Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 9 décembre 2010

N° de pourvoi: 09-72393
Publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., cycliste, a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société AGPM assurances (l'assureur) ; qu'il l'a fait assigner devant un tribunal de grande instance en indemnisation de son préjudice, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Brieuc ;

Attendu que les deux premières branches du premier moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, tel que reproduit en annexe :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme l'indemnisation de son préjudice ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les prétentions de M. X... relatives tant à des pertes salariales qu'à des pertes de revenus complémentaires au titre de l'exploitation du droit d'image et à un préjudice de reconversion comme kinésithérapeute reposent seulement sur des hypothèses de gains et que seule peut être indemnisée la perte de chance d'avoir pu poursuivre une carrière professionnelle éventuellement prometteuse dans le cyclisme ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve produits aux débats, la cour d'appel a pu juger que la reconversion comme kinésithérapeute ne constituait qu'un préjudice éventuel et incertain ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 211-9, dans sa rédaction alors applicable, L. 211-13 et L. 211-14 du code des assurances ;

Attendu qu'en application du premier de ces textes, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu, dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident, de présenter une offre d'indemnité à la victime qui subit une atteinte à sa personne ; qu'en application du deuxième, lorsque l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ; que, selon le troisième, si le juge qui fixe l'indemnité estime que l'offre proposée par l'assureur était manifestement insuffisante, il condamne d'office l'assureur à verser au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité allouée, sans préjudice des dommages-intérêts dus de ce fait à la victime ;
Attendu que, pour rejeter la demande tendant à voir assortir les condamnations prononcées contre l'assureur d'intérêts au double du taux légal à compter du 9 mars 2005, l'arrêt retient que l'appréciation du caractère manifestement insuffisant ou non de l'offre ne peut se faire que dans le cadre d'une demande de dommages-intérêts conformément à l'article L. 211-14 et non dans le cadre de l'article L. 211-13 du même code ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'une offre jugée manifestement insuffisante ou incomplète peut être assimilée à une absence d'offre et justifier l'application de l'article L. 211-13 du code des assurances, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité à la somme de 134.416,98 € l'indemnisation de M. X... au titre du préjudice résultant de sa blessure ;

Aux motifs, sur la perte de gains actuels, qu'« elle sera évaluée sur la base de 1524 € net par mois au vu de l'attestation délivrée par M. Y... le 20 avril 2008 complétant une attestation précédente, lequel expose avoir proposé une embauche ferme à M. X... comme coureur cycliste professionnel pour un salaire de 10 000 F par mois net pour les saisons 2002 et 2003 dans l'équipe cycliste professionnelle de Saint-Quentin OKTOS ;

1524 € x 15,5 = 23 622 € ;

que la demande formulée au titre des pertes de primes sur les courses repose sur des postulats à caractère général issus d'éléments fournis par des syndicats de cyclistes et des règlements d'unions cyclistes sur le nombre de courses annuelles, le nombre de coureurs et de prix ; qu'une telle demande ne peut être suivie faute de tout élément d'appréciation sur les primes ayant été réglées par le club de Saint-Quentin au cours des années 2002 et 2003 ; qu'il convient d'ajouter à la perte de gains la somme sollicitée de 526,07 € représentant la perte de l'indemnité de chômage entre le 21 novembre et le 31 décembre 2001 ; qu'après déduction de la créance sociales d'indemnités journalières il est dû à M. X... :

24 148,07 € - 3506,09 € = 20 641,98 € » (arrêt attaqué, p. 5, § 10 à p. 6, § 2) ;

