Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 8 avril 2009
N° de pourvoi: 07-21910 07-21953
Publié au bulletin
Cassation partielle
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 octobre 2007), que les
époux X... ont acquis le 4 août 2000 de M. Y... et Mme Z..., avec
le concours de l'Agence immobilière du Lys, une maison d'habitation située
à Gouvieux ; que le 27 décembre 2000 un arrêté interministériel
a déclaré l'état de catastrophe naturelle pour cette commune
en raison d'un épisode de sécheresse et de réhydratation,
survenu entre janvier 1996 et décembre 1997 ; que Mme Z... a fait une
déclaration de sinistre à la société Mutuelle assurance
des commerçants et industriels de France (MACIF) et à la société
Mutuelle du Mans assurances (MMA) assureurs successifs couvrant le risque catastrophe
naturelle ; que les époux X... ont, au vu d'un rapport d'expertise judiciaire,
assigné leurs vendeurs, l'Agence immobilière du Lys et les assureurs
en réparation de leurs préjudices ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal du pourvoi n° H 07-21.953 et
le premier moyen du pourvoi incident, réunis :??Attendu que les sociétés
MACIF et MMA font grief à l'arrêt attaqué, de les condamner
in solidum à payer aux époux X... la somme de 147 823,01 euros,
alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des termes clairs et précis du rapport
d'expertise, dont les conclusions ont été adoptées par
la cour d'appel, qu'un vice de conception de l'ouvrage sinistré avait
contribué à la survenance des désordres mis à la
charge de la MACIF et des MMA ; qu'en affirmant néanmoins que le rapport
d'expertise ne mettait en lumière qu'une seule et unique cause aux désordres
subis par l'immeuble des époux X..., à savoir les mouvements différentiels
de terrain consécutifs à la sécheresse et la réhydratation
du sol, à l'exclusion de tout vice de construction qui n'avait constitué
qu'un facteur aggravant, quand un tel document soulignait expressément
l'implication de l'erreur de conception de l'ouvrage dans la survenance du sinistre,
la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis
du rapport d'expertise, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'il s'évince du rapport de l'expert judiciaire que, outre la
sécheresse, le défaut de conception concernant le type de fondation
et le mode constructif mis en oeuvre ont contribué à faire apparaître
les désordres constatés ; que, dès lors, en affirmant qu'il
résulte de ce rapport que la sécheresse a été la
cause déterminante des désordres et que l'inadéquation
de la technique de construction de l'immeuble n'a été qu'un facteur
aggravant des désordres, la cour d'appel a dénaturé le
rapport expertal et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que sont considérés comme les effets des catastrophes
naturelles, les dommages matériels directs « non assurables »
ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent
naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir
ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être
prises ; qu'en l'espèce, l'expert judiciaire a constaté que des
mesures auraient dû être prises pour éviter les dommages
consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation
dès la conception et la réalisation de l'immeuble sinistré
et que le défaut de conception et le mode constructif mis en oeuvre ont
contribué à faire apparaître les désordres constatés,
ce dont il s'évince que les dommages litigieux n'étaient pas susceptibles
d'être indemnisés au titre de la garantie « catastrophe naturelle
» ; que, dès lors, en condamnant les assureurs à prendre
en charge ces désordres sans rechercher si les mesures habituelles destinées
à empêcher leur survenance avaient été prises, la
cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
de l'article L. 125-1 du code des assurances ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, qu'il ressortait du rapport
d'expertise que les désordres étaient directement liés
et techniquement en relation avec les mouvements de terrain, que la technique
traditionnelle de construction de l'immeuble inadéquate avec la nature
du sol n'avait été qu'un facteur aggravant des désordres
et, d'autre part, que l'immeuble n'avait connu aucun désordre
à ses fondations pendant plus de vingt cinq ans, ce dont elle
a déduit que lesdites fondations et la structure du bâtiment suffisaient
à assurer sa solidité dans des conditions climatiques normales,
la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une
recherche que ses constatations rendaient inopérante, a retenu sans dénaturation,
que le caractère anormal des conditions climatiques des années
1996 /1997 avait été la cause déterminante des
désordres ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal du pourvoi n° H 07-21.953
et le troisième moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu que les sociétés MACIF et MMA font grief à l'arrêt
de les condamner in solidum, à payer aux époux X... la somme de
147 823,01 euros dont celle de 9 670,66 euros correspondant au coût de
l'assurance dommages-ouvrage, alors, selon le moyen, que seuls les dommages
matériels subis par le bien assuré sont susceptibles d'être
pris en charge par la garantie « catastrophe naturelle », à
l'exclusion des frais liés à la souscription d'une assurance dommages-ouvrage
; qu'en mettant dès lors à la charge de la MACIF le coût
de la souscription d'une assurance dommages-ouvrage qui n'entrait pas dans le
champ d'application de la garantie « catastrophe naturelle », la
cour d'appel a violé l'article L. 125-1 du code des assurances ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'eu égard à la nature des
travaux à effectuer les époux X... auraient l'obligation de souscrire
une assurance dommages-ouvrage, la cour d'appel a pu retenir que la dépense
correspondante n'était pas dissociable du coût des travaux et constituait
un dommage direct indemnisable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deux moyens du pourvoi n° K 07-21.910, réunis :
Attendu que la société l'Agence du Lys, fait grief à l'arrêt
attaqué de la condamner in solidum avec d'autres au paiement de la somme
de 147 823,01 euros en réparation du préjudice subi par les époux
X... et correspondant au coût des travaux de réparation de l'immeuble,
outre celle de 27 000 euros à titre de dommages-intérêts
complémentaires, alors, selon le moyen :
1°/ que sont considérés comme effets de catastrophes naturelles,
et garantis par tout contrat d'assurance garantissant les dommages aux biens
souscrit par toute personne physique, les dommages matériels directs
ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent
naturel ; que la cour d'appel a constaté que les fissures affectant la
maison vendue par les consorts Y...-Z... et par l'intermédiaire de l'Agence
du Lys résultaient d'une catastrophe naturelle reconnue par un arrêté
interministériel du 27 décembre 2000 et devaient être pris
en charge à ce titre par les Mutuelles du Mans assurances et la MACIF
; qu'en condamnant cependant la société l'Agence du Lys, in solidum
avec les assureurs, à payer aux époux X... la somme de 147.823,01
euros au titre des travaux de réfection nécessités par
les dommages résultant de l'état de catastrophe naturelle, la
cour d'appel a violé l'article L. 125-1 du code des assurances, ensemble
l'article 1992 du code civil ; ??
