Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 9 juin 2004

N° de pourvoi: 02-20292
Non publié au bulletin Rejet

Attendu, selon les arrêts attaqués (Nîmes, 17 septembre 2002, rendu sur renvoi après cassation : Civ. 3, 9 février 2000, n° 186 D, et rectifié par arrêt du 15 octobre 2002), qu'en 1987, la société civile immobilière (SCI) Delhon, assurée par les Assurances générales de France (AGF), a reçu, selon bail à construction, plusieurs parcelles de terrain qu'elle a louées à la société Sovia ; que celle-ci y a fait réaliser des aquariums-vivariums par la Société de construction du Sud-Est (SOCOSUD), assurée par l'Union des assurances de Paris (UAP), devenue société AXA France IARD (société AXA), et qui a sous-traité le lot "serrurerie" à la société Les Forges de Saint-Eloi, assurée par la société Mutuelle du Mans assurances IARD, (la Mutuelle du Mans) ; que le 29 mars 1991, l'un des aquariums s'est brisé ; que le 3 octobre 1991, après résiliation du bail commercial consenti à la société Sovia, les aménagements réalisés sont revenus à la SCI Delhon, qui a loué les locaux au Groupement d'intérêt économique Aquarium, lequel, en 1993, a cédé ses droits à la Société d'études aquatiques du Sud (SEAS) et à la société Aquaforum ; qu'en 1994, le grand aquarium s'est brisé et l'exploitation a été interrompue par décision des autorités administratives ; que les sociétés SEAS et Aquaforum ont réclamé à la SCI Delhon la réparation de leurs préjudices d'exploitation, tandis que cette dernière, propriétaire des ouvrages, a assigné les constructeurs et assureurs en paiement des sommes nécessaires à la reconstruction et en garantie ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Y 02-20.292 :

Attendu que la société AXA fait grief à l'arrêt du 17 septembre 2002 de déclarer l'action de la SCI Delhon recevable, alors, selon le moyen, que seuls le maître de l'ouvrage et ses ayants cause, auxquels il a personnellement transféré son droit de propriété sur l'immeuble, peuvent agir sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ;

qu'en accordant ce droit à la SCI Delhon tout en constatant que celle-ci n'était devenue propriétaire des immeubles par destination installés sur son terrain par la société Sovia que par accession, en raison de la résiliation du bail qu'elle lui avait consenti, ce dont il résultait qu'elle n'était pas l'ayant cause du maître de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par fausse application, l'article 1792 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par un motif non critiqué, que la SCI Delhon était l'actuel propriétaire de l'ouvrage, la cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'elle était recevable à agir contre les constructeurs et assureurs sur le fondement de l'article 1792 du Code civil, qui organise une protection légale attachée à la propriété du bien ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° Y 02-20.292, réunis :

Attendu que la société AXA fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des sommes à la SCI Delhon, alors, selon le moyen :

1 / que ne relèvent pas de la garantie décennale les travaux d'aménagement d'un ouvrage préexistant qui ne touchent pas à sa substance et ne peuvent donc nuire à sa solidité ; qu'en affirmant néanmoins que les travaux d'aménagement du parking et de la salle polyvalente loués par la société Sovia constituaient un ouvrage immobilier au sens de l'article 1792 du Code civil, sans relever qu'ils touchaient à la substance des locaux et sans relever d'autres dommages qu'aux aménagements eux-mêmes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;

2 / que la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 du Code civil ne s'étend aux éléments d'équipement que s'ils font indissociablement corps avec l'ouvrage ; qu'en estimant néanmoins que les équipements installés à la demande de la société Sovia relevaient de la garantie décennale sans même constater qu'ils ne pouvaient être démontés sans détérioration du parking et de la salle polyvalente loués par cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-2 du Code civil ;

3 / que la garantie convenue au titre de la présomption de responsabilité posée par l'article 1792 du Code civil ne peut s'appliquer qu'au secteur d'activité professionnelle déclaré par l'assuré ; qu'en l'espèce, la société SOCOSUD avait souscrit une police d'assurance "Bâti Dec Artisans" dans laquelle elle déclarait expressément ne réaliser que des travaux de bâtiment de technique courante ; qu'en estimant néanmoins que la compagnie AXA Conseil devait garantir la responsabilité de la société SOCOSUD pour des travaux dont elle constatait expressément qu'ils sortaient des ouvrages habituels de construction, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'ensemble de l'aquarium-vivarium, construit dans un sous-sol d'une superficie de 2488 mètres carrés hors oeuvre, comprenant cent vingt bassins viviers ou aquaterrarium, réalisés en verres collés sur plan sur des structures métalliques, étaient intransportables en raison de leur encombrement, de leur poids et de leur fragilité structurelle, la cour d'appel a exactement retenu qu'ils constituaient des ouvrages au sens de l'article 1792 du Code civil ;

