Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 5 mars 2015

N° de pourvoi: 14-13292
Publié au bulletin Cassation

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que l'obligation, pour le médecin, de donner au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science comporte le devoir de se renseigner avec précision sur son état de santé, afin d'évaluer les risques encourus et de lui permettre de donner un consentement éclairé ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., souffrant depuis l'enfance de céphalées, a subi, en 1988, un examen révélant une malformation artério-veineuse, traitée au sein de la Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild (la fondation), puis par radiothérapie ; qu'à la suite de nouveaux bilans confirmant la présence d'un angiome résiduel et d'une hémianopsie partielle, l'exérèse d'une partie du lobe occipital droit permettant l'ablation totale de cette malformation a été pratiquée le 23 septembre 1998 par M. Y..., chirurgien salarié de la fondation ; que, dans les suites immédiates de l'intervention, une dégradation de l'acuité visuelle de la patiente est survenue, accompagnée d'une double hémianopsie latérale complète ; que Mme X... a assigné la fondation en réparation de ses préjudices ;

Attendu que pour rejeter la demande de Mme X... en indemnisation de ses préjudices corporels, l'arrêt retient que l'indication opératoire était justifiée et qu'aucune faute ne peut être reprochée à M. Y... dans le geste chirurgical, compte tenu de la localisation anatomique de la malformation dans le lobe occipital du cerveau, siège de la vision, ni dans la technique mise en oeuvre qui était la seule possible ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'avant l'intervention, le chirurgien croyait, à tort, que Mme X... était déjà atteinte d'une hémianopsie complète, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

 

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 28 janvier 2010

N° de pourvoi: 09-10992
Publié au bulletin Cassation partielle

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, ensemble l'article 16-3 du code civil ;

Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, le médecin répond, en cas de faute, des conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'il accomplit et, en vertu du second, qu'il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui ;

Attendu que pour limiter la condamnation de M. X... à l'indemnisation de certains dommages subis par Mme Y..., la cour d'appel retient qu'en raison de la violation de son devoir d'information par le médecin, celle-ci a perdu une chance d'éviter l'opération chirurgicale incriminée ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait retenu que les préjudices dont Mme Y... avait été victime découlaient de façon directe, certaine et exclusive d'une intervention chirurgicale mutilante, non justifiée et non adaptée, de sorte qu'ils ouvraient aussi droit à réparation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 16 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance, l'arrêt rendu le 24 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Blanc, avocat aux Conseils pour Mme Y....

Il est reproché à l'arrêt d'avoir réformé le jugement en ce qu'il avait condamné le docteur X... à payer à Madame Y... diverses sommes en réparation de son incapacité temporaire totale et partielle, de son pretium doloris et de son incapacité permanente,

Aux motifs que le professeur A...avait estimé que le docteur X... avait fait une intervention mutilante, inutile, inadaptée à la pathologie et avait réuni toutes les conditions opératoires d'un échec ; qu'à la suite de cette intervention non justifiée et inadaptée, Madame Y... avait subi un certain nombre de préjudices ; que de l'intervention chirurgicale incriminée découlaient directement, certainement et de manière exclusive une incapacité temporaire d'un mois et une incapacité temporaire partielle de 15 %, une incapacité permanente partielle et un pretium doloris chiffré à 3 / 7 ; que le docteur X... n'avait pas démontré avoir informé Madame Y... des risques de l'opération pratiquée ; que le préjudice subi par Madame Y... en raison de la violation de son devoir d'information par le docteur X... devait s'analyser en une perte de chance d'éviter l'opération chirurgicale ; que le premier juge ne pouvait donc, sans procéder à une double indemnisation, lui allouer à la fois la somme de 5000 euros en réparation de la perte de chance liée au défaut d'information et celle de 10600 euros au titre de la réparation intégrale de son préjudice corporel ; que pour parvenir à l'indemnisation du préjudice de Madame Y..., il convenait de reconstituer celui-ci en tous ses éléments et d'y affecter la proportion de perte de chance d'en éviter la réalisation ; qu'au vu des circonstances, la réparation de la perte de chance serait fixée à 16. 000 euros ;

Alors que 1°) le chirurgien répond de toutes les conséquences dommageables de ses fautes ; qu'en n'ayant pas ordonné la réparation des préjudices causés par « l'intervention mutilante, inutile et inadaptée à la pathologie » pratiquée par le docteur X..., à l'origine de fautes distinctes de celle tirée du manquement au devoir d'information, la cour d'appel a violé les articles L 1142-1 du code de la santé publique et 1147 du code civil ;

Alors que 2°) le juge doit assurer à la victime l'indemnisation intégrale des préjudices dont il a constaté l'existence ; que la cour d'appel, qui a constaté que « de l'intervention chirurgicale incriminée découlaient de façon directe, certaine et exclusive » des dommages à hauteur de 17. 000 euros, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1149 du code civil ;

Publication : Bulletin 2010, I, n° 20
D. 2010. 1522, note P. Sargos ;
RDSS 2010. 375, obs. F. Arhab-Girardin ;
Constitutions 2010. 304, obs. X. Bioy