Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 10 octobre 2006 Cassation partielle
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE (INAO), partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en
date du 17 novembre 2005, qui, dans la procédure suivie contre Dominique
X... des chefs, notamment, de falsifications et tenue irrégulière
de registre, André Y... du chef de complicité de la première
de ces infractions, et Gilbert Z... des chefs de faux et usage de faux, a prononcé
sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
(...) Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles
L. 213-3, L. 214-2, L. 214-3 du code de la consommation, 591 et 593 du code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Dominique
X... et André Y... du chef de falsification de denrées servant à
l'alimentation de l'homme et de complicité de ce délit ;
"aux motifs que le délit de falsification de denrées servant
à l'alimentation de l'homme, prévu et réprimé par
l'article L. 213-3 du code de la consommation codifiant l'article 3 de la loi
du 1er août 1905, implique le recours à une manipulation ou à
un traitement, illicite ou non conforme à la réglementation en vigueur,
de nature à altérer la composition physique ou la substance de la
denrée ; que la prévention de falsification vise Dominique X...,
en tant qu'auteur principal, et André Y..., comme complice, de ventes de
vins, résultant d'assemblages de vins d'appellation contrôlée,
commercialisées sous une appellation inappropriée ;
qu'au temps des poursuites, les assemblages autorisés de vins étaient
définis par le règlement communautaire n° 2202/89 du 20 juillet
1989, norme supérieure à la loi, d'application directe en droit
interne ; qu'aucun décret en Conseil d'Etat, nécessaire à
l'incrimination des manquements audit règlement, n'a été
publié ;
qu'au temps des poursuites, l'assemblage des vins n'était pas ainsi pénalement
punissable en France, au titre de la falsification ; qu'il ne le devint que le
15 juin 2001, le décret en Conseil d'Etat du 12 juin 2001, dans son article
1er, permettant l'incrimination, en droit interne, du règlement n°
1493/1999 du 17 mai 1999 substitué au règlement du 20 juillet 1989
; qu'il s'ensuit que Dominique X... et André Y... doivent être relaxés
de ce chef de prévention ;
"alors que les règlements communautaires sont directement applicables
dans tout Etat membre ; que l'arrêt énonce que les assemblages autorisés
de vins sont définis par le règlement communautaire n° 2202/89
du 20 juillet 1989, pris pour l'application du règlement communautaire
n 822/87 du 16 mars 1987 modifié portant organisation commune du marché
vitivinicole, alors applicable dans tous les Etats membres ; qu'en retenant que
les assemblages poursuivis n'étaient pas pénalement punissables
en France au titre de la falsification, cependant que le règlement n°
2202/89, entré en vigueur avant la commission des faits poursuivis et directement
applicable sans mesure portant réception en droit interne, caractérisait,
dès le temps des poursuites, la fabrication, la mise en vente et la vente
de produits non conformes à la réglementation en vigueur au sens
de l'article L. 213-3 2 du code de la consommation, la cour d'appel a violé
les textes susvisés ;
"alors, en tout état de cause, que les arrêtés ou règlements
légalement pris par l'autorité compétente revêtent
un caractère de permanence qui les fait survivre aux lois dont ils procèdent,
tant qu'ils n'ont pas été rapportés ou qu'ils ne sont pas
devenus inconciliables avec les règles fixées par une législation
nouvelle ; qu'en vertu du décret en Conseil d'Etat n° 72-309 du 21
avril 1972, les règlements communautaires pris pour l'application du règlement
communautaire n° 816/70 du 28 avril 1970 portant organisation commune du marché
vitivinicole constituent des mesures d'application de la loi du 1er août
1905 ; que le règlement n° 816/70 a été repris successivement
par les règlements n° 337/79 du 5 février 1979 et n° 822/87
du 16 mars 1987 portant organisation commune du marché vitivinicole, et
a été codifié par les règlements n° 1493/99 du
17 mai 1999 et n° 1622/00 du 24 juillet 2000 instituant un code communautaire
des pratiques et traitements oenologiques ;
que l'article 34 du règlement n° 1622/00 définit le coupage
dans des termes identiques à ceux de l'article 2 du règlement n°
2202/89 du 20 juillet 1989, pris en application de l'article 16 du règlement
n° 822/87, mesure d'application de la loi du 1er août 1905 ; qu'en retenant
ainsi que les assemblages poursuivis n'étaient pas pénalement punissables
en France au temps des poursuites, cependant que le décret en Conseil d'Etat
du 21 avril 1972 demeurait applicable au règlement n° 2202/89 du 20
juillet 1989 et autorisait la poursuite des infractions constatées, la
cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Vu les articles L. 213-1, L. 213-3, L. 214-1 et L. 214-3 du code de la consommation
et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que la falsification d'un produit est constituée par le recours
à une manipulation ou à un traitement illicite ou non conforme à
la réglementation en vigueur, de nature à en altérer la substance
;
Attendu que le règlement (CEE) n° 2202/89 de la Commission, du 20 juillet
1989, pris pour l'application du règlement (CEE) n° 822/87 du Conseil,
du 16 mars 1987, mesure d'application de la loi du 1er août 1905, en vigueur
à l'époque des faits, interdisant le coupage des vins d'appellation
contrôlée et de vins de table, constitue l'une des mesures d'exécution
prévues par les articles L. 214-1 et L. 214-3 du code de la consommation
;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Dominique X...
a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, du chef,
notamment, de falsifications de denrées alimentaires, pour avoir, entre
le 12 décembre 1997 et le 12 décembre 2000, exposé, mis en
vente ou vendu des vins de "bourgogne pinot", "bourgogne grand
ordinaire", "bourgogne pinot noir vieux" et enfin "bourgogne"
coupés avec du vin de table ; qu'André Y... a été
poursuivi en qualité de complice de ce délit ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus, l'arrêt énonce qu'à
l'époque des faits, aucun décret en Conseil d'Etat nécessaire
à l'incrimination des manquements au règlement (CEE) n° 2202/89
de la Commission, du 20 juillet 1989, n'ayant été publié,
l'assemblage des vins n'était pas punissable en France ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date des faits, les
coupages incriminés, qualifiés à tort d'assemblages par
les juges, étaient interdits par les règlements communautaires
précités, directement applicables sans mesure portant réception
en droit interne, la cour d'appel n'a pas donné de base légale
à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
(...)
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le troisième moyen
de cassation proposé ;
CASSE et ANNULE
Publication : Bulletin criminel
2006 N° 247 p. 874
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