Attendu, d'autre part, que la société AXA n'ayant pas, dans ses conclusions d'appel, soutenu que les ouvrages réalisés par l'assuré n'étaient pas de technique courante, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi n° A 02-21.352, réunis :

Attendu que la Mutuelle du Mans fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des sommes à la SCI Delhon, en réparation des dommages matériels et immatériels subis par le fait de la société Les Forges de Saint-Eloi, son assurée, alors, selon le moyen :

1 / que l'assurance des travaux de bâtiment rendue obligatoire par la loi du 4 janvier 1978 couvre la responsabilité encourue par l'assuré à l'occasion de travaux de bâtiment ; que la Mutuelle du Mans soutenait, devant la cour d'appel, que sa garantie n'était due, y compris pour les travaux exécutés par la société Les Forges de Saint-Eloi en vertu d'un contrat de sous-traitance, que dans la stricte mesure où ces travaux portaient sur des ouvrages de bâtiment relevant de l'obligation d'assurance posée par la loi du 4 janvier 1978, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, s'agissant de la fourniture de simples tables en structure métallique posées sur le sol, supportant des aquariums, ne faisant nullement appel aux techniques des travaux de bâtiment ; qu'en affirmant que sa garantie était acquise, au motif inopérant que les aquariums auraient constitué des ouvrages au sens de l'article 1792 du Code civil, sans répondre à ce moyen et rechercher, comme il le lui était demandé, si les travaux litigieux constituaient des travaux de bâtiment, objet de la garantie, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la clause qui étend la garantie d'une police d'assurance de responsabilité décennale aux travaux exécutés par l'assuré en qualité de sous-traitant doit être appliquée dans les conditions et limites fixées par les parties ; que la Mutuelle du Mans faisait valoir, devant la cour d'appel, que l'extension de garantie aux travaux exécutés par la société Les Forges de Saint-Eloi en vertu d'un contrat de sous-traitance, ne s'appliquait qu'aux travaux de technique courante, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, s'agissant de la fourniture de tables en structure métallique devant supporter des aquariums qui, selon les constatations de l'expert judiciaire, sortaient "des ouvrages habituels de construction (bâtiment, génie civil)" ; qu'en affirmant néanmoins que sa garantie était acquise, sans répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'un aquarium installé sur un support métallique simplement posé, sans fondation ni attache de quelque sorte, sur le sol d'un ouvrage préexistant, sans toucher à sa substance, ne constitue pas un ouvrage immobilier au sens de l'article 1792 du Code civil ; qu'en affirmant, pour en déduire que la garantie de la Mutuelle du Mans était acquise, que les aquariums constituaient de tels ouvrages, au motif inopérant qu'ils n'auraient pas été transportables en raison de leur poids et de leur fragilité, sans constater qu'ils auraient été fixés au sol ou qu'ils se seraient confondus à l'ouvrage préexistant au point de le mettre en péril, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

4 / que les dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un bâtiment ne relèvent de la responsabilité décennale et ne sont donc couverts par l'assurance obligatoire prévue par l'article L. 241-1 du Code des assurances que lorsque ces éléments d'équipement font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ; qu'il résulte de l'article 2 des conventions spéciales n° 769 b de la police d'assurance souscrite par la société Les Forges de Saint-Eloi, opposé par la Mutuelle du Mans aux demandes formulées à son encontre, que seuls les dommages résultant de travaux de bâtiment relevant de l'obligation d'assurance posée par l'article L. 241-1 du Code des assurances étaient couverts par cette assurance ; qu'en affirmant que la garantie de la Mutuelle du Mans était acquise, sans constater que les installations de l'aquarium n'auraient pu être démontées ou remplacées sans détérioration ou enlèvement de matière de l'un des ouvrages visés à l'article 1792-2 du Code civil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

