Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 7 avril 2011

N° de pourvoi: 10-13544
Non publié au bulletin Cassation

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Bull (la société) a souscrit au profit de ses salariés un contrat collectif de prévoyance à adhésion obligatoire garantissant les risques décès, incapacité et invalidité, ainsi que, pour son personnel ou leurs conjoints, un contrat à adhésion facultative les faisant bénéficier de prestations à coût réduit et d'une assurance décès complémentaire ; que M. X... a adhéré au contrat d'assurance obligatoire et a rempli le 28 mai 1979 un bulletin d'affiliation au régime facultatif de prévoyance du personnel, pour lui et son épouse ; qu'ayant été licencié il a demandé le maintien de leur affiliation au régime de prévoyance de la société ;
que l'assureur a refusé de lui verser le capital décès qu'il réclamait à la suite du décès de son épouse ; que, soutenant que la société avait manqué à son devoir de conseil et d'information, M. X... l'a fait assigner en indemnisation ;

Attendu que le moyen unique du pourvoi incident n'est pas de nature à permettre son admission ;

Mais, sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que, pour limiter à une certaine somme le montant des dommages-intérêts dus à M. X... en raison du manquement de la société à son obligation d'information, l'arrêt retient que celui-ci a commis une faute et n'a pas été suffisamment attentif lors de la souscription des contrats ; qu'il ne peut se plaindre de n'avoir pas reçu de notices d'information émanant de l'assureur puisqu'il les verse aux débats ; qu'il est précisé à la notice relative aux régimes facultatifs que la société a pris l'initiative de les créer pour permettre au personnel de compléter, s'il le désire, les prestations offertes par les régimes obligatoires ; qu'il apparaît donc que le régime de prévoyance facultative est à l'initiative des personnes qui veulent s'assurer ;

Qu'en statuant ainsi, tout en retenant, d'abord, que les documents reçus par lui après son licenciement et relatifs à la demande de maintien de son affiliation aux régimes de prévoyance. ne mentionnaient pas la distinction à opérer entre les deux régimes, ensuite, qu'en n'attirant pas suffisamment l'attention de M. X... sur le fait qu'ils ne visaient que le régime de l'assurance obligatoire, la société a pu lui laisser croire que sa demande de maintien de l'affiliation concernait en même temps l'assurance facultative, ce qui lui faisait perdre une chance sérieuse de souscrire un nouveau contrat au profit de son épouse, la cour d'appel n‘a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Ghestin, avocat aux conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 50 000 euros la somme due par la société BULL à Monsieur X... à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE M. X... reproche à la société BULL de n'avoir pas respecté ses obligations en qualité de souscriptrice d'un contrat groupe et de n'avoir pas satisfait à son devoir de conseil au moment de son licenciement ; que ces fautes sur le fondement de l'article 1382 du Code civil justifient selon lui l'allocation de dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs au montant des indemnités auxquelles il aurait pu prétendre ; que licencié le 27 septembre 2001, M. X... a signé le 16 mars 2002 un document intitulé DEMANDE DE MAINTIEN DE L'AFFILIATION AUX REGIMES DE PREVOYANCE BULL APRES LICENCIEMENT OU SUSPENSION DE CONTRAT » ; qu'il a fait le choix des risques suivants «prévoyance décès – décès IAD – incapacité invalidité ; Prévoyance maladie – couverture affilié – couverture conjoint » ; qu'il a reçu le 8 avril 2002 une lettre de la société BULL lui rappelant qu'il pouvait bénéficier du maintien des garanties du régime de prévoyance BULL, à savoir – le maintien de la garantie décès avec ou sans incapacité – le maintien de la couverture maladie pour vous-même et vos enfants à charge exclusivement et ou également pour votre conjoint et qu'elle y a annexé la DEMANDE DE MAINTIEN DE L'AFFILIATION AUX REGIMES DE PREVOYANCE BULL APRES LICENCIEMENT OU SUSPENSION DE CONTRAT ; que dans une correspondance du 23 avril 2002, la société BULL lui a confirmé qu'il avait souhaité bénéficier du maintien de l'affiliation au régime de prévoyance Bull après son départ et qu'il avait opté en faveur du maintien des couverture suivantes « prévoyance capital décès avec incapacité/assiette 100%, Mutuelle Bull avec cotisation conjoint » ; que par ailleurs, il ressort des bulletins de paye que la cotisation assurance Décès Complémentaire (ADC) y figurait pour la somme de 756,37 € ; que l'ensemble de ces documents ne fait pas mention de la distinction à opérer entre le régime obligatoire et le régime facultatif, hormis dans la lettre du 8 avril 2002 la phrase suivante « il vous appartient de décider si vous souhaitez conserver le bénéfice de tout ou partie de ces garanties du régime obligatoire des actifs », mais qui se trouve noyé dans d'autres informations et qui surtout n'est pas opposé au régime facultatif, que l'attention du lecteur est surtout attiré par le formulaire joint en annexe, écrit en caractère majuscule et gras « DEMANDE DE MAINTIEN DE L'AFFILIATION AUX REGIMES DE PREVOYANCE BULL APRES LICENCIEMENT OU SUSPENSION DE CONTRAT » ; qu'ainsi en n'attirant pas suffisamment l'attention de M. X... sur le fait que ces courriers ne visaient que le régime de l'assurance obligatoire, la société BULL a pu laisser croire à ce dernier que sa demande de maintien de l'affiliation concernait en même temps les risques souscrits au profit de l'assurance facultative dans la mesure où il fait mention d'un capital décès et de conjoint ; que cette ambiguïté lui a ainsi fait perdre une chance sérieuse de souscrire un nouveau contrat au profit de son épouse ; qu'également M. X... n'a pas été suffisamment attentif lors de la souscription des contrats ; qu'il ne peut pas se plaindre de n'avoir pas reçu de notices d'information émanant du GAN puisqu'il verse aux débats sous les pièces numérotées 1 et 2 ; qu'il est précisé à la notice d'information des régimes facultatifs qu'outre les mutuelles, BULL a pris l'initiative de créer des régimes facultatifs permettant au personnel de compléter, s'il le désire, les prestations offertes par les régimes obligatoires » ; qu'il apparait donc que le régime de prévoyance est à l'initiative des personnes qui veulent s'assurer ; que compte tenu de la faute également commise par M. X..., la société BULL sera condamnée à lui verser une somme globale de 50 000 euros (arrêt attaqué p. 3 dernier alinéa, p. 4 al. 1 à 7) ;

