Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 5 mars 1998 Rejet
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles
XI, § 1 de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce international (GATT) du 30 octobre 1947, 5, 18 et 189 du Traité
de Rome, 3 de la Directive 72/462/CEE du Conseil du 12 décembre 1972
concernant des problèmes sanitaires et de police sanitaire lors de l'importation
d'animaux des espèces bovine et porcine et des viandes fraîches
en provenance des pays tiers, du préambule de la Directive 88/146/CEE
du Conseil du 7 mars 1988 interdisant l'utilisation de certaines substances
à effet hormonal dans les spéculations animales, de la Directive
85/358/CEE du Conseil du 16 juillet 1985 complétant la Directive 81/602/CEE
concernant l'interdiction de certaines substances hormonales et de substances
à effet tyrostatique, de la Directive 86/469/CEE du Conseil du 16 septembre
1986 concernant la recherche de résidus dans les animaux et dans les
viandes fraîches, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 414 du Code
des douanes, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut
de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain
G. coupable d'importation sans déclaration de marchandises prohibées,
en l'espèce des abats de bovins en provenance des Etats-Unis ; "aux
motifs, propres ou repris des premiers juges, que cette importation sans déclaration
a permis d'éluder la mesure de prohibition constituée par la décision
de la Commission n° 89/15 du 15 décembre 1988 à effet du 1er
janvier 1989 ; qu'à compter de cette date, les importations de viandes
bovines du Canada et des USA ont été suspendues, en raison de
l'absence de garantie présentée par ces pays quant à la
non-administration aux animaux de substances hormonales :
" 1° alors qu'en raison de l'union douanière existant entre
les pays de l'Union européenne (ancienne CEE), sont réputées
prohibées au sens de l'article 414 du Code des douanes, les marchandises
en provenance de pays tiers interdits d'importation par une prescription communautaire
; qu'il résulte toutefois des dispositions de l'article XI, § 1
de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce international
(GATT) et de l'article 18 du Traité de Rome que les restrictions quantitatives
apportées par le Marché commun aux importations de produits agricoles
en provenance des pays tiers pour des raisons autres que sanitaires ou exceptionnellement
justifiées par la conjoncture du marché européen sont illicites
; que la décision 89/15/CEE de la Commission en date du 15 décembre
1988 a expressément constaté que les pays figurant sur la liste
prévue à l'article 3 de la Directive 72/462/CEE "ont fait
parvenir des informations adéquates sur leur législation concernant
l'utilisation des substances à effet oestrogène, androgène,
gestagène et tyréostatique, ainsi que des informations spécifiques
sur le plan précisant les garanties offertes par eux en matière
de contrôles des résidus de substances visées à l'annexe
I, groupe A I, II de la décision 86/469/CEE et que ces garanties peuvent
être considérées comme équivalent à celles
résultant de l'application des Directives 85/358/CEE et 86/469/CEE du
Conseil ; que les autorités de ces pays ont, de plus, garanti qu'aucun
animal ou aucune viande provenant d'animaux auxquels ont été administrées
par quelque moyen que ce soit des substances à effet tyréostatique,
oestrogène, androgène ou gestagène ne sera exporté
vers la communauté et qu'il y a donc lieu pour ce type de substances,
de maintenir les importations de viandes fraîches et d'animaux vivants
en provenance de ces pays tiers" ; qu'elle a cependant décidé
la suspension des importations en provenance de ces pays (et notamment en ce
qui concerne les USA, des animaux de l'espèce bovine et les viandes en
provenant) et que, dès lors, en considérant comme "marchandises
prohibées à l'importation", les abats de viandes bovines
originaires des USA, le juge national a reconnu force de loi à une décision
communautaire illégale et a par voie de conséquence fait une application
inexacte tant du Traité de Rome que de l'article 414 du Code des douanes
