Sujet : (Commentaire d’arrêt
)
Cour de cassation chambre criminelle
Audience publique du mardi 18 février 2014
Statuant sur les pourvois formés par : - M. Yannick X..., - Mme
Marion Y... épouse X..., parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel
de RENNES, en date du 7 septembre 2012, qui, dans l'information suivie
contre la commune de Saint- André- des- Eaux du chef d'homicide
involontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le
juge d'instruction ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles préliminaire
et 186 du code de procédure pénale, 111-4, 121-2, 121-3
et 221-6 du code pénal, 6 § 1 de la Convention européenne
des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale
;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance
de non-lieu entreprise du chef d'homicide involontaire commis par la commune
de Saint-André des Eaux sur la personne de Maëlys X...,
"aux motifs que « les dispositions de l'article 121-3 du code
pénal imposent, pour la mise en oeuvre de la responsabilité
pénale en cas de faute d'imprudence, de négligence, ou de
manquement à une obligation de prudence ou de sécurité
prévue par la loi ou le règlement, la démonstration
que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales, compte
tenu, le cas échéant, de la nature de sa mission, ou de
ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens
dont il disposait ; que la Commune de Saint-André des eaux a fait
l'objet d'une mise en examen pour avoir involontairement causé
la mort de Mme X..., par la maladresse, imprudence, inattention, négligence
ou manquement à une obligation de sécurité ou de
prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce
en omettant de donner à son employé des consignes précises
lui imposant de procéder à la mise en place d'une signalisation
d'approche du chantier de débroussaillage qui lui était
confié ;
qu'il résulte cependant des éléments du dossier et
notamment de l'audition de M. A... que des consignes verbales relatives
à la sécurité des chantiers étaient données
aux employés communaux, M. B..., directeur des services techniques
de la commune précisant que des rappels oraux à ce sujet
étaient effectués au début de chaque chantier. Ecrites
ou verbales, ces consignes ne pouvaient en tout état de cause que
consister dans le rappel de la réglementation existante qui n'imposait
pas la mise en place systématique d'une signalisation d'approche
des chantiers mobiles, mais l'adaptation aux conditions de visibilité
; que la responsabilité de la commune ne peut donc être recherchée
quant au contenu des consignes données par elle aux employés
municipaux lesquels disposaient réglementairement de la faculté
d'adapter la signalisation d'approche du chantier aux conditions de visibilité.
II est également précisé par M. A... que des panneaux
de présignalisation de chantier étaient mis à la
disposition des employés municipaux qui avaient donc toute latitude
pour les utiliser ; mais à cet égard, et quant aux conditions
de visibilité, il n'est pas établi à la lecture du
dossier, ni même prétendu, que les conditions atmosphériques
nécessitaient ce jour-là une signalisation particulière
en amont pour permettre la visibilité du chantier par les automobilistes
; qu'aucun élément du dossier ne fait en effet état
de conditions atmosphériques particulières, de nature à
perturber la visibilité ; qu'il sera par ailleurs retenu que la
vitesse était limitée à 70 Km/h sur cette portion
de route plate, qu'un panneau imposant cette limitation de vitesse était
situé à 400 mètres avant la collision dans le sens
de circulation du véhicule Opel Zafira conduit par Mme X..., et
qu'en conséquence la présence de ce panneau limitatif de
vitesse pouvait raisonnablement laisser accroire à M. A... qu'un
dispositif de signalisation de position allumé sur le tracteur
était suffisant ;
qu'enfin, si le tracteur n'était équipé que de gyrophares
alors que selon le responsable de la délégation de l'aménagement
du bassin de Saint-Nazaire auprès du conseil général
de Loire-Atlantique, la signalisation dont devait être équipée
le tracteur devait également inclure tri-flash et bandes de signalisation,
il n'est pas établi que ce manquement ait un lien de causalité
avec la survenance de l'accident malheureux ; qu'en effet, compte tenu
des autres éléments survenus dans la causalité de
l'accident, à savoir la vitesse d'approche du véhicule,
décrite par l'expert et un témoin comme pouvant excéder
la vitesse autorisée à cet endroit, la chaussée humide,
et la tentative brutale faite par la conductrice pour éviter l'engin,
alors que selon l'expert, l'empiétement limité de l'engin
sur la chaussée permettait un déport sur la gauche à
vitesse réduite, le défaut d'équipement de l'engin
n'est pas démontré comme ayant joué un rôle
