Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 28 janvier 1998

N° de pourvoi: 96-13460
Publié au bulletin
Rejet.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 février 1996), qu'en 1987, la Société des grands magasins Garonne Adour (la Sogara) a fait construire un immeuble, sous la maîtrise d'oeuvre de la Société d'études logicielles et constructions (la Selec), depuis lors en liquidation judiciaire, assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), la société Gisol, également assurée par la SMABTP, étant chargée des revêtements de sols ; qu'alléguant des désordres affectant le parquet, la Sogara a assigné la société Gisol en réparation ;
Attendu que la société Gisol fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen,
1° que la garantie décennale s'applique aux désordres apparus après la levée des réserves ; qu'en la condamnant sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, dès lors que la réception de travaux était intervenue avec des réserves, sans s'expliquer sur la circonstance que celles-ci avaient été levées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1792 du Code civil ;
2° que les désordres qui font l'objet de réserves lors de la réception relèvent de la garantie de parfait achèvement ; qu'en tout état de cause, en ne faisant pas application de la garantie de parfait achèvement à des désordres réservés, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du Code civil ;
3° que l'obligation de conseil qui incombe à l'entrepreneur est fonction du degré de compétence technique du maître de l'ouvrage ; qu'en retenant que, nonobstant la " négligence " du maître de l'ouvrage, elle était tenue d'une obligation de conseil qui lui imposait d'alerter celui-ci ou même de refuser d'exécuter les travaux, sans s'expliquer sur la compétence technique de la société anonyme Sogara, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;
4° que l'obligation de conseil à la charge de l'entrepreneur trouve sa limite dans l'immixtion du maître de l'ouvrage notoirement compétent en matière de construction ; qu'en retenant que, nonobstant la " négligence " du maître de l'ouvrage elle était tenue d'une obligation de conseil qui lui imposait d'alerter celui-ci ou même de refuser d'exécuter les travaux, sans s'expliquer sur l'immixtion de la société anonyme Sogara, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;
5° que le maître de l'ouvrage est responsable de désordres qu'il contribue à aggraver ; qu'en retenant qu'elle ne pouvait utilement invoquer les réserves qu'elle avait émises après la réception des travaux sur la protection et l'entretien du parquet, sans rechercher si l'inobservation de ces mises en garde n'avait pas contribué à aggraver les désordres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que les réserves concernant les revêtements de sols n'avaient pas été levées et retenu que la société Gisol avait failli à ses obligations quant à l'exécution des travaux et au devoir de conseil dû par un constructeur professionnel spécialisé au maître de l'ouvrage, dont le manque de rigueur en phase préparatoire, à le supposer établi, aurait été sans lien de causalité avec les désordres, en acceptant, sans remarque préalable, de poser un parquet inadapté aux conditions d'utilisation du local, la cour d'appel qui, sans être tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a relevé que la faute de la société Gisol ayant participé à la réalisation de l'entier dommage, celle-ci se trouvait seule obligée à réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, qui subsistait avant la levée des réserves concurremment avec la garantie de parfait achèvement, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 1998 III N° 19 p. 14