Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 12 juin 2007 Rejet
N° de pourvoi : 06-87361
Publié au bulletin
Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Frédéric,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 18 septembre
2006, qui, pour recel, l'a condamné à 800 euros d'amende et a prononcé
sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ; (…)
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 11 du code
de procédure pénale, 321-1,321-3,321-4,321- 9,321-10 du code pénal,
38 de la loi du 29 juillet 1881, 10 de la convention européenne des droits
de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Frédéric
X... coupable de recel de violation de secret professionnel, et l'a condamné
de ce chef ;
"aux motifs que "l'infraction de recel de violation de secret de l'instruction
est une infraction ( ) qui est constituée dès lors que la personne,
détentrice de ces documents, ne pouvait ignorer qu'ils provenaient d'une
instruction en cours ; qu'en l'espèce, ( ) Frédéric X...
avait préparé son reportage à partir de multiples documents,
dont ceux qui sont cause des présentes poursuites, sélectionné
ceux qu'il souhaitait voir afficher à l'écran et matériellement
travaillé à son reportage courant septembre et octobre 2000 jusqu'à
sa diffusion le 23 octobre ; que si l'auteur des faits de violation du secret
de l'instruction n'a pas pu être identifié pas plus que n'ont pu
être déterminés les moyens mis en oeuvre pour obtenir les
pièces couvertes par le secret, aucun élément du dossier
ne permet d'accréditer l'hypothèse d'une divulgation accidentelle
de celles-ci et l'information a établi qu'outre le conseil de Jacques Y...,
deux cabinets d'avocats, tenus au secret professionnel et au secret de l'instruction
en vertu de l'article 160 du décret du 27 novembre 1991, avaient reçu
en copie les cotes incriminées et que le journal le Canard Enchaîné
avait été en possession de ces cotes avant la préparation
du reportage ; qu'ainsi quel qu'ait été le cheminement des pièces
litigieuses, celles-ci n'ont pu parvenir au prévenu qu'à l'aide
d'une infraction, situation qui ne pouvait être ignorée de Frédéric
X..., journaliste expérimenté ;
que contrairement à ce que prétend le prévenu, le fait que
partie des procès-verbaux litigieux ( ) ait été sortie du
secret de l'instruction par la publication d'articles parus dans le journal Canard
Enchaîné, n'enlève pas à ses propres agissements leur
caractère délictueux, l'article 321-1 du code pénal, conçu
en termes généraux, atteignant ( ) tous ceux qui par un moyen quelconque
bénéficient du produit d'un délit ; que si l'article 10 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales reconnaît, en son premier paragraphe, à toute personne
le droit à la liberté d'expression, ce texte prévoit, en
son second paragraphe, que cette liberté, comportant des devoirs et des
responsabilités, peut être soumise à certaines formalités,
conditions restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent,
dans une société démocratique, des mesures nécessaires,
notamment à la protection des droits d'autrui au nombre desquels figure
la présomption d'innocence ; qu'en l'espèce, d'une part la présentation
des procès-verbaux, obtenus et détenus au mépris du respect
du secret de l'instruction et donc de la présomption d'innocence, ne s'imposait
pas dans la mesure où il n'est pas démontré que ces extraits
constituaient un complément indispensable à la compréhension
du reportage diffusé ou répondaient à une attente du téléspectateur,
d'autre part la protection de la présomption d'innocence doit être
assurée, alors qu'au surplus en l'espèce, Jacques Y... a, en définitive,
bénéficié d'un non lieu au terme de l'instruction ; que dès
lors, les premiers juges ont, à bon droit, retenu Frédéric
X... dans les liens de la prévention ;" (arrêt, p. 5 et 6) ;
"alors, d'une part, que la révélation d'informations qui constituent
des faits publics et ont fait l'objet d'une précédente divulgation
ne peut constituer un recel de violation du secret professionnel et du secret
de l'instruction ; qu'en jugeant que le fait que partie des procès-verbaux
litigieux étaient sorties du secret de l'instruction par la publication
d'articles parus dans le journal Canard Enchaîné, n'enlève
pas aux actes de Frédéric X... leur caractère délictueux,
la cour d'appel a violé les textes précités ;
"alors, d'autre part, que la condamnation d'un journaliste qui informe le
public d'informations déjà révélées, et qui
par là même ont perdu leur caractère secret, ne correspond
pas à une ingérence nécessaire dans une société
démocratique ; que les procès-verbaux litigieux ont été
sortis du secret de l'instruction par la publication d'articles parus dans le
journal Canard Enchaîné ; que les informations fournies par le journaliste
Frédéric X... dans son reportage du 23 octobre 2000 avaient donc
déjà été fournies au public le 30 août 2000
; que par là même, ces informations avaient perdu leur caractère
secret ; qu'aux fins de la Convention européenne des droits de l'homme,
l'intérêt de garder secrètes les informations n'existait plus
le 23 octobre 2000 ; qu'il s'ensuit que l'ingérence dans la liberté
d'expression du journaliste X... n'était ni nécessaire dans une
société démocratique, ni proportionnée au but poursuivi
pour garantir la protection des droits d'autrui et l'impartialité du pouvoir
judiciaire ; que, dès lors, la cour d'appel a violé les textes précités
et en particulier l'article 10-2 de la Convention européenne des droits
de l'homme" ;
Attendu qu'en réponse aux conclusions du prévenu arguant de la
parution antérieure dans la presse d'articles relatant le contenu de
certains des procès-verbaux de l'instruction en cours, l'arrêt
retient à bon droit que le fait que partie d'entre eux "ait été
sortie du secret de l'instruction n'enlève pas à ses propres agissements
leur caractère délictueux", l'article 321-1 du code pénal,
conçu en termes généraux, atteignant tous ceux qui, par
un moyen quelconque, bénéficient du produit d'un délit
;
Attendu que, par ailleurs, pour écarter le grief pris de la violation
de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, la
cour d'appel, après avoir rappelé que, si le texte susvisé
reconnaît en son premier paragraphe à toute personne la liberté
d'expression, il prévoit en son second paragraphe, un certain nombre
de restrictions qui constituent dans une société démocratique
des mesures nécessaires notamment à la protection des droits d'autrui
au nombre desquels figure la présomption d'innocence ; que les juges
relèvent, qu'en l'espèce, la présentation des procès-verbaux
obtenus au mépris du secret de l'information suivie contre Jacques Y...
dont la présomption d'innocence devait être assurée, ne
s'imposait pas, dans la mesure où il n'est pas démontré
que ces extraits constituaient un complément indispensable à la
compréhension du reportage diffusé ou répondaient à
une attente du téléspectateur ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte
que le prévenu a été poursuivi pour avoir recélé
aux fins de divulgation le contenu demeuré confidentiel de pièces
issues d'une information en cours, et dès lors qu'en l'espèce,
ladite poursuite était justifiée par la protection des droits
d'autrui au nombre desquels figure la présomption d'innocence par la
préservation d'informations confidentielles, la cour d'appel a justifié
sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté
;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
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