5 / qu'un élément d'équipement servant uniquement l'activité professionnelle, industrielle ou commerciale, exercée dans le bâtiment, ne relevant pas des travaux de construction, ne relève pas de la garantie décennale ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si les travaux réalisés par la société Les Forges de Saint-Eloi, consistant dans la fabrication de simples structures métalliques, supportant des aquariums exposés dans le cadre de l'exploitation commerciale d'un "aquarium-vivarium", ne constituaient pas des travaux d'équipement à usage commercial qui ne relevaient pas des travaux de construction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

6 / que la garantie facultative des dommages immatériels ne s'applique que dans les conditions et limites fixées par le contrat d'assurance ; que la Mutuelle du Mans soutenait que sa garantie, au titre de l'assurance des "risques facultatifs" ne couvrait pas les équipements installés exclusivement pour permettre l'exercice d'une quelconque activité professionnelle dans le bâtiment ; qu'en affirmant que cette garantie était acquise au titre des dommages immatériels, au motif inopérant que les aquariums auraient constitué des ouvrages au sens de l'article 1792 du Code civil, sans répondre à ces conclusions et rechercher, comme il le lui était demandé, si les aquariums et leurs supports métalliques ne constituaient pas des équipements installés exclusivement afin de permettre l'exercice d'une activité professionnelle, et n'entraient donc pas dans l'objet de la garantie, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'ensemble de l'aquarium-vivarium, construit dans un sous-sol d'une superficie de 2 488 mètres carrés hors oeuvre, comprenant cent vingt bassins, viviers ou aquaterrarium, réalisés en verres collés sur place sur des structures métalliques, étaient intransportables en raison de leur encombrement, de leur poids et de leur fragilité structurelle, qu'ils constituaient des ouvrages, et que ces ouvrages relevaient du domaine de l'immobilier, d'où il résultait qu'ils avaient été réalisés au moyen de travaux du bâtiment, et qu'il ne s'agissait pas d'équipement à usage commercial, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, en a déduit, à bon droit, que l'article 1792 du Code civil était applicable ;

Attendu, d'autre part, qu'est illicite et doit être réputée non écrite toute clause ayant pour effet, dans les assurances de construction obligatoires, d'exclure de la garantie les travaux de technique non courante ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi n° A 02-21.352 et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux premières branches, réunis :

Attendu que la Mutuelle du Mans et la société Les Forges de Saint-Eloi font grief à l'arrêt de les condamner à payer des sommes à la SCI Delhon, alors, selon le moyen :

1 / que le maître de l'ouvrage, quelles que soient ses compétences, ne peut imputer aux entrepreneurs et sous-traitants les conséquences du choix d'un matériau plus économique dont les risques et contraintes sont connus de tous ; que la Mutuelle du Mans faisait valoir, comme l'avait au demeurant constaté le Tribunal, que nul ne pouvait prétendre ignorer que des socles métalliques, moins chers à l'achat, étaient exposés à un risque d'oxydation et, d'une durée de vie nécessairement limitée, imposaient un entretien périodique plus ou moins contraignant selon le degré d'humidité du milieu ambiant, ce dont il résultait que le maître de l'ouvrage, ne pouvant ignorer les risques et contraintes de son choix, les avait délibérément acceptés ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le maître de l'ouvrage, quelles que puissent être ses compétences, ne saurait imputer aux entrepreneurs et sous-traitants les conséquences du choix d'un matériau moins onéreux dont il connaissait les risques et contraintes ; que la Mutuelle du Mans soutenait, devant la cour d'appel, que s'agissant du choix des supports métalliques des aquariums, le maître de l'ouvrage, lors de l'élaboration du projet, avait été informé par M. Z..., directeur technique de l'Aquarium du Prado, de "la nécessité de maintenir un entretien parfait de ces structures, en particulier pour les bacs d'eau de mer" et que lors du départ de ce dernier en juin 1990, soit antérieurement aux désordres constatés "aucun entretien de ces structures n'avait été fait, malgré ses demandes souvent réitérées" de "les protéger de nouveau de la rouille", ce dont il résultait qu'il appartenait au "maître de l'ouvrage, parfaitement averti, compte tenu de ce choix économique, d'assumer les conséquences dudit choix et de procéder aux travaux d'entretien appropriés, mêmes lourds et coûteux" ;

qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le sous-traitant, qui n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage, n'est pas tenu d'une obligation d'information ou de conseil à l'égard de ce dernier ; qu'en affirmant que la société Les Forges de Saint-Eloi, dont elle relevait qu'elle n'était intervenue qu'en qualité de sous-traitant, aurait dû émettre des réserves et informer le maître de l'ouvrage des risques et contraintes liés au choix des supports métalliques, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

