pouvoir être contrôlée par un tribunal répondant aux exigences de l’article 6 § 1, même si la Convention ne s’oppose pas à ce que les poursuites et les sanctions relatives aux délits mineurs relèvent en premier lieu des autorités administratives (arrêt Öztürk précité, pp. 21–22, § 56).
46. Elle relève que la sanction de retrait de points intervient dès lors qu’est établie la réalité d’une des infractions énumérées à l’article L. 11-1 du code de la route (paragraphe 21 ci-dessus) par le biais soit d’une condamnation devenue définitive, soit du paiement de l’amende forfaitaire par le contrevenant, ce qui implique reconnaissance de l’infraction et acceptation tacite du retrait de points.
47. Lors de la constatation d’une infraction, le contrevenant est informé par l’autorité administrative qu’il est susceptible de perdre des points en raison de l’infraction qu’il a commise ainsi que de l’existence d’un traitement automatisé des pertes et reconstitutions de points (article R. 258 du code de la route – paragraphe 21 ci-dessus). Ainsi, il est mis en mesure de contester les éléments constitutifs de l’infraction pouvant servir de fondement à un retrait de points.

48. La Cour observe que le requérant ne s’est pas acquitté du paiement de l’amende forfaitaire et que la perte partielle de points était donc subordonnée à l’établissement de sa culpabilité par la juridiction pénale. Or, comme l’a relevé la Commission, devant le tribunal de police et la cour d’appel de Versailles, juridictions pénales satisfaisant aux exigences de l’article 6 § 1, l’intéressé a pu contester la réalité de l’infraction pénale consistant dans l’excès de vitesse, et soumettre aux juges répressifs tous les moyens de fait et de droit qu’il a estimés utiles à sa cause, sachant que sa condamnation entraînerait en outre le retrait d’un certain nombre de points.
49. Quant à la proportionnalité de la sanction, la Cour note, avec la Commission, que la loi elle-même a prévu dans une certaine mesure la modulation du retrait de points en fonction de la gravité de la contravention commise par le prévenu.
En l’espèce, celle-ci entraînait le retrait de quatre points sur les douze que compte le permis de conduire, et on ne saurait donc qualifier cette mesure de disproportionnée par rapport au comportement qu’elle entend sanctionner. D’une part, elle n’a pas pour conséquence immédiate l’annulation du permis de conduire. D’autre part, l’intéressé peut reconstituer son capital de points, soit en ne commettant pas pendant le délai de trois ans une nouvelle infraction sanctionnée d’un retrait de points, soit en suivant une formation spécifique (article L. 11-6 du code de la route – paragraphe 21 ci-dessus) ; il garde donc une certaine latitude de comportement.
50. A l’instar de la Commission, la Cour estime donc qu’un contrôle suffisant au regard de l’article 6 § 1 de la Convention se trouve incorporé dans la décision pénale de condamnation prononcée à l’encontre de M. M., sans qu’il soit nécessaire de disposer d’un contrôle séparé supplémentaire de pleine juridiction portant sur le retrait de points. Par ailleurs, le requérant pourra introduire un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative afin de faire contrôler que l’autorité administrative a agi à l’issue d’une procédure régulière.
51. La Cour en conclut, avec la Commission, que l’intéressé a bénéficié dans l’ordre interne d’un contrôle juridictionnel suffisant concernant la mesure litigieuse au regard de l’article 6 § 1.
52. Partant, il n’y a pas eu violation de cette disposition.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,
Dit que l’article 6 § 1 de la Convention s’applique à la procédure litigieuse et qu’il n’a pas été violé.

Publication : JCP 1999, II, 10086



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