Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 6 novembre 2012

N° de pourvoi: 11-86857
Publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Loïc X..., civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre spéciale des mineurs, en date du 20 juillet 2011, qui, dans la procédure suivie contre Florian X... pour destruction du bien d'autrui par incendie volontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1384 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, de la loi du 4 mars 2002, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Loïc X... à payer à la communauté de communes du Petit Caux, solidairement avec M. Florian X... et Mme Y..., la somme de 3 765 771 euros ;

"aux motifs que M. Loïc X... et Mme Y... ont divorcé par jugement du 1er septembre 1999, chacun des parents conservant conjointement l'autorité parentale sur les enfants mineurs ; que la résidence des enfants a été fixée au domicile de la mère, Mme Y..., tandis que le père, M. Loïc X..., s'est vu réserver un droit de visite et d'hébergement ; par l'autorité parentale conjointe, chacun des parents a la charge d'organiser et de contrôler le mode de vie et la prise en charge éducative du mineur ; que la résidence habituelle de l'enfant chez un de ses deux parents n'empêche pas l'autre d'exercer la plénitude de son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation, attributs de l'autorité parentale ; qu'ainsi, face à cette autorité parentale conjointe, la responsabilité civile des deux parents est mise en jeu ; il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. Loïc X... et Mme Y... civilement responsables des actes de leur enfant mineur Florian » ;

"et aux motifs adoptés qu'il résulte de l'article 1384 du code civil que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ; que la responsabilité du parent chez lequel est fixé la résidence habituelle de l'enfant est systématiquement engagée ; que la responsabilité de l'autre parent, dès lors qu'il exerce aussi l'autorité parentale, est également engagée du fait de l'application de la loi du 4 mars 2002 ; que la responsabilité de plein droit des deux parents découle en effet de l'essence même de l'autorité parentale dont ils sont investis ; qu'en l'espèce, l'autorité parentale est exercée conjointement par Mme Y... et M. Loïc X... à l'égard de Florian ; qu'au demeurant, il peut être souligné que les faits reprochés à Florian X... se sont déroulés un 3e week-end du mois, date à laquelle M. Loïc X... bénéficiait de l'exercice de son droit de visite et d'hébergement à l'égard de Florian ; que la responsabilité civile des deux parents est par conséquent engagée pour les actes causés par Florian X..., mineur au moment des faits ;

"1°) alors que, un parent n'est responsable des dommages causés par son enfant mineur qu'à la condition qu'il cohabite avec lui ; que cette condition n'est pas remplie lorsqu'un jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant chez l'autre parent ; que la cour d'appel a relevé que la résidence de l'enfant mineur en cause avait été fixée judiciairement au domicile de la mère tandis que le père s'était vu réserver un simple droit de visite et d'hébergement ; qu'en considérant toutefois que la responsabilité du père devait être engagée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors que, un parent n'est responsable des dommages causés par son enfant mineur qu'à la condition qu'il cohabite avec lui ; que cette condition n'est pas remplie lorsqu'un jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant chez l'autre parent, peu important à cet égard que l'autorité parentale soit exercée conjointement ; que la loi du 4 mars 2002 n'a pas modifié ces principes ; qu'en énonçant que la responsabilité du parent chez lequel est fixée la résidence habituelle de l'enfant est systématiquement engagée et que la responsabilité de l'autre parent, dès lors qu'il exerce aussi l'autorité parentale est également engagée du fait de l'application de la loi du 4 mars 2002, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"3°) alors que, subsidiairement, la cohabitation de l'enfant avec ses père et mère visée par l'article 1384, alinéa 4, du code civil résulte de la résidence habituelle de l'enfant au domicile des parents ou de l'un deux ; que l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement ne fait pas cesser la cohabitation du mineur avec celui des parents chez lequel sa résidence est fixée ; qu'en considérant que la responsabilité de M. Loïc X..., père du mineur Florian, à l'origine des faits dommageables, devait être engagée de plein droit, dès lors qu'il exerçait son droit de visite et d'hébergement sur ce dernier à la date des faits, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"4°) alors que, encore plus subsidiairement, les juges doivent répondre aux moyens péremptoires des conclusions qui leur sont soumises ; que dans ses conclusions soutenues à oralement, M. Loïc X... faisait valoir que les faits dommageables avaient été commis dans la nuit du 16 mai 2008 et que ce n'est que le samedi à 14 heures que débutait l'exercice du droit de visite et d'hébergement de M. Loïc X... ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;

Vu l'article 1384, alinéa 4, du code civil ;

Attendu qu'en cas de divorce, la responsabilité de plein droit prévue par le quatrième alinéa de ce texte incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Florian X..., mineur de 13 ans, dont les parents ont divorcé, a provoqué l'incendie et la destruction totale d'un gymnase en mettant le feu à une bâche ; que le tribunal pour enfants l'a définitivement reconnu coupable d'incendie volontaire ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné le mineur, solidairement avec son père et sa mère, à des réparations civiles, l'arrêt, après avoir énoncé que le jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, attribué un droit de visite et d'hébergement au père et conservé à chacun des parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale, retient que la résidence habituelle de l'enfant chez un de ses deux parents ne fait pas obstacle à ce que l'autre exerce la plénitude de son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation, de sorte que la responsabilité civile des deux parents, titulaires de l'autorité parentale conjointe, est engagée ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée ne peut, sans faute de sa part, être engagée, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs, sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation proposé :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 20 juillet 2011, en ses seules dispositions ayant déclaré M. Loïc X... civilement responsable de son fils mineur et l'ayant condamné in solidum à indemniser la partie civile, toutes autres dispositions étant expréssement maintenues ;