4 / que le sous-traitant ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir émis de réserves sur le choix d'un matériau imposé par l'entrepreneur dont les compétences lui permettent de connaître les risques et contraintes éventuels de ce choix ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société SOCOSUD, entrepreneur principal qui, après avoir refusé le matériau qui lui était proposé, avait choisi les structures métalliques utilisées, était un professionnel compétent en matière de travaux de bâtiments ; qu'en s'abstenant de rechercher si les compétences de la société SOCOSUD ainsi constatées ne lui permettaient pas de connaître les risques et contraintes de son propre choix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

5 / qu'un sous-traitant n'est pas tenu de refuser le choix d'un matériau qui lui est imposé par l'entrepreneur principal, professionnel compétent en matière de travaux de bâtiment ; qu'en affirmant que la société Les Forges de Saint-Eloi aurait dû refuser le choix des structures métalliques en fer ordinaire qui lui était imposé par la société SOCOSUD, pour en déduire sa responsabilité à l'égard du propriétaire des équipements, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

6 / que le sous-traitant, qui n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage, n'est pas tenu d'une obligation d'information ou de conseil à l'égard de ce dernier ; qu'en affirmant que la société Les Forges de Saint-Eloi, sous-traitante, aurait dû émettre des réserves et informer le maître de l'ouvrage des risques et contraintes liés au choix des supports métalliques, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

7 / que le professionnel, qui n'est pas spécialement compétent dans la technique à mettre en oeuvre, ne saurait être tenu de refuser le choix d'un matériau imposé par l'entrepreneur principal compétent en la matière ; qu'en énonçant que la société Les Forges de Saint-Eloi aurait dû refuser le choix du matériau qui lui était imposé par l'entrepreneur général, tout en relevant que ce dernier était le "seul professionnel compétent en matière de travaux du bâtiment", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Les Forges de Saint-Eloi avait exécuté les supports métalliques des aquariums en tubes creux en fer avec protection antirouille, mais qu'il s'agissait d'une structure métallique insuffisamment protégée contre l'oxydation entraînant une déformation qui poussait les vitrages à la rupture et, que ce choix de supports d'un entretien très difficile était inadapté aux conditions particulières de l'installation, la cour d'appel en a exactement déduit, répondant aux conclusions, que si le choix technique plus économique de structures en fer ordinaire au lieu du fer galvanisé lui avait été imposé par le maître de l'ouvrage ou l'entrepreneur principal, le sous-traitant aurait dû refuser d'y donner suite ou faire expressément des réserves écrites après avoir conseillé et informé le maître de l'ouvrage sur les risques présentés par cette option, et a pu retenir que la faute de la société Les Forges de Saint-Eloi, qui pouvait être dénoncée par toute personne ayant subi un préjudice, était établie, le sous-traitant étant, en outre, tenu vis-à-vis de l'entrepreneur principal au titre d'une obligation de résultat ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi n° A 02-21.352 :

Attendu que la Mutuelle du Mans fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de garantie formée contre la société SOCOSUD et la société AXA, alors, selon le moyen, que, condamné in solidum avec l'entrepreneur principal à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage ou son ayant cause, le sous-traitant, aurait-il commis une faute à l'origine de ce préjudice, dispose d'une action en contribution contre l'entrepreneur dont les fautes ont elles-mêmes concouru à la production du dommage ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société SOCOSUD, entrepreneur principal, s'est abstenue d'exprimer des réserves et d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur les conséquences de ses choix techniques moins onéreux et que la réalisation de l'ensemble des travaux, qu'elle avait proposée selon devis descriptif comprenant tous les lots techniques n'avait pas été faite selon le schéma directeur précis que réclamaient les techniques très particulières de conception des viviers, la climatisation des lieux et l'aménagement de l'ensemble, ce dont il résultait que l'entrepreneur se voyait imputer des fautes à l'origine du préjudice allégué et consistant, d'une part, dans un manquement à ses obligations d'information et de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage et, d'autre part, en des négligences et erreurs commises dans la conception globale des installations et non seulement dans le choix des structures métalliques ; qu'en refusant tout recours en garantie, même partiel, à l'assureur du sous-traitant contre cet entrepreneur et son propre assureur, au seul motif de la participation du sous-traitant à la réalisation des désordres, la cour d'appel a violé l'article 1251-3 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel n'ayant pas retenu que la société SOCOSUD aurait commis des fautes de nature à entraîner la responsabilité de l'entrepreneur principal vis-à-vis du sous-traitant, le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deux moyens du pourvoi n° Y 02-21.450 et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux dernières branches, réunis :

