Sujet : (Commentaire d’arrêt
)
Cour de cassation chambre criminelle
Audience publique du mardi 18 octobre 2011
N° de pourvoi: 11-80653
Non publié au bulletin
Rejet
Statuant sur les pourvois formés par : - M. Guy X..., - M. José
Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle,
en date du 25 novembre 2010, qui, pour homicide involontaire, a condamné
le premier à un an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé
sur les intérêts civils ;
Sur le pourvoi de M. X... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3,
221-6 du code pénal et 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
M. X... coupable d'homicide involontaire et l'a, en conséquence,
condamné à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis
;
"aux motifs que, sur l'action publique, le Dr X... ne conteste pas
les conditions de son intervention, à savoir ne pas avoir procédé
à l'interrogatoire d'usage concernant les antécédents
de M. Y..., n'avoir procédé qu'à un examen de la
zone endo-buccale et avoir adressé le patient au médecin
ORL ;
que si l'erreur de diagnostic n'est pas en elle-même constitutive
d'une faute pénale, le fait de ne pas avoir procédé
à un interrogatoire sur les antécédents médicaux
du patient et le fait de ne pas avoir procédé à un
examen médical complet, alors de surcroît qu'il s'agissait
d'une personne inconnue des services, présentant des douleurs diffuses
dans la zone du cou et du thorax, ayant des difficultés pour s'exprimer
et se faire comprendre, constituent des négligences graves et fautives
;
qu'en effet, le seul examen rapide superficiel et incomplet à l'exclusion
d'un examen clinique approfondi n'a pas permis de suspecter ou de diagnostiquer
la pathologie cardiaque et l'infarctus touchant M. Y... lors de sa venue
au service des urgences, service tout indiqué en l'espèce
et a retardé sérieusement la prise en charge adaptée
et les soins prodigués par la suite, lesquels n'ont pas permis
d'éviter le décès ;
que le lien de causalité entre le retard apporté au diagnostic
en amont et au traitement et le décès de M. Y... a été
qualifié de direct et certain par les trois experts désignés
par le magistrat instructeur, lesquels n'ont pas relevé de fautes
à la charge d'autres personnes dans la prise en charge ultérieure
;
qu'en n'observant pas les règles élémentaires et
déontologiques de la médecine qui imposent au praticien
de procéder à ces examens médicaux et à ce
questionnement, le Dr X... s'est placé dans une situation qui l'empêchait
d'établir un diagnostic éclairé ;
que cette désinvolture et ces négligences grossières
qualifiées de fautes médicales par les experts constituent
la faute caractérisée qui a contribué à créer
la situation qui a permis la réalisation du dommage au sens des
articles 121-3 et 221-6 du code pénal, étant observé
que le Dr X..., médecin expérimenté et conscient
des risques encourus, disposait des compétences et des moyens pour
exercer ses fonctions ; que les faits sont établis par les constatations
régulières des procès-verbaux et que l'infraction
est caractérisée en tous ses éléments ;
que c'est par une juste appréciation des faits et circonstances
de la cause, que les premiers juges ont à bon droit retenu le prévenu
dans les liens de la prévention ; qu'il convient donc de confirmer
le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité
et sur la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis qui constitue une
juste application de la loi pénale ; que la condamnation à
une peine d'amende n'apparaît pas justifiée en l'espèce
;
"1°) alors que l'erreur de diagnostic ne constitue pas une
faute pénale, dès lors qu'elle s'explique par la complexité
et l'équivoque des symptômes, ainsi que par la difficulté
de leur constatation et de leur interprétation ; qu'en décidant
néanmoins que le Dr X... avait commis une faute en s'abstenant
de procéder à un interrogatoire sur les antécédents
médicaux de M. Y... et à un examen médical complet,
après avoir pourtant constaté que l'examen réalisé
par le Dr X... ne lui avait pas permis de suspecter la pathologie cardiaque
et l'infarctus touchant M. Y... lors de sa venue aux urgences, ce dont
il résultait que le Dr X... n'avait pas commis de faute en s'abstenant
d'ordonner les examens qui auraient permis de faire apparaître cette
pathologie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié
