Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 23 mai 2006

N° de pourvoi: 04-12488
Publié au bulletin Rejet.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 janvier 2004) que par arrêté du 1er avril 1996, le maire de Vendres a prescrit l'obturation du raccordement du camping exploité par M. X... au réseau d'assainissement des eaux usées de la commune ; que, par arrêt du 17 juillet 1996, la cour d'appel de Montpellier a jugé que l'exécution forcée le 16 avril 1996 de cet arrêté municipal par la commune de Vendres (la commune) constituait une voie de fait ; que par arrêt du 5 mai 1998 (première chambre civile, pourvoi n° 96-18.835) la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt ; que par arrêt du 6 janvier 2004 la cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement du 4 février 2002 du tribunal de grande instance de Béziers condamnant la commune à indemniser le préjudice subi par M. X... en raison de l'obturation du branchement de son camping au réseau d'assainissement mais en a réduit le montant à la somme de 54 000 euros ;

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. X..., une indemnité de 54 000 euros, en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité dans laquelle il s'était trouvé de poursuivre l'exploitation de son camping, en conséquence de la voie de fait qu'elle avait commise, en fermant le raccordement de ce camping au réseau d'assainissement des eaux usées de la commune, alors, selon le moyen :

1 ) que la victime d'une voie de fait ne peut pas obtenir la réparation du préjudice résultant de l'interruption illégale par la puissance publique de l'activité illicite qu'elle poursuivait ; que la commune de Vendres a fait valoir, dans ses conclusions, que l'exploitation par M. X... d'un parc résidentiel de loisirs de 639 emplacements méconnaissait tant les prescriptions du permis de construire délivré par le maire de la commune de Serignan que les dispositions du plan d'aménagement de zone de la ZAC des Jardins de Serignan qui lui imposaient de raccorder son camping au réseau d'assainissement de la ZAC ; qu'en refusant de s'expliquer sur la régularité de l'exploitation par M. X... de son camping pour la seule raison que la commune de Vendres avait commis une voie de fait, aux termes d'une décision définitive, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 ) que subsidiairement, la commune de Vendres a fait valoir, dans ses conclusions, que "la convention de 1991, à laquelle M. X... n'était pas partie, concernait non pas le raccordement du réseau de M. X... mais le raccordement de l'intégralité des réseaux de la ZAC à créée ; en effet, la convention prévoyait le raccordement des réseaux de l'intégralité de la zone située à Serignan aux réseaux de Vendres, après exécution de travaux par l'AFUA, pour un montant de 7 millions de francs ; c'est donc vainement que la cour recherchera dans la convention d'un engagement de la commune de Vendres de recevoir les effluents du camping de M. X... ; que la ZAC n'ayant jamais été réalisée, les travaux nécessaires pour que les réseaux de Vendres puissent recevoir d'autres effluents, ont été abandonnés" ; qu'en retenant, par des motifs adoptés des premiers juges, que la convention du 22 janvier 1991 conclue entre l'AFUA et la commune de Vendres ainsi que la délibération du 19 décembre 1990 en autorisant la conclusion, permettraient à M. X... de raccorder son parc de loisirs au réseau d'assainissement des eaux usées de la commune, la cour d'appel qui n'a pas répondu aux conclusions de la commune de Vendres, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) que la commune de Vendres faisait valoir que le raccordement du camping de M. X... au réseau d'assainissement communal résultait d'une simple tolérance qui pouvait être révoquée à tout moment, et qui ne lui avait été accordée qu'en considération de la faible capacité de son camping qui était limitée à 70 emplacements ;

qu'elle soulignait aussi que cette tolérance ne permettait pas à M. X... de raccorder son camping qui comptait 640 places depuis sa transformation en parc résidentiel de loisirs, et qu'il n'entrait pas dans les compétences du maire de Serignan de donner cette autorisation à sa place, dans son arrêté du 10 août 2003 qui n'en avait du reste pas la portée ; qu'en retenant, par des motifs adoptés des premiers juges, que le camping de M. X... était déjà raccordé au réseau d'assainissement de la commune de Vendres lorsqu'il a reçu du maire de Serignan, l'autorisation d'exploiter un parc résidentiel de loisirs et d'étendre sa capacité, par arrêté du 10 août 1993, la cour d'appel qui n'a pas répondu aux conclusions de la commune de Vendres , a, de nouveau, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 ) que la commune de Vendres a soutenu, en dernier lieu, que M. X... ne s'était acquitté d'aucune redevance, en conséquence du raccordement du parc résidentiel de loisirs au réseau d'assainissement, et qu'il avait nécessairement conscience de l'irrégularité de sa situation dès lors qu'aucune prestation n'était gratuite ; qu'en retenant que M. X... aurait ignoré qu'il se trouvait dans une situation irrégulière, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé, de nouveau, l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel qui a relevé que le litige était circonscrit à la demande en réparation du dommage lié à la voie de fait constatée par une décision judiciaire définitive en a déduit à bon droit que cette décision et les conséquences qui en résultaient, quant à la voie de fait, ne pouvaient être remises en cause par quelque moyen que ce soit et que la commune devait être condamnée à indemniser le préjudice subi en raison de l'exécution forcée par la commune de sa décision administrative du 1er avril 1996, sans que l'irrégularité de la situation adverse puisse être invoquée par la commune pour s'exonérer de la faute commise, et sans qu'il y ait lieu de vérifier la réalité de cette irrégularité ;