Attendu que la société SOCOSUD et la société Les Forges de Saint-Eloi font grief à l'arrêt de les condamner à payer des sommes à la SCI Delhon, alors, selon le moyen :

1 / que le maître d'ouvrage qui a assuré le rôle de maître d'oeuvre, dirigé et surveillé les travaux, est responsable des malfaçons de l'ouvrage, totalement ou partiellement selon les circonstances, peu important qu'il ne soit pas, en raison de sa profession, notoirement compétent en matière de construction, dès lors qu'indépendamment des fautes de conception qu'il a pu commettre, sa compétence technique est indiscutable ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par la société SOCOSUD dans ses dernières conclusions d'appel, si "le rôle de la société SOCOSUD n'avait pas été, de par la volonté du maître de l'ouvrage et de ses conseils techniques, Z... et Sovia, ramenée à sa plus simple expression" et si ce n'était pas le maître d'ouvrage qui avait assuré le rôle de maître d'oeuvre, et en décidant que la société SOCOSUD dont elle a constaté la compétence technique ne s'exonérait pas de sa responsabilité de plein droit au motif inopérant qu'il n'était pas établi que M. Z... était compétent en matière de travaux publics, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil ;

2 / que, lorsqu'une partie demande la confirmation d'un jugement, elle est réputée s'en approprier les motifs et la cour d'appel qui décide d'infirmer le jugement entrepris l'obligation d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en s'abstenant de réfuter les motifs déterminants des premiers juges pris précisément de ce que "la société SOCOSUD n'a jamais eu pour mission de réaliser un tel ensemble, la climatisation, les bassins, ainsi que d'autres travaux importants d'électricité ayant été soit confiés à d'autres entreprises, soit réalisés directement par la société Sovia", de ce qu'"aucun défaut de conception de l'ensemble ne peut donc lui être imputé", de ce que "le gérant de la société Sovia indique dans une attestation qu'en 1986, la société SOCOSUD lui a proposé un devis aux termes duquel les supports d'aquarium devaient être réalisés en murets d'agglos mais qu'il a refusé ce devis, ayant engagé un spécialiste en matière de confection d'aquarium, M. Z... (...) qui a alors pris en charge la réalisation de l'opération, qui a traité directement avec l'entreprise Y... pour la fourniture du vitrage et qui a proposé la société Les Forges de Saint-Eloi pour la réalisation des supports métalliques, de sorte que la société SOCOSUD a alors réalisé un nouveau devis prévoyant non plus la construction de supports en agglos mais de structures métalliques galvanisées", la cour d'appel a violé l'article 654 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le maître d'ouvrage qui prend un risque par souci d'économie en choisissant des procédés ou des matériaux autres que ceux qui étaient prévus initialement commet une faute qui exonère l'entrepreneur de sa responsabilité ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le maître d'ouvrage a opéré "des choix techniques moins onéreux" et notamment "le choix technique des socles métalliques des aquariums" ce dont il résultait que le maître d'ouvrage avait accepté un risque inhérent aux choix les moins coûteux ;

qu'en refusant néanmoins d'exonérer la société SOCOSUD de sa responsabilité d'entrepreneur, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations et violé l'article 1792 du Code civil ;