;
" 2° alors qu'il résulte de l'article 3 et de l'annexe de la
décision 89/15/CEE de la Commission en date du 15 décembre 1988
entrée en vigueur le 1er janvier 1989, que celle-ci devait être
impérativement réexaminée et éventuellement modifiée
avant le 31 mai 1989 ; qu'il ressort en outre de l'annexe de ladite décision
que les importations de viandes bovines en provenance des USA étaient
simplement suspendues ; qu'il s'ensuit qu'à défaut d'une nouvelle
décision à l'issue du délai précité, la décision
de suspension des importations était devenue caduque et que, dès
lors, elle pouvait légalement servir de base à une condamnation
sur le fondement de l'article 414 du Code des douanes pour des faits postérieurs
;
" 3° alors que les décisions de la Cour de Cassation n'étant
pas susceptibles de recours en droit interne, ladite juridiction, dans la mesure
où elle constaterait que la décision précitée de
la Commission n° 89/15/CEE nécessite une interprétation compte
tenu de l'ambiguïté ou de la contradiction de ces termes, saisirait
la Cour de justice d'une question préjudicielle qui pourrait à
titre indicatif être libellée de la manière suivante : "
la décision de la Commission n° 89/15/CEE en date du 15 décembre
1988, qui, après avoir constaté expressément que des produits
agricoles en provenance de pays tiers qu'elle énumère sont conformes
aux normes sanitaires des Directives communautaires qu'elle vise, est incompatible
avec les objectifs de l'article 18 du Traité de Rome et ne constitue
pas une restriction quantitative en tant que telle prohibée par ce Traité
en vertu des accords du GATT auquel elle se réfère implicitement
? ; " ladite décision est-elle valable au regard des Directives
communautaires qu'elle vise dans son préambule ? ; " la décision
susvisée doit-elle être interprétée comme suspendant
les importations de viandes bovines américaines au-delà du 31
mai 1989 compte tenu de l'absence de réexamen pourtant prévu par
son article 3 intervenu avant comme après cette date ? " ;
Attendu qu'Alain G. a été poursuivi devant la juridiction
correctionnelle par l'administration des Douanes, sur le fondement des articles
426 et 414 du Code des douanes, pour avoir importé, entre octobre 1989
et février 1990, des abats de bovins congelés, originaires des
Etats-Unis d'Amérique du nord, en les déclarant sous une fausse
dénomination d'espèce ou sous une fausse origine, pour éluder
des mesures de prohibition à l'importation ;
Attendu que, pour le déclarer coupable des faits visés à
la prévention, la cour d'appel énonce que, sachant que les importations
de viandes bovines originaires des Etats-Unis avaient été provisoirement
suspendues, à compter du 1er janvier 1989, par une décision de
la Commission de Bruxelles en date du 15 décembre 1988, en raison d'un
risque de présence de substances anabolisantes, Alain G., de
concert avec son fournisseur américain habituel, a tantôt dissimulé,
dans les conteneurs, les abats sous des cartons de " langues de porc ",
en déclarant la totalité de la marchandise sous cette dénomination,
tantôt fait transiter les conteneurs par la Yougoslavie, en utilisant
de faux documents pour en masquer l'origine véritable ; que les juges
ajoutent qu'eu égard aux manoeuvres frauduleuses déployées,
l'intéressé ne pouvait prétendre être de bonne foi
;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'à
la date des faits, la décision 89/15/CEE du 15 décembre 1988,
prise en application des directives 72/462/CEE du 12 décembre 1972, 86/469/CEE
du 16 septembre 1986, 88/146/CEE du 7 mars 1988, n'avait été,
ni rapportée par la Commission, ni invalidée par la Cour de justice
des Communautés européennes, la Cour de Cassation est en mesure
de s'assurer de la légalité de la décision prononcée
;
Qu'ainsi, le moyen, inopérant par ailleurs, en ce qu'il invoque, en ses
première et troisième branches, la violation des Accords
généraux sur les tarifs et le commerce, qui, directement négociés
par la Communauté, n'ont aucun effet direct dans les Etats membres, ne
peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin criminel
1998 N° 88 p. 238