causal dans la perte de contrôle du véhicule par la conductrice
à l'origine du choc ; que, dans ces conditions, il ne résulte
pas de charges suffisantes contre la commune de Saint-André des
Eaux ni contre quiconque d'avoir commis une quelconque infraction;
"1°) alors que la responsabilité pénale de la
personne morale du chef d'homicide involontaire suppose, quel que soit
la nature du lien de causalité, l'exigence d'une faute simple consistant
en une maladresse, imprudence, négligence, inattention ou manquement
à une obligation de sécurité ou de prudence ; qu'en
refusant de considérer que constituait une faute simple, le fait
pour la commune de Saint André des Eaux de ne pas avoir équipé
les tracteurs destinés au débroussaillage de tri-flash et
de bandes de signalisation, pourtant considérés comme indispensables
par le responsable de l'aménagement du Bassin de Saint Nazaire
auprès du Conseil général de Loire-Atlantique, la
chambre de l'instruction a violé, par fausse application, les dispositions
susvisées ;
"2°) alors que la chambre de l'instruction s'est prononcé
par des motifs contradictoires en relevant que M. A..., conducteur du
tracteur, n'avait pas utilisé de panneaux de présignalisation
de chantier, mis à sa disposition, afin de réaliser son
intervention en toute sécurité, tout en refusant de retenir
une faute susceptible d'entraîner la responsabilité de la
personne morale aux motifs, parfaitement inopérants, qu'aucun manquement
ne pouvait être établi à raison de la violation d'un
texte ne prévoyant qu'une simple faculté lorsqu'il est constant
que l'expertise judiciaire retenait que « la présence non
signalée préalablement du tracteur constituait un danger
et qu'il aurait été nécessaire de prévenir
les véhicules en amont » et qu'au cas concret l'article 131
B de l'arrêté du 6 novembre 1992 prévoyant la possibilité
d'installer une signalisation d'approche en cas d'insuffisance de la signalisation
de position et, notamment, en cas d'empiètement sur la chaussée,
avait été méconnu ;
"3°) alors qu'enfin, en affirmant, quant aux conditions de visibilité,
qu'il n'était pas établi, à la lecture du dossier
que les conditions atmosphériques nécessitaient ce jour-là
une signalisation particulière en amont pour permettre la visibilité
du chantier par les automobilistes lorsqu'il résultait de la procédure
que la chaussée était humide, glissante et que les faits
avaient eu lieu sur une courbe prononcée à gauche, la chambre
de l'instruction a manifestement affirmé un fait en contradiction
avec les pièces de la procédure" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter
les motifs propres à justifier la décision et répondre
aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance
ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de la procédure que Mme X..., qui circulait au volant de son véhicule
automobile, a été surprise à la sortie d'une courbe
prononcée à gauche par la présence à moins
de 90 mètres devant elle d'un tracteur équipé d'une
débroussailleuse, appartenant à la commune de Saint- André-
des- Eaux, lequel, conduit par un employé municipal occupé
à nettoyer les haies, empiétait d'environ 1,50 mètre
sur la voie droite de la chaussée mouillée ; qu'après
avoir perdu le contrôle de son véhicule elle a percuté
cet engin ; que sa fille, Maëlys, installée dans son siège
à l'arrière droit, ayant été mortellement
blessée, le procureur de la République a ouvert une information
du chef d'homicide involontaire ; que le juge d'instruction, après
avoir procédé à la mise en examen de la commune,
a prononcé un non-lieu ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt, après
avoir relevé que, selon le responsable de la délégation
de l'aménagement auprès du conseil général,
le tracteur et la débroussailleuse auraient dû être
équipés de gyrophare, tri-flash et bandes de signalisation,
alors que le tracteur n'était équipé que de gyrophares
et qu'aucun panneaux de présignalisation d'un chantier mobile n'avait
été mis en place, retient que la réglementation en
vigueur n'imposait une telle signalisation qu'en fonction des conditions
de visibilité et qu'en l'espèce il n'est pas fait état
de conditions atmosphériques particulières de nature à
perturber la visibilité ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si ,
compte tenu des conditions de visibilité, l'insuffisance de signalisation
du tracteur équipé d'une débroussailleuse n'était
pas constitutive d'une faute ayant nécessairement contribué
au dommage et si le maire ou son délégataire avait donné
les instructions et exercé une surveillance suffisantes pour l'éviter,
la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision
;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs : CASSE et ANNULE
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