Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 24 février 1993
N° de pourvoi: 91-15960
Non publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 1991), que, par marché du 6 novembre 1986, la société Renom du bon a confié à la Société auxiliaire d'entreprises de la région parisienne (SAEP) la construction d'un hôtel, sous la maîtrise d'oeuvre de MM. D... et Y..., architectes, et le contrôle technique de la société Contrôle et prévention (CEP) ; que la SAEP a sous-traité les travaux de menuiserie à la société Malcom ; qu'après réception, intervenue le 1er septembre 1987, la société Renom du bon, invoquant des défauts d'isolation phonique et des désordres affectant les menuiseries, a assigné en réparation les architectes, la SAEP et la société Malcom ;

Attendu que la SAEP fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en réparation des désordres acoustiques, alors, selon le moyen, 18) "que l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation dispose expressément que les travaux de nature à satisfaire aux exigences légales et réglementaires en matière d'isolation phonique relèvent de la garantie de parfait achèvement ; que cette disposition spéciale relative à la conformité à ces normes techniques exclut l'application des garanties décennale et biennale prévues, par des dispositions générales, pour les contrats de louage d'ouvrage ayant pour objet la construction de bâtiments ; qu'en décidant que l'action introduite par la société Renom du bon plus d'un an après la réception, en réparation des troubles causés par une insuffisante isolation phonique, n'était pas irrecevable comme prescrite, dès lors que le dommage acoustique était de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination, et avait par conséquent une nature décennale, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation ; 28) qu'en affirmant que le vice consistant en une insuffisante isolation phonique ne pouvait être apparent au jour de la réception et n'avait pu se révéler qu'à l'usage, sans énoncer en quoi le bruit provenant du trafic sur la voie rapide A 86 devant l'hôtel avait pu ne pas être perçu comme excessif ou anormal lors de la réception, la cour d'appel s'est prononcée par un motif général, sans procéder à une appréciation des faits de l'espèce, et a ainsi méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 38) qu'en déclarant que l'insuffisante isolation phonique constituait un vice caché, tout en retenant, pour caractériser la mauvaise isolation phonique de l'hôtel, que l'expert s'était "très vite rendu compte du problème acoustique", qu'il avait été "réellement gêné par le niveau sonore intérieur de la chambre... et réveillé deux fois durant la nuit en raison du bruit routier", et que ces constatations étaient corroborées par les attestations des clients, de sorte que la réalité et la gravité de ce désordre acoustique ne pouvait être sérieusement discuté, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que le niveau sonore excessif était apparent, et a ainsi violé, par refus d'application, l'article 1792-6 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant exactement relevé que l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation n'avait pas exclu, même pour les désordres provenant d'un non-respect des prescriptions légales, l'application des dispositions de l'article 1792 du Code civil, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que les désordres rendaient l'ouvrage impropre à sa destination et que ce n'était qu'à l'usage, et non lors de la réception, que le vice affectant l'isolation phonique avait pu se révéler dans sa vraie nature, dans son ampleur et dans ses conséquences, a légalement justifié sa décision de ce chef ; Sur le second moyen du pourvoi de la SAEP :

Attendu que la SAEP fait grief à l'arrêt de la débouter partiellement de sa demande en paiement du coût des travaux exécutés, alors, selon le moyen, "que l'accord verbal du maître de l'ouvrage exprimé postérieurement à l'exécution des travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service préalable, l'oblige au paiement de ces travaux ; qu'en se bornant à déclarer que les travaux supplémentaires litigieux n'ont fait l'objet d'aucun accord postérieur à leur exécution, sans rechercher si, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges sur la base des constatations de l'expert, la société Renom du bon n'avait pas, en s'abstenant de contester le montant des travaux supplémentaires détaillés et chiffrés par l'architecte pendant les opérations d'expertise, expressément ratifié leur exécution, de sorte que la société SAEP était fondée à en demander le paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil" ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Renom du bon contestait la demande en paiement de la SAEP à concurrence de la somme de 424 652 francs correspondant à des travaux "supplémentaires" qui, malgré le caractère forfaitaire du marché, n'avaient fait l'objet d'aucune commande écrite préalable, la cour d'appel, qui a retenu que ces travaux n'avaient jamais donné lieu, postérieurement à leur achèvement, à un accord ou à une acceptation expresse et non équivoque du maître de l'ouvrage, a légalement justifié sa décision de ce chef ; Sur le moyen unique du pourvoi principal de MM. D... et Y... :

Attendu que MM. D... et Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société Renom du bon la somme principale de 940 620 francs au titre des désordres acoustiques, alors, selon le moyen, 18) "que la réparation due au maître de l'ouvrage ne saurait excéder le montant du préjudice effectivement subi ; qu'en ne s'expliquant pas sur le motif des premiers juges, pris de ce qu'"il ne serait pas justifié de faire supporter à l'architecte le coût de la pose de fenêtres doubles alors que le maître de l'ouvrage n'a versé que le prix de fenêtres simples", la cour d'appel, qui n'était pas invitée à statuer sur une participation du maître de l'ouvrage pour immixtion fautive, mais à qui il incombait, pour chiffrer le préjudice qu'il subissait, d'apprécier le montant des travaux qu'il aurait dû payer, s'ils avaient été initialement exécutés comme ils auraient dû l'être, n'a pas donné de base légale à sa décision infirmative au regard des articles 1792 et suivants du Code civil ; 28) qu'en statuant par ces motifs, en considération d'une faute du maître de l'ouvrage, sans répondre aux conclusions dont elle était saisie par les architectes contestant le préjudice subi par lui, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que les architectes auraient dû prévoir une isolation phonique adaptée à la configuration des lieux, la cour d'appel, qui a retenu que l'expert avait proposé une solution technique satisfaisante pour remédier aux désordres et que son évaluation devait être adoptée sans qu'il y ait lieu de laisser une part du coût des travaux de réfection à la charge du maître de l'ouvrage, a répondu aux conclusions et légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la société CEP :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel, tout en retenant que les désordres phoniques n'engagent pas la responsabilité de la société CEP et que la société Renom du bon doit être déboutée des demandes formées contre elle, déclare la société CEP responsable de ces désordres ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir n'implique pas qu'il soit statué à nouveau sur le fond ; PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE