Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 avril 2016

N° de pourvoi: 15-14888
Non publié au bulletin Cassation


Sur le moyen unique :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2014), que, par une promesse de vente du 17 avril 2009, Mme X... a vendu à M. Y... les murs d'un local commercial et un fonds de commerce de lingerie, mercerie, bonneterie au prix de 265 000 euros ; que la vente a été réitérée, par acte authentique reçu le 6 juillet 2009, par la société civile professionnelle B... (SCP) ; qu'ayant appris qu'une modification du règlement de copropriété du 8 janvier 2008, publiée le 16 octobre 2008, interdisait l'exploitation de tout commerce ou magasin de restauration dans l'immeuble, M. Y... a assigné la SCP en paiement de la somme de 115 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de conseil ; qu'un arrêt mixte du 15 janvier 2014 a dit que la SCP avait manqué à son devoir de conseil et a rouvert les débats sur le préjudice ;

Attendu que, pour rejeter la demande indemnitaire de M. Y..., l'arrêt retient que, pour démontrer son intention de modifier l'activité en restauration rapide, sandwicherie, crêperie, laquelle doit s'être manifestée au plus tard au moment de la signature de l'acte authentique pour apprécier la perte de chance de renoncer à signer ledit acte du fait de la modification du règlement de copropriété et de l'impossibilité d'exercer une activité de restauration dans les lieux, M. Y... fait état de son curriculum vitae et de diverses attestations, que le fait que M. Y... ait précédemment rempli des fonctions en lien avec la restauration ou soit gérant d'un restaurant n'est pas suffisant à établir cette intention, les pièces relatives à l'acquisition de matériels le 20 août 2009, au business plan solveig établi le 23 décembre 2009 et aux contacts avec Mme Z..., gérante d'une crêperie en juillet 2009 et avec Mme A..., du pôle création d'entreprise, en 2010, sont postérieures à la signature de l'acte authentique, que l'attestation de l'expert-comptable relate un rendez-vous avec M. Y... en avril 2009 au cours duquel a été évoqué le changement possible d'activité, qu'il apparaît néanmoins que M. Y... entendait préalablement liquider le stock de la mercerie lingerie et ensuite faire des travaux de conformité et qu'il s'ensuit que son intention de modifier l'activité du fonds de commerce n'était donc pas établie de manière ferme ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la perte de chance implique seulement la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain, après avoir constaté que le parcours professionnel de M. Y... était exclusivement tourné vers l'activité de restauration et qu'il avait pris des contacts avec des professionnels avant ou dans un temps très rapproché de la signature de l'acte authentique en vue d'une modification de l'activité en un commerce de restauration rapide, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;