Analyse

Publication : Bulletin criminel 2012, n° 241

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 29 avril 2014

N° de pourvoi: 13-84207
Publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

Statuant sur le pourvoi formé par :- La société MAAF assurances, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre spéciale des mineurs, en date du 2 mai 2013, qui, dans la procédure suivie contre Dylan X... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1382, 1383, 1384 du code civil, 2, 3, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y..., assuré auprès de la MAAF, civilement responsable de son fils Dylan X... ;

"aux motifs que selon le jugement rendu le 17 mars 2009 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Laon les parents M. Y... et Mme X... exercent en commun l'autorité parentale à l'égard de leurs six enfants dont Dylan, la résidence des enfants étant fixée chez la mère, le père se voyant accorder un droit de visite et d'hébergement à l'égard des enfants les première, troisième, et cinquième fins de semaine de chaque mois du samedi à 14 heures au dimanche à 19 heures, la première moitié des congés scolaires les années paires et la seconde moitié des congés scolaires les années impaires ; que les faits se déroulés le 13 avril 2011, soit à une date hors congés scolaires dans l'Académie d'Amiens zone B les congés de printemps débutant le samedi 16 avril 2011 et le 13 avril 2011 étant le mercredi précédant ; que cependant il y a lieu de retenir la responsabilité de M. Y... ; qu'en effet, M. Y..., père de Dylan X... et exerçant en commun avec Mme X... l'autorité parentale sur lui et devant donc en répondre s'est totalement désintéressé de son enfant au point de ne pas exercer son droit de visite et d'hébergement pendant plusieurs années, de ne pas prendre de nouvelles de celui-ci, et a ainsi hormis la procédure dans laquelle il risquait de se voir condamner à payer une pension alimentaire, été totalement absent de la vie de son fils alors qu'il était tenu tout autant que la mère d'éduquer l'enfant commun, étant observé que depuis les faits il a perduré dans cette attitude en ne se présentant à aucun des stades de la procédure malgré les citations ; que ce comportement fautif du père a un lien direct avec le comportement délictuel de Dylan et les faits pour lesquels celuici a été condamné : en effet, selon notamment l'expertise psychiatrique du 5 mars 2012 du docteur Michel Z... : petit, Dylan était proche de son père, qui bricolait, réparait plein de choses ensemble avec lui, l'emmenant faire du quad avec lui, les parents se séparant alors que Dylan âgé de dix ans était en CM1, qu'au départ le père prenait les enfants, appelait également au téléphone puis progressivement n'est plus venu les prendre et n'a plus donné de nouvelles et il apparaît au vu des pièces du dossier que c'est essentiellement à partir de cette période que Dylan a commencé à présenter des difficultés scolaires avec d'abord un certain désintérêt scolaire puis une opposition, à laquelle sa mère n'a, seule, pu faire face ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu de dire que le jugement de première instance ne saurait être rendu opposable à l'encontre de la MAAF qui restera tenue à garantie de son assuré responsable civilement M. Y..., père de Dylan X..., dont M. Y... doit répondre en ce qu'exerçant l'autorité parentale et bénéficiant d'un droit de visite et d'hébergement il n'a aucunement exercé son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation de Dylan, qui poursuit ses études en France conformément aux conditions générales du contrat d'assurance régulièrement communiqué par la MAAF, le jugement étant confirmé de ces chefs ;

"1°) alors que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée ne peut, sans faute de sa part, être engagée ; qu'en retenant la responsabilité de M. Y... sur le fondement de l'article 1384 du code civil, après avoir pourtant relevé que la résidence de l'enfant mineur en cause avait été fixée judiciairement au domicile de la mère tandis que le père s'était vu réserver un simple droit de visite et d'hébergement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors, et en toute hypothèse que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée ne peut, sans faute de sa part, être engagée ; et que la juridiction répressive est incompétente pour rechercher si le civilement responsable, cité en cette qualité, a commis une faute personnelle au sens de l'article 1382 du code civil ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de M. Y... pour avoir commis une faute personnelle en n'exerçant pas « son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation de Dylan », la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3°) alors, et en tout état de cause, que la responsabilité du fait personnel suppose un rapport de causalité direct et certain entre la faute et le dommage ; qu'en ne caractérisant pas en quoi les difficultés scolaires et l'opposition de Dylan X..., imputables selon elle à l'attitude de M. Y... qui n'aurait pas exercé son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation de son fils, auraient un lien de causalité direct et certain avec l'incendie certes dramatique mais accidentel d'une grange, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Vu les articles 1384, alinéa 4, du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale ;

Attendu que la responsabilité de plein droit prévue par le premier de ces textes incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale et aurait commis une faute civile personnelle dont l'appréciation ne relève pas du juge pénal ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Dylan X..., mineur de 14 ans, a mis le feu à de la paille dans un hangar agricole, causant ainsi la mort de Jonathan A... ; que le tribunal pour enfants l'a définitivement reconnu coupable d'homicide involontaire ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné le mineur, in solidum avec son père et sa mère, cités en qualité de civilement responsables, à des réparations civiles, l'arrêt, après avoir énoncé que le jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, attribué un droit de visite et d'hébergement au père et conservé à chacun des parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale, retient le comportement fautif du père qui s'est désintéressé de son enfant et n'a aucunement exercé son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation de celui-ci ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la résidence habituelle de l'enfant mineur était judiciairement fixée au domicile de la mère, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que,
n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans
renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation
judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 2 mai 2013, en ses seules dispositions ayant déclaré M. Nicolas Y... civilement responsable de son fils mineur, l'ayant condamné in solidum à indemniser la partie civile et ayant déclaré la décision commune à la MAAF et condamné celle-ci aux dépens, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, ;
Analyse

Publication : Bulletin criminel 2014, n° 116