Cour de cassation
chambre mixte
Audience publique du vendredi 27 février 1970

N° de pourvoi: 68-10276
Publié au bulletin Cassation

SUR LE MOYEN UNIQUE :
VU L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL;

ATTENDU QUE CE TEXTE, ORDONNANT QUE L'AUTEUR DE TOUT FAIT AYANT CAUSE UN DOMMAGE A AUTRUI SERA TENU DE LA REPARER, N'EXIGE PAS, EN CAS DE DECES, L'EXISTENCE D'UN LIEN DE DROIT ENTRE LE DEFUNT ET LE DEMANDEUR EN INDEMNISATION;

ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE, STATUANT SUR LA DEMANDE DE LA DAME X... EN REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT POUR ELLE DE LA MORT DE SON CONCUBIN PAILLETTE, TUE DANS UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION DONT DANGEREUX AVAIT ETE JUGE RESPONSABLE, A INFIRME LE JUGEMENT DE PREMIERE INSTANCE QUI AVAIT FAIT DROIT A CETTE DEMANDE EN RETENANT QUE CE CONCUBINAGE OFFRAIT DES GARANTIES DE STABILITE ET NE PRESENTAIT PAS DE CARACTERE DELICTUEUX, ET A DEBOUTE LADITE DAME X... DE SON ACTION AU SEUL MOTIF QUE LE CONCUBINAGE NE CREE PAS DE DROIT ENTRE LES CONCUBINS NI A LEUR PROFIT VIS-A-VIS DES TIERS;

QU'EN SUBORDONNANT AINSI L'APPLICATION DE L'ARTICLE 1382 A UNE CONDITION QU'IL NE CONTIENT PAS, LA COUR D'APPEL A VIOLE LE TEXTE SUSVISE;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre MIXTE N. 1 P. 1
1937, arrêt Metenier : la Cour de cassation affirmait qu'un concubin ne pouvait engager la responsabilité du tiers ayant causé le décès ou des dommages à son compagnon, pour obtenir réparation de son préjudice subi par ricochet. La chambre criminelle avait abandonné cette position : concubin pouvait se porter partie civile en cas d'infraction. L'opposition entre les chambres civiles et la chambre criminelle prend fin avec cet arret de 1970

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 29 mai 2001

N° de pourvoi: 00-83902
Publié au bulletin Cassation partielle

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par X..., contre un arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, chambre correctionnelle, en date du 9 mai 2000, qui, dans la procédure suivie contre Y... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la loi du 5 juillet 1985, 1382 du Code civil, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a débouté X... de sa demande en réparation du préjudice économique qu'elle a subi à la suite du décès de son concubin, M. Z... ;

" aux motifs qu'"il est constant et au demeurant établi par les attestations produites qu'à l'époque du décès de Z... (6 mars 1997), X..., sans profession, vivait en concubinage avec ce dernier depuis 1995 ; qu'eu égard à la brève durée du concubinage (un peu plus d'un an), rien ne permet d'affirmer que les deux concubins auraient vécu ensemble leur vie durant ; qu'en outre, X... ne fournit pas plus d'éléments sur une éventuelle vie professionnelle antérieure et sur ses capacités à subvenir seule à ses besoins que sur la part de ressources que chacun des concubins consacrait à ses besoins personnels et de celle qui était mise en commun ; que, dans ces conditions, X... n'établissant pas avoir subi un préjudice pécuniaire du fait du décès de Z..., le tribunal l'a, à bon droit, déboutée de sa demande de ce chef" ;

" alors, d'une part, que les juges du fond sont tenus de prendre en compte tous les chefs de dommage découlant des faits, objet de la poursuite, pour en réparer l'intégralité ; qu'en l'espèce, les juges du fond, qui avaient, d'une part, admis l'existence d'un préjudice moral subi par X... du fait du décès de son concubin, en raison d'un concubinage présentant nécessairement toutes les garanties de stabilité requises, et qui constataient, d'autre part, que X... était sans profession à l'époque du décès, courant 1997, et vivait en concubinage avec la victime depuis 1995, ne pouvaient exclure l'indemnisation du préjudice économique résultant de la brusque cessation de l'assistance dont elle bénéficiait incontestablement de la part de son concubin, en retenant l'éventualité d'une "hypothétique" séparation qui aurait pu intervenir dans le futur, au lieu de rechercher si la partie civile ne subissait pas, au jour du décès de son concubin, un préjudice pécuniaire certain, résultant tout à la fois de la cessation de l'assistance dont elle bénéficiait et de la perte d'une chance qu'elle pouvait avoir de continuer à être assistée dans l'avenir ;

" alors, d'autre part, que la partie civile faisait valoir dans ses conclusions qu'elle n'avait pas d'activité professionnelle, qu'elle vivait des revenus de son compagnon, et n'était donc pas en mesure de fournir des éléments établissant sa capacité à subvenir seule à ses besoins ; elle indiquait avoir vocation à bénéficier de la moitié des revenus de son compagnon ; qu'en rejetant la demande en réparation du préjudice économique de la jeune femme, en considérant qu'elle ne fournissait pas d'éléments sur sa vie professionnelle antérieure et sur ses capacités à subvenir seule à ses besoins, ainsi que sur la part des revenus mise en commun par les concubins, la cour d'appel, qui devait rechercher, au vu des éléments de fait qui lui étaient soumis, si la partie civile ne subissait pas un dommage pécuniaire du fait du décès de son concubin et de la cessation totale de l'assistance dont elle bénéficiait, a privé sa décision de motifs, en ne s'expliquant pas sur les justificatifs produits par X... sur ce point " ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que Z..., ouvrier agricole, est décédé dans un accident de la circulation dont Y... a été condamné à réparer intégralement les conséquences dommageables ; que X..., qui vivait maritalement avec la victime décédée, a demandé l'indemnisation des préjudices économiques subis par elle-même et par leur enfant, âgé de six semaines au moment de l'accident, en faisant valoir qu'étant sans profession, elle était à la charge de son concubin ; que les premiers juges ont alloué une indemnité en réparation du préjudice économique subi par l'enfant, mais ont écarté la demande d'indemnisation de celui de X... ;

Attendu que, pour confirmer cette décision, les juges du second degré, après avoir relevé que la vie commune des concubins avait duré un an et demi, retiennent que rien ne permet d'affirmer que les concubins auraient vécu ensemble leur vie durant ; qu'ils ajoutent que X... ne produit pas de justifications concernant " son éventuelle vie professionnelle antérieure, ses capacités à subvenir seule à ses besoins, et la part de ressources que chacun des concubins consacrait à ses besoins personnels et celle qui était mise en commun " ;

Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, pour partie emprunts de contradiction voire inopérants, la juridiction du second degré a privé sa décision de base légale ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs : CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin criminel 2001 N° 134 p. 409