4 / que, l'immixtion caractérisée d'un maître de l'ouvrage exonère le constructeur de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil de la responsabilité qu'il encourt en cas de dommages ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que "la société Sovia a contracté directement avec l'entreprise Y... pour la fourniture des vitrages des aquariums" , que l'expert Bel "après avoir décrit le processus de rupture du vitrage du grand aquarium et les défauts présentés par les vitrages des viviers, a estimé que, de façon générale, des fuites affectent l'ensemble des bassins", que "M. Z... a été embauché par la société Sovia pour participer à la réalisation des installations et à leur fonctionnement parce qu'il était spécialiste en milieux marins, a assuré à ce titre les relations avec les divers intervenants" et a effectué le "choix technique des socles métalliques des aquariums", que l'expert Bel a considéré qu'il s'agissait d'un "mauvais choix", ce dont il résultait que le maître d'ouvrage s'était largement immiscé dans la construction de l'ouvrage ; qu'en refusant néanmoins d'exonérer la société SOCOSUD de sa responsabilité d'entrepreneur, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations et violé à nouveau l'article 1792 du Code civil ;

5 / que, dès lors que le fait du maître de l'ouvrage a constitué une cause d'aggravation des désordres ayant concouru pour partie à la réalisation du préjudice, une part de responsabilité doit lui être laissée ; qu'il ressort des propres constatations des juges du fond à la fois que, selon les conclusions de l'expert Bel, "les désordres résultent de la conjonction des facteurs suivants : vitrages des aquariums inadaptés eu égard aux dimensions et à la pression exercée par l'eau, assises des aquariums largement oxydées et déformées, ventilation ou climatisation totalement inefficace" et que c'est la société Sovia qui a réalisé directement ou fait réaliser ces travaux ; qu'en ne laissant néanmoins aucune part de responsabilité au maître de l'ouvrage, la cour d'appel a encore violé l'article 1792 du Code civil ;

6 / qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs déterminants des premiers juges, pris de ce que "M. Z... (...) a été recruté par la société Sovia en tant que spécialiste en matière d'aquarium et que c'est en cette qualité qu'il est apparu aux yeux des entrepreneurs qu'il ne peut donc leur être reproché de n'avoir pas spécialement attiré l'attention de la société Sovia sur la nécessité de prévoir un système de ventilation-climatisation suffisamment puissant" et "que c'est en parfaite connaissance de cause que la société Sovia a fait le choix de l'économie mais n'a pas ensuite effectué l'entretien qui s'imposait", la cour d'appel a violé à nouveau l'article 954 du nouveau Code de procédure civile ;

7 / que l'immixtion caractérisée du maître de l'ouvrage doit exonérer, fût-ce partiellement, les entrepreneurs et sous-traitant de la responsabilité qui peut éventuellement être la leur ; que la cour d'appel a constaté que le maître de l'ouvrage, assisté d'un spécialiste qu'il avait recruté aux fins de suivre les travaux, a personnellement effectué le choix des socles métalliques qui se sont révélés défectueux, par souci d'économie ; qu'en l'exonérant néanmoins de toute responsabilité, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1382 du Code civil ;

8 / que la société Les Forges de Saint-Eloi faisait valoir que les désordres trouvaient au moins pour partie leur origine dans un défaut d'entretien des ouvrages, et spécialement dans l'absence de ventilation adéquate ; que ces motifs avaient de surcroît été retenus par le jugement infirmé, qui en avaient même déduit que la responsabilité du maître de l'ouvrage était seule engagée de ce fait ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions déterminantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société SOCOSUD était seule compétente en matière de travaux du bâtiment, la compétence de M. Z... n'étant pas établie dans ce domaine, que cette société avait proposé la réalisation de travaux suivant devis comprenant tous les lots techniques à l'exception de la vitrerie, alors qu'elle n'ignorait pas qu'il n'y avait pas de véritable maître d'oeuvre, qu'elle n'établissait pas avoir exprimé des réserves ou attiré l'attention du maître de l'ouvrage sur les conséquences de ses choix techniques, moins onéreux qu'elle avait accepté de mettre en oeuvre, et que le choix de supports, d'un entretien très difficile, était inadapté aux conditions particulières de l'installation, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, et qui n'était pas tenue d'examiner en détail l'argumentation des premiers juges qu'elle décidait d'écarter, a pu retenir que la société SOCOSUD ne s'exonérait pas de la présomption de responsabilité pesant sur elle et que la société Les Forges de Saint-Eloi, chargée d'exécuter les supports mécaniques, avait commis des fautes ayant concouru à la réalisation du dommage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'aucun moyen n'est dirigé contre l'arrêt du 15 octobre 2002 ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois