Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 3 mars 2010
N° de pourvoi: 08-21056 08-21057
Publié au bulletin
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 septembre 2008), que, par
acte notarié reçu le 25 juillet 2002 par M. X..., notaire, Mme
Y... et Mme Z... ont vendu à Mme A..., par l'intermédiaire de
l'agence Era Immobilier (société Pyrénées Immo),
une maison située à Hibarette moyennant le prix de 74 786, 31
euros ; que, par acte sous seing privé du 29 janvier 2003, Mme A... a
revendu la maison à Mme B... moyennant le prix de 89 000 euros ; que
l'acte authentique devait être passé le 15 avril 2003 au plus tard
; que le 7 février 2003, M. C..., notaire chargé de la rédaction
de l'acte authentique, a adressé un questionnaire sur la situation de
l'immeuble au maire de la commune d'Hibarette, qui l'a retourné avec
la mention " oui " à la rubrique " zone inondable "
; que sur interrogation du notaire, le maire a précisé avoir répondu
par l'affirmative à cette question parce que la maison avait été
plusieurs fois inondée et non pas parce qu'elle se trouvait en zone inondable
par décision administrative ; que Mme A... a assigné ses vendeurs,
le notaire rédacteur de l'acte et l'agence immobilière en nullité
de la vente du 25 juillet 2002 et paiement de dommages-intérêts
;
Sur le premier moyen du pourvoi n° C 08-21. 056, le premier moyen du pourvoi
n° D 08-21. 057 et le moyen unique des pourvois provoqués, réunis
:
Attendu que Mme Z..., la société civile professionnelle E...-
X..., notaire et Mme X..., notaire, font grief à l'arrêt de dire
nulle la vente intervenue le 25 juillet 2002, de condamner Mme Z... en son nom
personnel et ès qualités d'héritière de Mme Y...,
à payer à Mme A... la somme de 75 448, 13 euros et de condamner
M. X... et la société civile professionnelle E...- X... à
payer in solidum avec Mme Z... la somme de 8 762 euros alors, selon le moyen
:
1° / que le dol doit être prouvé et il appartient aux juges
de caractériser la réticence dolosive ; que Mme Z... versait aux
débats une attestation de Mme D... mentionnant que Mme A... avait été
parfaitement informée des inondations ayant eu lieu en 1988 et 2001 et
qu'elle avait ainsi acquis le bien immobilier en parfaite connaissance de cause
; que pour considérer que la réticence dolosive était constituée,
la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les vendeurs
connaissaient l'existence de ces sinistres et que l'attestation de Mme D...,
responsable de l'agence immobilière, ne pouvait être retenue ;
qu'en déduisant ainsi la réticence dolosive de Mme Z... du seul
fait que l'attestation de Mme D... selon laquelle Mme A... avait eu une parfaite
connaissance des inondations lors des visites des lieux, ne pouvait être
retenue, quand Mme A... n'a jamais démenti la relation très précise
faite par Mme D... des deux visites qu'elle a faites sur les lieux et des informations
qui lui ont été données, la cour d'appel n'a caractérisé
aucun élément propre à établir la réticence
dolosive de Mme Z... et a ainsi privé sa décision de base légale
au regard de l'article 1116 du code civil ;
2° / que pour être constitué, le dol qui est un délit
civil, doit reposer sur un élément intentionnel ; qu'à
aucun moment de la procédure, Mme A... n'a fait valoir que Mme Z... lui
avait intentionnellement dissimulé l'existence des inondations ; qu'en
se bornant à énoncer que « la réticence dolosive
est constituée, les consorts Y... ayant dissimulé cet élément
à l'appelante qui n'aurait pas acquis un tel immeuble si elle l'avait
connu, les inondations étant un phénomène naturel suffisamment
grave pour ?décourager tout acquéreur éventuel »,
sans faire apparaître le caractère intentionnel de la réticence
dolosive imputée à Mme Z..., la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil
;
3° / que le principe suivant lequel « nul ne peut ne se constituer
de preuve à lui-même » n'est pas applicable à la preuve
des faits juridiques ; qu'en opposant ce principe à Mme Z... et à
la société Pyrénées Immo pour écarter l'attestation
de Mme D... selon laquelle Mme A... avait eu une parfaite connaissance des inondations
lors des visites des lieux, quand, s'agissant d'un fait juridique, la preuve
d'une information de l'acquéreur pouvait résulter de l'attestation
de l'agent immobilier par l'intermédiaire duquel la vente avait été
conclue, sans qu'il importe que ce dernier ait été également
tenu de délivrer l'information prétendument celée, la cour
d'appel a violé l'article 1315, alinéa 2, du code civil ;
4° / que si le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de
l'efficacité de l'acte qu'il confectionne cette obligation n'inclut pas
celle d'informer les parties de circonstances dont elles ont déjà
connaissance ; qu'en affirmant qu'il appartenait au notaire d'avertir l'acquéreur
du risque d'inondation de la maison qu'elle venait d'acquérir quand il
résulte de l'attestation de Mme D..., que la cour d'appel a cru pouvoir
écarter par des motifs erronés, que Mme A... avait eu une parfaite
connaissance des inondations lors des visites des lieux, de sorte que le notaire
n'était, en tout état de cause, tenu à aucune information
relative à ce risque, la cour d'appel a violé l'article 1382 du
code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'immeuble avait été
inondé au minimum à deux reprises en 1988 et 2001, que les vendeurs
connaissaient l'existence de ces sinistres et, abstraction faite d'un
motif erroné mais surabondant relatif au principe selon lequel nul ne
peut se faire de preuve à soi-même, inapplicable à la preuve
des faits juridiques, que l'attestation de Mme D..., responsable de l'agence
immobilière, ne pouvait à elle seule démontrer que le vendeur
avait prévenu l'acquéreur des risques d'inondation et retenu que
les vendeurs avaient dissimulé cet élément à Mme
A... qui n'aurait pas acquis un tel immeuble si elle l'avait connu,
la cour d'appel qui a caractérisé l'existence d'une réticence
dolosive, a légalement justifié sa décision de
ce chef ;
...
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° D 08-21. 057, ci-après
annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu que l'attestation de Mme D..., responsable
de l'agence immobilière, ne pouvait à elle seule démontrer
que le vendeur avait prévenu l'acquéreur des risques d'inondation,
la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une
recherche que ses propres constatations rendaient inopérante, a légalement
justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois ;
Publication : Bulletin 2010, III, n° 52