Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 26 juin 2002

N° de pourvoi: 00-19616
Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique du pourvoi n° X 00-19.616 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2000), que la société civile immobilière La Vigne blanche, aux droits de laquelle vient la société civile immobilière Les Domaines de l'Ile-de-France (SCI), maître de l'ouvrage, assurée par la compagnie Les Assurances générales de France (AGF), ayant entrepris des travaux d'isolation en façades d'immeubles, par application d'un procédé fabriqué par la société Miplacol, depuis lors en redressement judiciaire, assurée par la compagnie La Préservatrice Foncière, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Sige, devenue Serequip, également assurée par les AGF, qui a sous-traité son lot à la société Serequip Versailles, assurée par les compagnies La Lilloise d'assurances (La Lilloise) et Union des assurances de Paris (UAP), et le contrôle de la société CEP, aux droits de laquelle vient le Bureau Veritas, a chargé des travaux la société SAR, aux droits de laquelle vient la société SEE B... (société B... ), assurée par La Préservatrice Foncière, l'entreprise Churoux revêtements (entreprise Churoux), depuis en liquidation judiciaire ayant M. X... comme liquidateur, assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), et la société SISAP, en redressement judiciaire avec MM. C... et Y... pour administrateur et représentant des créanciers, assurée par la compagnie Axa, aux droits de l'UAP ; que des fissurations étant apparues, la SCI a assigné en réparation les locateurs d'ouvrage et leurs assureurs ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande fondée sur la garantie décennale, alors, selon le moyen :

1 ) que constitue la réalisation d'un ouvrage couvert par le régime de la garantie décennale la mise en place, à l'occasion de travaux de rénovation d'un immeuble, d'un revêtement étanche assurant une fonction d'imperméabilisation de la façade, peu important que ce produit ait été conçu pour assurer également l'isolation thermique de l'immeuble ;

qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil par défaut d'application ;

2 ) qu'en matière de garantie décennale d'un ouvrage sur existant, c'est l'ouvrage neuf, et non l'existant, qui doit être affecté d'un vice prévu par l'article 1792 ; que, dès lors, en tirant argument, pour écarter en l'espèce l'application de ce régime, du fait que les fissurations infiltrantes constatées par l'expert judiciaire affectaient seulement le revêtement posé au cours des opérations de rénovation mais non l'immeuble lui-même, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs radicalement inopérants et a privé sa décision de tout fondement légal au regard de l'article 1792 du Code civil ;

3 ) qu'en ne recherchant pas, ainsi que l'y invitaient pourtant ses conclusions d'appel, si la pose d'un revêtement destiné, notamment, à assurer l'isolation thermique d'un immeuble ne constituait pas la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard de ce texte ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la mise en place du revêtement, dont le produit employé et la technique de mise en oeuvre avaient été désignés comme un système d'isolation thermique de façade-enduit sur isolant, n'entraînait aucune atteinte ou modification à la surface existante nécessitant seulement un nettoyage préalable du support, la cour d'appel, qui a retenu qu'il n'apparaissait pas de l'ensemble de ces éléments que la fourniture et la pose de ce revêtement sur des bâtiments pré-existants avaient abouti à la réalisation d'un ouvrage, qu'elles ne s'étaient pas davantage traduites par une modification ou une rénovation de l'ouvrage existant d'une importance telle qu'elles aient pu être assimilées à une construction puisqu'elles n'avaient affecté ni la structure des bâtiments ni le revêtement qui en assurait la solidité ou l'étanchéité, a pu déduire de ces seuls motifs, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la garantie décennale n'était pas applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal n° Q 00-20.759, ci-après annexé :

Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, ayant relevé que le droit à réparation intégrale ouvert à la victime par la survenance du dommage susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ne pouvait être affecté dans son montant par les subventions dont la SCI aurait bénéficié en vue de travaux de réhabilitation et dont l'affectation exacte était, au demeurant, impossible à déterminer, en a déduit que la demande était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal Q 00-20.759 et le deuxième moyen du pourvoi provoqué des AGF, réunis, ci-après annexés :

Attendu qu'ayant retenu, par une appréciation des éléments de fait et de droit introduits dans le débat par les parties elles-mêmes, que les travaux réalisés n'avaient pas concouru à la réalisation d'une construction, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant concernant le défaut de concomitance de la construction et des travaux d'isolation et sans violer le principe de la contradiction, que la garantie biennale ne pouvait être appliquée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal n° Q 00-20.759, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que l'expert judiciaire avait relevé, outre l'insuffisance d'épaisseur de l'enduit de finition, le mauvais positionnement, l'irrégularité et l'insuffisance d'épaisseur d'enrobage, le bourrage occasionnel des joints de plaques, le défaut d'enrobage de la toile de renforcement des soubassements et, pour ce qui concernait la pose, l'absence de renfort aux angles des ouvertures, l'absence de baguettes d'arrêt et la fixation par une pâte de scellement métallique, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu'il s'agissait là de défauts d'exécution imputables au premier chef aux entreprises chargées de la mise en place des panneaux et de la réalisation des enduits ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal n° Q 00-20.759, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté qu'outre les termes clairs du courrier du 1er octobre 1992, qui avait formulé des réserves expresses, il résultait des propres conclusions de l'assuré que, tout au long de l'expertise, la compagnie La Préservatrice Foncière avait soutenu que le dommage, cause de la demande de la SCI, n'était pas de nature décennale et n'entrait donc pas dans le champ de sa garantie, la cour d'appel, qui a retenu qu'il ne pouvait être sérieusement soutenu que son attitude était de nature à persuader l'assuré qu'elle acceptait de prendre en charge le sinistre, a pu en déduire que la compagnie La Préservatrice Foncière n'était pas tenue à garantie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi principal n° Q 00-20.759 et le troisième moyen du pourvoi provoqué des AGF, réunis, ci-après annexés :

Attendu, d'une part, que le moyen unique du pourvoi de la SCI étant rejeté, le moyen de cassation par voie de conséquence d'une cassation de l'arrêt, sur ce moyen, en ce qu'il met hors de cause le contrôleur technique, est devenu sans portée ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté qu'il ressortait des documents contractuels que la mission de la société CEP, concernant essentiellement la solidité des ouvrages et des éléments indissociables au sens de l'article 1792-2 du Code civil, excluait toute intervention dans la direction ou la surveillance du chantier et toute immixtion dans les fonctions relevant de la maîtrise d'oeuvre, qu'il était notamment précisé que les contrôles sur le chantier s'effectueraient par sondages, ce terme s'entendant, non de sondages destructifs, mais de vérifications aléatoires du respect des règles de l'art, et qu'en particulier la société CEP n'était pas tenue d'assister systématiquement aux réunions de chantier, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ou que ses constatations rendaient inopérante, a pu retenir qu'aucun élément objectif n'était propre à caractériser un manquement de cet organisme à des obligations contractuelles, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué des AGF, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant retenu que, du fait de leur généralisation, les malfaçons causées par des défauts d'exécution imputables au premier chef aux entreprises n'auraient pas dû échapper à un contrôle attentif de la société Serequip, chargée d'une mission très complète comprenant la vérification de la conformité de la mise en oeuvre ou de l'exécution avec le cahier des charges joint à l'avis technique, portant notamment sur le positionnement des plaques, la régularité et l'épaisseur des enrobages, la mise en place des renforts et des baguettes d'arrêt, la cour d'appel a pu en déduire qu'une part de responsabilité devait être imputée à la société Serequip ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;