Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 3 mars 2010

N° de pourvoi: 07-21950
Publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 octobre 2007), que la société Espace habitat construction (société Espace), ayant conclu avec la société Assurances générales de France (AGF), devenue la société Allianz IARD, un contrat d'assurance "dommages-ouvrage", a fait édifier un immeuble à usage commercial et d'habitation dénommé résidence Le Colisée ; que la réception est intervenue le 30 octobre 1992 avec des réserves ; que des désordres étant apparus, la société Espace, demeurée propriétaire de 51 des 89 appartements comprenant des parkings qu'elle a donnés en location, a obtenu, par ordonnance de référé du 20 octobre 1993, la désignation d'un expert ; qu'après dépôt du rapport le 2 novembre 1995, la société Espace a, en septembre 1996, assigné en réparation notamment la société AGF, la société Guerra-Tarcy-Somag (société Guerra), entreprise générale chargée des travaux tous corps d'état, depuis lors en plan de redressement avec pour commissaire à l'exécution du plan M. Y..., et la société Smac, venant aux droits de la société Smac Acieroid, sous-traitante de la société Guerra, pour le lot "étanchéité" ; que des recours en garantie ont été formés ; que le syndicat des copropriétaires de "la résidence Le Colisée volume 1 - habitations" (le syndicat) regroupant les propriétaires des immeubles d'habitation est intervenu volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Espace et le syndicat font grief à l'arrêt de condamner la société Smac à payer à la société Espace la somme de 1 euro au titre du revêtement de l'étanchéité des terrasses inaccessibles, et de fixer à cette même somme la créance de la société Espace au passif de la société Guerra, alors, selon le moyen, que l'entrepreneur, responsable de désordres de construction, ne peut imposer à la victime la réparation en nature du préjudice subi par celle-ci ; qu'en se fondant, pour limiter le préjudice esthétique subi par le maître de l'ouvrage à une somme symbolique, sur la circonstance qu'il avait refusé la mise en oeuvre de la protection lourde gravillonnée retenue comme satisfaisante par le contrôleur technique et l'expert judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, par des motifs non critiqués, constaté que le complexe d'étanchéité des terrasses inaccessibles remplissait sa fonction sans dommage d'infiltration depuis près de quinze ans et que la société Espace et le syndicat ne pouvaient se prévaloir que d'un préjudice esthétique affectant l'aspect du revêtement de ce complexe, la cour d'appel, qui a apprécié souverainement le montant de ce préjudice, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société AGF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Espace des sommes au titre des faux plafonds des halls d'entrée et de l'affaissement du terrain, et de rejeter ainsi la fin de non-recevoir soulevée par elle tirée du défaut de qualité à agir de la société Espace, alors, selon le moyen, que l'assurance dommages- ouvrage est une assurance de chose qui bénéficie au maître de l'ouvrage et se transmet avec la propriété de ce dernier; que la cour d'appel a constaté que la résidence Le Colisée était soumise au statut de la copropriété, ce dont il résulte que seul le syndicat des copropriétaires pouvait revendiquer le bénéfice de l'assurance dommages-ouvrage, peu important que la société Espace habitat construction, maître de l'ouvrage, ait conservé la propriété d'une partie des logements et parkings et qu'elle ait justifié d'une atteinte à ses parties privatives en raison des désordres affectant les parties communes ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.242-1 du code des assurances ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que, demeurée, après la vente et la mise en copropriété de l'immeuble, propriétaire de l'intégralité des 51 appartements situés dans les cages d'escalier n° 4 à 7 et des parkings correspondants et justifiant d'un préjudice découlant des désordres affectant les parties communes et portant atteinte à la jouissance des parties privatives des lots lui appartenant, la société Espace avait, en application de l'article 15, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, qualité pour agir à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1792 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances ;

Attendu que pour débouter la société Espace de sa demande formée à l'encontre de la société AGF au titre de la largeur insuffisante du passage piéton le long de la porte basculante du garage, l'arrêt retient que l'assureur dommages-ouvrage est fondé à faire valoir qu'il n'a pas à garantir le financement des réparations nécessaires pour mettre un terme à ce désordre qui ne saurait relever des dispositions des articles 1792 du code civil et L. 242-1 du code des assurances ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la largeur insuffisante du passage piéton le long de la porte basculante du garage s'avérait dangereuse pour les utilisateurs, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si ce désordre ne rendait pas l'ouvrage impropre à sa destination, n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;


Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1792 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances ;

Attendu que pour débouter la société Espace de sa demande formée à l'encontre de la société AGF au titre du défaut de report d'alarme de la porte basculante du garage vers la loge du gardien, l'arrêt retient que l'assureur dommages-ouvrage est fondé à faire valoir qu'il n'a pas à garantir le financement des réparations nécessaires pour mettre un terme à ce désordre qui ne saurait relever des dispositions des articles 1792 du code civil et L. 242-1 du code des assurances ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le défaut de report d'alarme de la porte basculante vers la loge du gardien s'avérait dangereux pour les utilisateurs, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si ce désordre ne rendait pas l'ouvrage impropre à sa destination, n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal qui ne serait pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;

PAR CES MOTIFS:

CASSE ET ANNULE