Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 6 octobre 1992
Rejet
REJET des pourvois formés par X..., Y..., Z..., contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 1989, qui, pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public et complicité, les a condamnés chacun à 10 000 francs d'amende et solidairement à des réparations civiles.
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
(…) Sur le moyen unique de cassation proposé pour X... et Y... et pris de la violation des articles 1, 29, 31, 33 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... et Y... respectivement des chefs de diffamation et de complicité de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public ;
" aux motifs que X... a laissé paraître l'interview incriminée dans l'hebdomadaire B..., qu'il doit être considéré comme coauteur du délit avec Z... ; que Y... qui a réalisé et mis en forme l'interview doit être retenue comme complice de ce délit ; qu'ils ne se sont pas contentés de recueillir passivement les propos de Z... ; que l'article était annoncé sur la couverture de la publication ; qu'en faisant précéder l'article par les mots lui au moins pratique le parler vrai , les journalistes ont présenté les propos de Z... comme exprimant la vérité ;
" alors, d'une part, que le journaliste qui se borne à recueillir sans les modifier les propos d'une personne interrogée, et le directeur du journal qui les publie, ne font qu'exécuter leur obligation d'information, et ne se rendent pas personnellement coupables du délit de diffamation qui serait constitué par les propos recueillis ;
" alors, d'autre part, que les journalistes se sont bornés à annoncer l'article sur la couverture du journal ; que l'expression parler vrai - éclairée d'ailleurs par le contexte où Z... était présenté comme s'exprimant franchement - qualifie non pas le fond des propos mais leur style et se rapporte exclusivement à la conviction personnelle de leur auteur ; que ces seuls faits sont insusceptibles de caractériser une participation directe des journalistes aux propos diffamatoires retenus " ;

Attendu que le jugement confirmé par l'arrêt attaqué énonce que X..., directeur de la publication de B... a laissé paraître dans son hebdomadaire l'entretien accordé par Z..., qu'il doit être considéré avec celui-ci comme coauteur du délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public ; que Y... qui a réalisé et mis en forme les propos tenus au cours de l'entretien, doit être considérée comme complice dudit délit ; que la cour d'appel observe, pour sa part, que Y... et X... ne se sont pas contentés de recueillir passivement les propos de Z..., que l'article a été annoncé par la couverture de la publication, qu'en faisant précéder cet article des mots " lui au moins pratique le parler vrai ", les journalistes ont présenté les propos de Z... comme exprimant la vérité ; que cependant aucun des prévenus ne peut valablement invoquer sa bonne foi ;
Attendu qu'en déclarant les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés, abstraction faite d'une expression impropre qualifiant la participation de l'auteur des propos publiés, l'arrêt n'a pas encouru les griefs allégués ;
Que loin d'être exonérés de toute responsabilité lorsqu'ils publient les opinions d'autrui constitutives d'un délit réprimé par la loi du 29 juillet 1881, les journalistes concourent au contraire à la commission de cette infraction ; que le fait de publication étant l'élément par lequel les délits de presse sont consommés, le directeur de la publication, est, en cette qualité, responsable de droit, comme auteur principal, des infractions commises par la voie de cet écrit ; que dans le cas où ce directeur est en cause, l'auteur de l'article est poursuivi comme complice ; que la participation du complice de droit commun dans les termes de l'article 60 du Code pénal n'est punissable que lorsque l'acte principal de publication est accompli ;
Que les journalistes ne sauraient trouver un fait justificatif aux infractions qui leur sont imputées dans le droit d'informer le public défini par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ce texte prévoit dans son second paragraphe, que l'exercice de la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées comporte des devoirs et des responsabilités et qu'il peut être soumis à des restrictions ou sanctions prévues par la loi et nécessaires notamment à la protection de la réputation et des droits d'autrui ;
Que le moyen n'est dès lors pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois
Publication : Bulletin criminel 1992 N° 303 p. 819

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