Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 2 juin 1993 Cassation
CASSATION sur le pourvoi formé par A. André, la SARL Steel Trading
France, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle,
en date du 21 janvier 1992, qui, pour délit réputé importation
sans déclaration de marchandises prohibées, a condamné le
prévenu à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi
que solidairement avec la société précitée à
diverses pénalités douanières.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
(…) Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation
de l'article 30 du traité de Rome, de l'article 2 du Code civil, de l'article
15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé
à New York le 19 décembre 1966 et publié en France par décret
n° 81-76 du 29 janvier 1981, de l'article 55 de la Constitution, des articles
485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré
le demandeur coupable d'importations sans déclaration de marchandises
prohibées ;
" aux motifs que, l'activité d'A. dans le cadre de la société
Steel Trading France était une activité de courtage en produits
ferreux ; qu'il mettait en relation, fournisseurs étrangers et clients
français ; que les produits, objet des transactions, étaient apportés
d'Europe de l'Est, la société Steel Trading France étant
distributrice pour la France de la société autrichienne Wait et
de la société yougoslave Sour Industria, que des contrôles
opérés par le service des Douanes sur les marchandises elles-mêmes
et dans les sociétés ayant contracté avec Wait et Sour
Industria par l'intermédiaire de la société Steel Trading
France ont établi que les marchandises litigieuses ont été
fabriquées en Allemagne de l'Est, achetées par la société
autrichienne Wait qui les a stockées dans des entrepôts sous douane
en Allemagne de l'Ouest, les a revendues à la société Jenco
qui elle-même les a revendues à la société Sour Industria
; que lors de la facturation des marchandises aux clients français, les
produits sont déclarés comme d'origine yougoslave et sont importés
en France après avoir transité par la Belgique ; qu'à l'époque
des faits, les importations des marchandises venant d'Allemagne de l'Est étaient
limitées et soumises à divers droits et taxes ;
" alors que, tout prévenu à le droit de bénéficier
d'une loi plus douce ; que le principe de la rétroactivité in
mitius est un principe d'ordre constitutionnel qui s'applique à tous
les textes ; que, du fait de la réunification allemande, les règles
du traité de Rome relatives à la libre circulation des marchandises
sont devenues applicables à l'Allemagne de l'Est ; que le protocole relatif
au commerce intérieur allemand, et aux problèmes connexes n'est
plus d'application, puisque tous les territoires allemands se trouvent désormais
régis par la loi fondamentale ; que la décision attaquée
énonce du reste " qu'à l'époque des faits, les importations
de marchandises venant d'Allemagne de l'Est étaient limitées et
soumises à divers droits et taxes " ; qu'il résulte de cette
constatation que les marchandises litigieuses ne sont plus aujourd'hui soumises
à des droits et taxes, de telle sorte que les demandeurs doivent bénéficier
de la loi plus douce, et de l'entrée en vigueur pour les territoires
de l'Allemagne de l'Est des textes relatifs à la libre circulation des
marchandises " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 38 du Code des douanes ;
Attendu que selon l'article 38 du Code des douanes, sont considérées
comme prohibées toutes marchandises dont l'importation ou l'exportation
est interdite à quelque titre que ce soit ou soumise à des restrictions
;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme
et des procès-verbaux de douane, base de la poursuite, qu'André
A. et la SARL Steel Trading France, cette dernière prise comme solidairement
responsable, sont poursuivis, sur la seule citation directe de l'administration
des Douanes du 20 novembre 1990, pour avoir, à l'occasion de l'importation
de marchandises faussement déclarées comme originaires de Yougoslavie,
alors que leur origine réelle était la République démocratique
allemande, commis de fausses déclarations d'origine éludant des
mesures de restriction (licence AC et contingentement) et le paiement des droits
et taxes dûs, délit réputé importation sans déclaration
de marchandises prohibées ;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable de ce délit,
la cour d'appel, après avoir décrit le processus de fraude à
la réalisation de laquelle André A. a participé, relève
que les importations litigieuses desdites marchandises, originaires de RDA, faisaient
l'objet, à l'époque des faits, de mesures de restriction et étaient
assujetties à divers droits et taxes ;
Mais attendu qu'à la date de l'engagement des poursuites douanières,
du fait de l'adhésion de la RDA à la RFA par le Traité
du 31 août 1990, effective depuis le 3 octobre 1990, les dispositions
communautaires relatives notamment à la libre circulation des marchandises
sur le territoire douanier de la Communauté économique européenne
et celles relatives à l'interdiction de toutes mesures restrictives ou
d'effet équivalent étaient devenues applicables sur le
territoire des provinces de l'Allemagne de l'Est ;
Qu'en prononçant ainsi qu'elle l'a fait, sans rechercher même
d'office si, par l'effet de ces dispositions communautaires plus favorables,
applicables immédiatement, aux poursuites en cours, l'élément
légal de la prévention au regard du caractère prohibé
de la marchandise ne s'en trouvait pas modifié et, le cas échéant,
si les faits n'étaient pas susceptibles de recevoir une qualification
différente, notamment celle visée à l'article 410, paragraphe
2 a, du Code des douanes, la cour d'appel a méconnu le texte
susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés
:
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin criminel
1993 N° 198 p. 495