Et aux motifs, sur la perte de gains professionnels futurs, que « M. X... expose avoir perdu sa profession de coureur cycliste d'un niveau exceptionnel attesté par un palmarès permettant, selon lui, de juger que sans l'accident il aurait effectué une carrière cycliste lui procurant des gains substantiels et lui offrant la possibilité de poursuivre une carrière de kinésithérapeute en fin de carrière ; qu'au mois de novembre 2001 le cursus professionnel de M. X... comporte un emploi de coureur cycliste du 1er janvier 2000 au 31 octobre 2000 par le club municipal d'Aubervilliers rémunéré à hauteur d'un traitement brut de 3500 F par mois, suivi après une inscription aux ASSEDIC à effet du 31 décembre 2000, d'une promesse d'embauche ferme comme coureur cycliste dans le club de Saint-Quentin, club de deuxième division ; que le palmarès de M. X... comporte entre 1993 et son embauche par le club d'Aubervilliers diverses victoires dans des championnats régionaux ainsi que son inscription dans la liste des athlètes de haut niveau validée par le Ministère de la jeunesse et des sports dans la catégorie espoirs entre 1998 et 2000 et dans la catégorie senior entre 2000 et 2001, M. X... ne figurant cependant pas en 2001 dans la catégorie des licenciés, et enfin un classement à la 107e place de l'union cycliste internationale en octobre 2000 ; que toutefois si ce palmarès pouvait être porteur de légitimes espoirs pour l'intéressé, M. X... ne se trouvait pas à l'époque de l'accident dont il a été dit victime à un stade d'évolution de sa carrière professionnelle permettant de fixer le montant de ses pertes de gains futurs à un montant comparable aux gains de coureurs professionnels reconnus sur les bases sollicitées par celui-ci ; qu'ainsi les prétentions de M. X... relatives tant à des pertes salariales qu'à des pertes de revenus complémentaires au titre de l'exploitation du droit d'image et à un préjudice de reconversion comme kinésithérapeute, reposant seulement sur des hypothèses de gains, ne peuvent être satisfaites ; qu'en l'espèce seule peut être indemnisée la perte de chance d'avoir pu poursuivre une carrière professionnelle éventuellement prometteuse dans le cyclisme, perte pour laquelle la cour estime devoir allouer, au regard des éléments d'appréciation qui lui ont été soumis, la somme de 50 000 € » (arrêt attaqué, p. 6, § 9 à p. 7, § 2) ;

Alors d'une part que la réparation du préjudice doit être intégrale ; qu'en limitant l'indemnisation de M. X... au titre de la perte de gains professionnels postérieure à la consolidation de son état, fixée au 13 avril 2003, à la somme de 50.000 € correspondant à une perte de chance de poursuivre une carrière professionnelle prometteuse, quand elle relevait par ailleurs que l'embauche ferme de l'intéressé au sein de l'équipe cycliste professionnelle Oktos-Saint-Quentin portait sur les saisons 2002 et 2003, soit sur une période s'étendant au-delà de la date précitée du 13 avril 2003, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Alors d'autre part que la réparation de la perte d'une chance, si elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance dans l'hypothèse où elle se serait réalisée, doit cependant être mesurée à l'aune de la chance réellement perdue ; que, dans ses conclusions d'appel signifiées le 6 avril 2009 (p. 38 et 39), M. X... faisait valoir que jusqu'à l'accident, sa progression dans l'élite du cyclisme français le plaçait au même niveau que des coureurs figurant désormais au premier plan de la scène cycliste nationale, à savoir Thomas Z..., Sylvain A..., Sandy B... et Sébastien C... ; qu'il faisait également observer qu'à la même époque, sa position dans le classement de l'Union cycliste internationale était identique à celle de coureurs cyclistes étrangers devenus depuis lors des compétiteurs de renom, tels que Kim D..., Alexandre E..., Ramon F... ou Luca G... (conclusions précitées, p. 20 trois derniers §) ; qu'en limitant à la somme de 50.000 € l'indemnisation au titre de la perte de chance de poursuivre une carrière professionnelle prometteuse, sans s'expliquer sur les éléments ainsi mis en avant par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Alors enfin que, dans ses conclusions signifiées le 6 avril 2009 (p. 44, § 4 à p. 45, pénultième §), M. X... faisait valoir que l'exécution de son contrat de coureur cycliste professionnel au sein de l'équipe Oktos-Saint-Quentin, si elle n'avait pas été rendue impossible par l'accident, lui aurait permis de remplir les conditions pour pouvoir intégrer une école de kinésithérapie en bénéficiant de la dispense de concours d'admission réservée aux sportifs de haut niveau ; qu'en refusant de réparer le préjudice résultant, pour M. X..., de la privation d'une telle facilité de reconversion professionnelle, au motif inopérant que les prétentions de ce dernier au titre de la perte de revenus futurs reposaient seulement sur des hypothèses de gains, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à voir assortir les condamnations prononcées à l'encontre de la société A.G.P.M. assurances d'intérêts au double du taux légal à compter du 9 mars 2005 ;