D'ou il suit, que le moyen non fondé, en sa première branche, est inopérant en ce qui concerne les trois dernières branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin 2006 I N° 267 p. 233

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 22 juin 2004

N° de pourvoi: 01-17258
Publié au bulletin Cassation partielle.

Attendu que M. X... et Mme Y... ont proposé à M. Z..., ami de cette dernière, d'acquérir un lot de statuettes au prix de 1 600 000 francs, produisant des certificats d'authenticité et faisant valoir qu'il s'agissait d'une affaire intéressante puisque la collection avait été estimée par des experts à la somme de 6 500 000 francs ; qu'ayant précédemment vendu dans des conditions similaires, à un sieur A... une statuette de facture identique dont la valeur avait été déniée par le commissaire-priseur qu'il avait contacté, M. Z... a décliné l'offre mais a toutefois accepté de conserver la collection dans l'attente d'un éventuel acheteur ; que quelques jours plus tard, il recevait à nouveau la visite de M. A... qui se montrait intéressé et lui proposait d'acquérir le lot moyennant paiement d'une somme de 2 400 000 francs ; qu'ayant obtenu de M. A... la remise d'un acompte de 200 000 francs en espèces, M. Z... a demandé à M. X... de lui céder la collection au prix de 1 600 000 francs, somme pour laquelle ce dernier déclarait avoir trouvé preneur ; qu'après réalisation de cette vente et paiement du prix, M. A... n'a plus reparu au domicile de M. Z..., lequel, estimant qu'il avait été berné, a porté plainte pour escroquerie ; qu'une ordonnance de non lieu ayant été rendue, M. Z... a saisi le tribunal pour demander l'annulation de la vente, la restitution de la somme de 1 400 000 francs par lui versée ainsi que des dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen :

Vu le principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et l'article 1116 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande en annulation de la vente, la cour d'appel énonce que, même s'il peut être admis l'existence d'une manoeuvre commise de concert par les trois intimés pour inciter M. Z... à acquérir le lot de statuettes pour une somme sans proportion à leur valeur réelle, il n'en reste pas moins que celui-ci s'est déterminé, non en raison d'une valeur qu'il aurait attribuée de façon erronée aux objets en cause, mais en raison de la croyance qu'il avait de les revendre, à un prix "alléchant", à un acheteur enthousiaste, déjà client ; qu'elle considère qu'un tel comportement, "signe de cupidité", est nécessairement illicite et justifie que soit fait application de l'adage précité ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que M. Z... avait été victime de manoeuvres dolosives exercées, de façon concertée, par les défendeurs dans le seul dessein de lui soutirer une somme d'argent importante, ce dont il s'ensuivait que la vente était nulle et que le principe selon lequel "nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude" ne pouvait recevoir application, peu important que l'intéressé ait lui-même agi en croyant réaliser un profit substantiel non justifié, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe précité et, par refus d'application, l'article 1116 du Code civil ;

Sur le second moyen :

Vu le principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour débouter M. Z... de sa demande en dommages-intérêts, la cour d'appel relève qu'il convient de lui opposer sa propre turpitude ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le principe susvisé ne s'applique pas en matière délictuelle, la cour d'appel a violé, par fausse application, ce principe et, par refus d'application, l'article 1382 du Code civil ;

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE

Publication : Bulletin 2004 I N° 182 p. 151
D. 2005, pan. 189, obs. D. Mazeaud
JCP 2005, II, 10006, note Eyraud ; I 132, obs. G. Vi,ey
Dr. et patr. nov. 2004, p. 82, obs. Chauvel
RTDCiv. 2004, 503, obs. Mestre et Fages