Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du mardi 20 juillet 1993

N° de pourvoi: 92-06001
Publié au bulletin Rejet.

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 1992), que M. X..., hémophile contaminé par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) à l'occasion de l'injection de produits sanguins entre novembre 1984 et juin 1985, a présenté une demande d'indemnisation au Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH (le Fonds), créé par l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ; que M. X..., n'ayant pas accepté les offres du Fonds, a saisi la cour d'appel de Paris aux fins d'indemnisation ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir, après avoir décidé que le Fonds devait verser immédiatement à M. X... l'intégralité de la part d'indemnisation du préjudice spécifique de contamination dérivant de sa séropositivité, jugé, en revanche, que le paiement d'un complément d'indemnisation de ce préjudice afférent au syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA) déclaré, était subordonné à la constatation médicale de la maladie, alors que, d'une part, doit être immédiatement indemnisé un préjudice qui, bien que futur, présente un degré de certitude suffisant ; qu'ainsi la cour d'appel n'aurait pu exiger que le préjudice résultant pour une victime déjà séropositive de la survenance du SIDA soit " absolument certain " et aurait violé les articles 47-I, III et IV de la loi du 31 décembre 1991 et 1382 du Code civil, alors que, d'autre part, la volonté clairement exprimée du législateur au cours des travaux préparatoires a été de considérer comme un préjudice certain et immédiatement indemnisable la survenance du SIDA chez une personne séropositive, que, par suite, aurait été violé l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991, alors qu'enfin il résultait de l'audition du professeur Montagnier que, compte tenu des données actuelles et prévisibles de la science pour plusieurs années, 90 % des personnes séropositives étaient appelées à contracter le SIDA dans un délai de 12 ans à compter de leur séroconversion ; que la cour d'appel, au lieu de se fonder exclusivement sur les allégations du Fonds, aurait dû rechercher s'il ne résultait pas de cette audition qu'elle avait elle-même ordonnée, mais dont elle n'a pas tenu compte, que le préjudice lié à la survenance du SIDA chez une personne déjà séropositive depuis 8 ans et située au stade IV et dernier de la contamination sur l'échelle du CDC, était suffisamment certain pour être d'ores et déjà indemnisé, qu'ainsi elle aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 47-I, III et IV de la loi du 31 décembre 1991 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le préjudice de M. X... comprend les troubles dans ses conditions d'existence entraînés par la séropositivité puis, s'il y a lieu, par la survenance du SIDA déclaré, et que de nombreux essais thérapeutiques en cours visent à retarder, voire à bloquer, le passage à la maladie ;

Que, de ces seules énonciations, qui relèvent de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a pu déduire, justifiant légalement sa décision, que le préjudice résultant de la survenance du SIDA n'avait pas un caractère certain et décider que le paiement de l'indemnisation afférente au SIDA déclaré serait subordonné à la constatation médicale de la maladie ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 1993 II N° 274 p. 151
RTDCiv. 1994, obs. Jourdain
D. 1993. 526, note Chartier

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 15 mai 2008

N° de pourvoi: 07-13483
Publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que M. X..., propriétaire d'une parcelle jouxtant celle de Michel Y..., décédé, aux droits de qui viennent Mmes Jeanne et Dominique et M. Jean-Michel Y... (les consorts Y...), a effectué sur le fonds lui appartenant des travaux de déblaiement et de terrassement ; que les consorts Y... ayant allégué divers préjudices consécutifs à ces travaux et à un empiétement sur leur fonds, un expert judiciaire a été désigné en référé ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de le condamner à payer aux consorts Y... les sommes de 4 635 euros au titre de la réparation de la clôture et de 1 184,50 euros au titre de la purge des masses instables, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans ses écritures d'appel, M. X... faisait valoir que s'il était exact que pour avoir accès à son terrain, il avait illégalement emprunté le chemin en béton, propriété privative de Y..., et que l'on pouvait admettre qu'il avait pu être l'auteur "des poteaux galvanisés tordus, fil grillagé replié sur lui-même", situés en début de la propriété, il avait toutefois remédié à ces désordres ; que dès lors, en condamnant néanmoins M. X... à payer aux consorts Y... la somme de 4 635 euros en indemnisation de la clôture dégradée, sans répondre à ce moyen démontrant qu'il avait procédé à la réparation de la clôture qu'il avait partiellement endommagée et avait justifié de cette réparation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que, dans ses mêmes écritures d'appel, M. X... faisait valoir qu'il avait également effectué les travaux de reprofilage de la falaise préconisés par l'expert judiciaire et avait versé aux débats une facture en attestant ; que dès lors en condamnant néanmoins M. X... à payer aux consorts Y... la somme de 1 184,50 euros pour les travaux de purge des masses instables, la cour d'appel, qui a omis de répondre à ce moyen déterminant, a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a, en répondant aux conclusions de M. X..., retenu que celui-ci ne rapportait la preuve ni de la remise en état de la clôture ni des travaux de purge des masses instables ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de le condamner à payer aux consorts Y... les sommes de 23 690 euros au titre de la mise en place d'une parade confortative, alors, selon le moyen :

1°/ que seul le préjudice actuel et certain est indemnisable, le préjudice hypothétique ne l'étant pas ; que dès lors, en condamnant M. X... à payer aux consorts Y... la somme de 23 690 euros pour la mise en place d'une parade confortative, afin de parer aux risques d'éboulement, la cour d'appel, qui a ainsi indemnisé un préjudice hypothétique, a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que dès lors, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'absence de mise en place d'une parade confortative par M. X... sur sa parcelle ait causé le moindre préjudice aux consorts Y..., ne pouvait considérer que ceux-ci devaient en être indemnisés ni, afin de les replacer dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés si cette parade confortative avait été mise en place, condamner M. X... à leur payer la somme de 23 690 euros, sauf à violer l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'en retenant, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte du rapport d'expertise non contesté que les excavations réalisées sur la parcelle de M. X... présentent un risque pour le fonds Y..., ayant occasionné la création de masses instables nécessitant une purge ainsi que la mise en place d'une parade confortative, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, caractérisé un préjudice portant en lui-même les conditions de sa réalisation dont elle a souverainement apprécié le montant de la réparation intégrale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en condamnant M. X... à payer aux consorts Y... la somme de 23 690 euros au titre de la mise en place d'une parade confortative, sans répondre aux conclusions qui soutenaient que les travaux nécessaires pour mettre fin aux risques d'éboulement avaient vocation à être entrepris sur le fonds appartenant à M. X..., d'où il résultait que les consorts Y... ne pouvaient prétendre à être indemnisés de leur coût, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin 2008, II, N° 112
D. 2008, Pan 2894, obs. P. Brun
JCP 2008, I, 186, obs. Stoffel-Munck
RDI 2008, 489, obs. Trebulle
RTDCiv. 2008. 679, obs. Jourdain