Aux motifs que « cette demande doit être rejetée en l'état de l'existence d'une offre de la société AGPM dans le délai prévu à l'article L. 211-9 du code des assurances, soit le 4 mars 2005, 2 mois après que cette compagnie ait eu connaissance du rapport de l'expert ; que l'appréciation du caractère manifestement insuffisant ou non de l'offre ne peut se faire que dans le cadre d'une demande de dommages et intérêts conformément à l'article L. 214-14 du code des assurances et non dans le cadre de l'article L. 221-13 de ce même code » (arrêt attaqué, p. 7, § 6) ;

Alors que, selon l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime ayant subi une atteinte à sa personne une offre d'indemnisation, serait-ce à titre provisionnel, dans le délai de huit mois à compter de l'accident ; qu'en cas de non-respect de ce délai, l'indemnité allouée par le juge à la victime produit, selon l'article L. 211-13 du code des assurances, intérêts de plein droit au double du taux légal à compter de l'expiration du délai outrepassé ;
qu' après avoir relevé que l'accident dont M. H... avait été victime s'était produit le 20 novembre 2001, ce qui portait la date-butoir du délai dans lequel l'offre de l'assureur devait être formulée au 20 juillet 2002, de telle sorte que l'offre d'indemnisation de la société A.G.P.M. assurances faite que le 4 mars 2005 était tardive, la cour d'appel, quia néanmoins refusé d'appliquer la sanction susvisée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 211-9 et L. 211-13 précités ;

Alors en tout état de cause que l'offre d'indemnisation qu'il incombe à l'assureur de présenter dans les délais impartis à l'article L. 211-9 du code des assurances doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice, sous la sanction prévue à l'article L. 211-13 du même code ; qu'au cas présent, l'offre faite le 4 mars 2005 par la société A.G.P.M. assurances ne comprenait aucune indemnité pour les dépenses médicales engagées, la perte de revenus pendant la période d'I.T.T., l'incidence professionnelle de l'I.P.P., le préjudice d'agrément, et le préjudice matériel lié aux frais de réparation du vélo endommagé ; qu'en refusant néanmoins d'assortir les condamnations prononcées contre la société A.G.P.M. d'intérêts au double du taux légal, au motif erroné que l'appréciation du caractère manifestement insuffisant ou non de l'offre n'aurait pu se faire que dans le cadre d'une demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 211-14 du code des assurances, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 précités.

Publication : Bulletin 2010, II, n° 201

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du mercredi 3 décembre 1997

N° de pourvoi: 96-11046
Publié au bulletin Rejet.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 27 novembre 1995), que Mme Y... a été blessée dans un accident de la circulation alors qu'elle était passagère du véhicule conduit par M. X... ; qu'elle a assigné celui-ci et son assureur, la compagnie Préservatrice foncière, en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné la compagnie Préservatrice foncière à payer au Fonds de garantie une somme en application de l'article L. 211-14 du Code des assurances, alors, selon le moyen, que l'absence totale d'offre assimilable à l'offre tardive relève des seules dispositions de l'article L. 211-13 du Code des assurances qui prévoit comme sanction le double du taux de l'intérêt légal de l'indemnité allouée ; que l'article L. 211-14 relatif à l'offre manifestement insuffisante dont la sanction est la condamnation de l'assureur à verser au Fonds de garantie une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité allouée, est inapplicable en cas d'offre tardive ou d'absence d'offre ; qu'en l'espèce, après avoir condamné la Préservatrice foncière au doublement du taux de l'intérêt légal pour défaut d'offre, la cour d'appel a condamné cette compagnie à verser d'office une somme de 50 000 francs au Fonds de garantie, au prétexte erroné qu'une absence d'offre constituerait une offre manifestement insuffisante ; qu'en statuant ainsi, alors que l'absence d'offre relevait de seules dispositions applicables à l'offre tardive, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 211-13 et L. 211-14 du Code des assurances ;

Mais attendu que la cour d'appel retient exactement que l'absence d'offre constitue une offre manifestement insuffisante, au sens de l'article L. 211-14 du Code des assurances, dont elle a fait application sans préjudice de celle des dispositions de l'article L. 211-13 du même Code ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 1997 II N° 289 p. 172