1°) ALORS QUE le souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe est tenu d'une obligation d'information auprès de l'adhérent ; qu'il doit l'éclairer sur l'adéquation du risque couvert à sa situation personnelle, la remise d'une notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a retenu que, compte tenu de l'ambiguïté de ses courriers des 8 et 23 avril 2002, la société BULL n'avait pas suffisamment attiré l'attention de Monsieur X..., sur le fait que le maintien de son affiliation au régime de prévoyance après licenciement ne visait que l'assurance obligatoire à l'exclusion de l'assurance facultative ; qu'en affirmant néanmoins que Monsieur X... avait lui-même commis une faute d'inattention dès lors qu'il avait reçu les notices d'information émanant du GAN, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2°) ALORS QUE la notice relative à l'assurance facultative mentionnait, ainsi que le précise le jugement entrepris (p. 6 al. 6), que « cette assurance a pour objet de garantir le versement d'une somme déterminée aux ayants droits d'un salarié en cas de décès de celui-ci et éventuellement le versement d'une somme au salarié en cas de décès du conjoint » ; qu'il ne résultait pas de cette notice qu'en cas de maintien de l'affiliation au régime de prévoyance BULL après licenciement, cette garantie ne serait elle-même pas maintenue ; qu'en affirmant néanmoins que Monsieur X... avait commis une faute d'inattention en l'état de l'information contenue dans cette notice sans exposer en quoi celle-ci lui permettait d'être informé sur l'objet exact des garanties souscrites en cas de maintien de l'affiliation après licenciement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux conseils pour la société Bull

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Bull à verser à M. X... une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,

Aux motifs qu' « en n'attirant pas suffisamment l'attention de M. X... sur le fait que les courriers qui lui était destinés ne visaient que le régime de l'assurance obligatoire, la société BULL a pu laisser croire à ce dernier que sa demande de maintien de l'affiliation concernait en même temps les risques souscrits au titre de l'assurance facultative ; que cette ambiguïté lui a ainsi fait perdre une chance sérieuse de souscrire un nouveau contrat au profit de son épouse »,

Alors qu'en évaluant le préjudice de M. X... à la perte d'une chance sérieuse de souscrire un nouveau contrat au profit de son épouse quand de l'aveu même de ce dernier, l'affection qui a atteint son épouse en 2000 la rendait dès ce moment inassurable auprès d'une quelconque compagnie d'assurance, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.