sa décision ;
"2°) alors que le délit d'homicide involontaire suppose
l'existence d'un lien de causalité certain entre le fait reproché
et le décès ; que le délit n'est pas constitué
lorsque le fait reproché au médecin a fait perdre au patient
une chance de survie, sans le priver de toute chance de survie ; qu'en
décidant que le fait, pour le Dr X..., d'avoir commis une erreur
de diagnostic et d'avoir omis de procéder à un interrogatoire
sur les antécédents médicaux de M. Y... et à
un examen médical complet, constituait la cause du décès
de celui-ci, sans constater que ces manquements l'auraient privé
de toute chance de survie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié
sa décision ;
"3°) alors que, subsidiairement, en décidant que le lien
de causalité entre les négligences imputées au Dr
X... et le décès de M. Y... était direct, après
avoir pourtant constaté que le fait de ne pas avoir procédé
à un interrogatoire sur les antécédents médicaux
du patient et à un examen médical complet avait seulement
retardé la délivrance de soins appropriés, ce dont
il résultait que la faute reprochée au Dr X... n'avait pas
directement causé le décès de M. Y... et que sa responsabilité
pénale ne pouvait dès lors être engagée que
sur le fondement d'une faute caractérisée, la cour d'appel
n'a pas légalement justifié sa décision ;
"4°) alors que, à titre également subsidiaire,
le Dr X... soutenait que l'examen clinique qu'il avait pratiqué
lui avait permis de constater que M. Y... souffrait d'une pathologie ORL,
ce diagnostic ayant été confirmé par la suite par
le Dr Z..., médecin spécialiste ORL du centre hospitalier
de Béziers, de sorte que l'existence de cette pathologie ORL permettait
d'expliquer les symptômes présentés par M. Y... et
rendait le diagnostic d'infarctus difficile ; qu'en s'abstenant de répondre
à ce moyen, de nature à exclure la qualification de faute
caractérisée, la cour d'appel a exposé sa décision
à la censure" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de procédure que M. Y... est décédé à
l'âge de 68 ans, le 1er août 1998, à l'hôpital
de Béziers, d'un arrêt circulatoire en rapport avec un trouble
du rythme ventriculaire ou une rupture myocardique consécutive
à un infarctus ; que, le 23 juillet, souffrant de douleurs thoraciques
et à la gorge, il s'était présenté au service
des urgences de cet établissement où il avait été
examiné par le médecin de service, le docteur X..., qui,
après un examen endo-buccal, l'avait adressé à un
médecin ORL pour une inflammation de la gorge ; que, le lendemain,
devant des douleurs persistantes, il s'était rendu chez son médecin
traitant puis chez un cardiologue qui avait pratiqué un électrocardiogramme
révélant un infarctus du myocarde et avait demandé
son hospitalisation immédiate ; qu'à l'issue de l'information
ouverte sur la plainte de son fils, M. Y..., M. X... a été
renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire
; que le tribunal l'a déclaré coupable ; que le prévenu
a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt relève
que le fait de ne pas avoir procédé à un interrogatoire
sur les antécédents médicaux du patient et à
un examen médical complet, s'agissant d'une personne inconnue des
services, présentant des douleurs diffuses dans la zone du cou
et du thorax et ayant des difficultés pour s'exprimer et se faire
comprendre, constituent de la part du prévenu, médecin expérimenté
et disposant des compétences et moyens pour exercer ses fonctions,
des négligences graves et fautives qui l'ont empêché
d'établir un diagnostic éclairé ; que les juges ajoutent
que cette faute caractérisée a crée la situation
ayant permis la réalisation du dommage en ne permettant pas une
prise en charge susceptible d'éviter son décès ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il
résulte que le prévenu, qui n'a pas pris les mesures permettant
d'éviter le dommage, a commis une faute caractérisée
exposant autrui à un risque d'une particulière gravité
qu'il ne pouvait ignorer et qui entretient un lien de causalité
certain avec le décès de la victime, la cour d'appel a justifié
sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté
;
Et attendu que l'arrêt est régulier en forme ; REJETTE les
pourvois ;
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