2°/ qu'en tout état de cause, la responsabilité ne peut être
engagée qu'à la condition qu'un lien de causalité soit
caractérisé entre le fait générateur de responsabilité
et le dommage dont il est demandé réparation ; qu'en se bornant
à caractériser la faute commise par l'Agence du Lys, du fait d'un
manquement à son obligation d'information, pour la déclarer responsable
de l'entier préjudice subi par les acquéreurs du bien, et résultant
des désordres causés à la structure de l'immeuble par des
mouvements du sol, eux-même consécutifs à des phénomènes
de sécheresse et de réhydratation et ayant fait l'objet d'un arrêté
de catastrophe naturelle, sans caractériser l'existence d'un lien causal
entre ce préjudice et la faute de l'agence consistant dans un manquement
à son devoir de conseil, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1992 du code civil ;
3°/ que la cour d'appel a constaté que l'existence des fissures n'avait
pas été dissimulée aux acquéreurs, et que seuls
leur gravité et leur caractère évolutif n'étaient
pas apparents ; que la cour d'appel a encore relevé que les désordres
s'étaient considérablement aggravés postérieurement
à la vente et notamment pendant les opérations d'expertise diligentées
par l'assureur ; qu'en imputant à faute à l'agent immobilier de
ne pas avoir informé les acquéreurs sur l'origine des fissures
et leur gravité potentielle, sans préciser en quoi l'agent immobilier,
même informé de la cause des désordres, était en
mesure d'en prévoir l'évolution, après avoir de surcroît
relevé que l'assureur avait pu à bon droit diligenter deux expertises
pour déterminer l'origine des désordres et s'en remettre in fine
à l'appréciation d'une juridiction, la cour d'appel qui n'a pas
caractérisé la faute commise par l'Agence du Lys a privé
sa décision de base légale au regard de l'article 1992 du code
civil ; ??
4°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut
de motifs ; que la cour d'appel a considéré, s'agissant de la
responsabilité des assureurs, que l'insuffisance des fondations de l'immeuble
constituait une difficulté qui pouvait justifier la désignation
d'un second expert et que soit confié à une juridiction le soin
de trancher le caractère déterminant ou non des mouvements de
terrain dans l'origine des désordres ; qu'en énonçant par
ailleurs que la société l'Agence du Lys, lors de la vente de la
maison pourtant intervenue avant la date de l'arrêté interministériel
de catastrophe naturelle, ne pouvait ignorer que l'allée des Peupliers
était au centre de la zone particulièrement touchée dans
la commune ni les conséquences des mouvements de terrain sur la structure
des immeubles, la cour d'appel qui a ainsi tour à tour considéré
que la cause des fissures pouvait être indéterminée aux
yeux des assureurs et de leurs experts, mais que l'agence immobilière
ne pouvait l'ignorer, a entaché sa décision d'une contradiction
de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure
civile ;
5°/ que subsidiairement la cour d'appel a constaté que les assureurs,
en laissant s'écouler un délai d'un an entre la dernière
visite du premier expert, et la désignation d'un second, avaient commis
une faute en engageant leur responsabilité et participant au dommage
de jouissance subi par les époux X..., à concurrence de la somme
de 15 000 euros, le préjudice de jouissance étant estimé
au total à la somme de 20 000 euros ; qu'il résultait de cette
constatation que les assureurs étaient seuls responsables, dans la limite
de 15 000 euros, du préjudice de jouissance des époux X..., la
société Agence du Lys ne pouvant se voir imputer le retard pris
par les assureurs à désigner un second expert ; qu'en condamnant
cependant la société l'Agence du Lys à payer aux époux
X..., in solidum, avec les assureurs mais ces derniers dans la limite de 15
000 euros, la somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de
ses constatations et a violé l'article 1992 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que les
époux X... n'auraient pas à tout le moins acquis au même
prix s'il avaient connu la gravité des désordres, d'autre
part, que la société l'Agence du Lys ne contestait pas
avoir eu connaissance de la procédure de constatation de catastrophe
naturelle en cours et que, compte tenu du lieu de son siège,
elle ne pouvait ignorer ni que la maison à vendre se trouvait
au centre de la zone particulièrement touchée, ni les conséquences
des mouvements de terrain, la cour d'appel, qui a retenu, à
bon droit que l'agent immobilier devait attirer l'attention des acquéreurs
sur l'origine très vraisemblable des fissures apparentes et sur leur
gravité potentielle pouvant affecter la structure de l'immeuble,
a pu en déduire, sans contradiction, que l'Agence du Lys avait
commis une faute ayant concouru à la réalisation de l'entier dommage
comprenant, notamment, le coût de reprise des désordres,
prononcer une condamnation in solidum entre les coobligés et répartir
entre eux la charge définitive de la réparation en tenant compte
de leurs obligations respectives et de leur degré de responsabilité
dans la réalisation des divers chefs de préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Publication : Bulletin 2009, III, n° 83