Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 28 avril 1998

N° de pourvoi: 96-20421
Publié au bulletin Cassation.

Attendu que Mme X..., imputant sa séropositivité à des transfusions sanguines qu'elle pensait avoir subies à l'occasion d'accouchements, a d'abord saisi le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés, qui a rejeté sa demande en raison de l'absence de preuve de telles transfusions ; que Mme X... a alors demandé à la juridiction des référés d'ordonner une expertise, qui a permis d'établir qu'elle avait, en réalité, été contaminée par du plasma utilisé lors de l'exérèse d'un kyste ; qu'elle a alors engagé une action en réparation de son préjudice contre le Centre régional de transfusion sanguine de Bordeaux, fournisseur du plasma vicié, et son assureur, la Mutuelle d'assurances du corps sanitaire français ;
Sur le premier moyen :

Vu l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ;

Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la demande de Mme X... tendant à la réparation du préjudice né de sa contamination au motif qu'elle n'était plus recevable après la saisine du Fonds à poursuivre la réparation du même préjudice devant les juridictions de droit commun ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 n'interdît pas aux victimes dont la demande d'indemnisation a été rejetée par le Fonds d'engager une action devant les juridictions du droit commun, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;

Sur le second moyen :

Vu les articles 1147 et 1384, alinéa premier, du Code civil, interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 24 juillet 1985 ;

Attendu que tout producteur est responsable des dommages causés par un défaut de son produit, tant à l'égard des victimes immédiates que des victimes par ricochet, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elles ont la qualité de partie contractante ou de tiers ;

Attendu que le mari et les enfants de Mme X... avaient demandé à la cour d'appel l'indemnisation du préjudice moral subi par eux du fait de la contamination de leur épouse et mère, mais que l'arrêt attaqué, tout en retenant que Mme X... avait bien été contaminée par la virus de l'immunodéficience humaine à l'occasion d'une transfusion de plasma lyophilisé fourni par le Centre régional de transfusion sanguine de Bordeaux, lequel n'établissait pas l'existence d'une cause étrangère exonératoire de sa responsabilité, les a néanmoins déboutés de leur demande au motif qu'ils ne rapportaient pas le preuve d'une faute commise par ce centre en relation de causalité avec leur préjudice ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu à cassation sans renvoi tant du chef de compétence de la cour d'appel pour statuer sur la demande de Mme X... que sur la responsabilité du Centre vis-à-vis de tous les demandeurs au pourvoi, la Cour de Cassation pouvant mettre fin au litige de ces chefs en appliquant la régle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin 1998 I N° 158 p. 104