Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du lundi 25 mars 1991

N° de pourvoi: 88-15973
Publié au bulletin Rejet.

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X... a volontairement incendié le salon de coiffure appartenant à sa nièce, Sabrina X... ; qu'il a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu pour état de démence au moment des faits ; qu'assigné en responsabilité devant la juridiction civile, il a appelé en garantie la compagnie Mutuelles des provinces de France auprès de laquelle avait été souscrite une police " assurance incendie ou multirisques habitation " ; que l'assureur a sollicité sa mise hors de cause au motif, notamment, que M. X..., qui avait minutieusement préparé son acte, avait eu l'intention de provoquer le dommage, de sorte que l'incendie ne constituait pas un " accident " couvert par l'assurance ;

Attendu que les Mutuelles des provinces de France font grief à la cour d'appel (Angers, 27 avril 1988) de les avoir condamnées à garantie alors, selon le moyen, d'abord, qu'en se fondant, pour rejeter leur argumentation, sur l'ordonnance de non-lieu qui, selon ses propres constatations, n'avait pas l'autorité de la chose jugée, sans rechercher elle-même si les élements de la cause ne révélaient pas le caractère intentionnel de l'acte commis par M. X..., elle a violé l'article 1351 du Code civil et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances et 1134 du Code civil ; alors, ensuite, qu'elle a laissé sans réponse les conclusions par lesquelles elles faisaient valoir que M. X... avait agi avec une détermination et une préméditation qui révélaient le caractère intentionnel de son geste ; alors, enfin, qu'en se bornant à retenir que l'incendie, pourtant minutieusement préparé par M. X..., constituait un événement indépendant de la volonté de l'assuré puisque ce dernier n'avait pas agi sous l'empire d'une volonté libre, alors que l'article 26 des conditions générales de la police ne garantissait que les seuls faits constitutifs d'un accident défini comme un événement soudain et imprévu pour son auteur, elle a encore violé l'article 1351 et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'il n'est pas interdit au juge civil de retenir, au titre des présomptions graves, précises et concordantes que l'article 1353 du Code civil laisse à son appréciation, les éléments puisés dans la procédure pénale et qui ont pu motiver également la décision du juge d'instruction ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les Mutuelles des provinces de France dans le détail de leur argumentation, a estimé souverainement que M. X... était atteint, au moment des faits, de troubles mentaux ; qu'elle en a exactement déduit que l'incendie n'était pas intentionnel et constituait un " accident " selon la définition donnée par l'article 2.F des conditions générales de la police ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Publication : Bulletin 1991 I N° 106 p. 70
RJDA 1991 n° 479