Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 14 mai 2009

N° de pourvoi: 08-15899
Publié au bulletin Cassation

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu qu'un avocat n'engage pas sa responsabilité professionnelle en ne soulevant pas un moyen de défense inopérant ; que, toutefois, tenu d'accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client et investi d'un devoir de compétence, l'avocat, sans que puisse lui être imputé à faute de n'avoir pas anticipé une évolution imprévisible du droit positif, se doit de faire valoir une évolution jurisprudentielle acquise dont la transposition ou l'extension à la cause dont il a la charge a des chances sérieuses de la faire prospérer ;

Attendu qu'à la suite d'un accident du travail survenu au salarié d'une entreprise intervenant sur le site de la construction d'une centrale électrique, M. X..., chef de chantier, bénéficiaire d'une délégation de pouvoir de son employeur en matière de sécurité, a, par arrêt d'une chambre des appels correctionnels en date du 22 mars 2001, été déclaré coupable du délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à trois mois et d'infractions aux règles de sécurité et, sur l'action civile, personnellement responsable des conséquences dommageables des faits retenus à son encontre ; que, lors de ces instances, il était assisté par M. Y..., avocat ; qu'il a été ultérieurement, dans l'instance sur les intérêts civils, condamné à payer une certaine somme à la victime et à sa famille ; qu'il a alors assigné M. Y... et la SELARL Gangate-Rapady en responsabilité, reprochant à son avocat de n'avoir pas invoqué, lors des instances devant les juridictions pénales statuant sur l'action civile, le nouveau principe de l'immunité civile du préposé énoncé par l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 25 février 2000, dit arrêt Costedoat ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses prétentions l'arrêt retient que, si par un arrêt du 23 janvier 2001 de la chambre criminelle de la Cour de cassation le principe invoqué a été reconnu pertinent même pour les instances pénales, l'avocat ayant, en l'espèce, plaidé devant la chambre des appels correctionnels le 15 février 2001, c'est-à-dire à une date à laquelle il ne pouvait être matériellement en possession dudit arrêt, eu égard au délai nécessaire de publication, il ne saurait lui être fait grief de ne pas s'en être prévalu dans ses moyens de défense, qu'il ne peut lui être fait obligation de prévoir ou de tenir compte d'une évolution jurisprudentielle dès lors que son obligation n'est que de moyen et que sa faute n'est donc pas établie ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à exonérer l'avocat de sa responsabilité dès lors qu'il résultait des circonstances factuelles à l'origine de la condamnation de M. X... que celui-ci, préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs, avait agi dans l'exercice normal de ses attributions, de sorte qu'en omettant d'invoquer le principe dégagé un an auparavant par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation et transposable, dans l'instance sur intérêts civils, au préposé dont la responsabilité civile était recherchée à la suite d'infractions non intentionnelles ayant causé un préjudice à un tiers, qu'il avait commises dans l'exercice de ses fonctions, son avocat lui avait fait perdre une chance de bénéficier de l'immunité civile, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté un préposé (M. X..., l'exposant) qui, bénéficiaire d'une délégation de pouvoir de son employeur en matière de sécurité, avait été déclaré, par une décision pénale définitive, personnellement responsable des conséquences dommageables d'un accident du travail dont un tiers avait été victime, de son action en réparation contre son avocat (Me Y... et sa SELARL) fondée sur la faute commise par celui-ci dans la défense de ses intérêts pour n'avoir pas invoqué le principe, adopté, un an avant l'audience de plaidoirie devant la juridiction pénale, par un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 25 février 2000 selon lequel le préposé qui avait agi dans les limites de ses attributions n'était pas personnellement responsable envers les tiers ;

AUX MOTIFS QUE les intéressés soutenaient que le principe posé dans l'arrêt invoqué du 25 février 2000, prononcé dans une affaire purement civile, avait fait l'objet de nombreux commentaires en doctrine et que certains auteurs éminents émettaient de sérieuses réserves quant à son applicabilité en matière pénale en raison de l'article 2 du Code de procédure pénale s'y opposant ; qu'ils expliquaient que ce principe ne pouvait être considéré comme constituant une jurisprudence, le seul fait qu'il émanât d'un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation et qu'il fût intervenu depuis une année n'étant pas suffisant pour lui conférer ce caractère ; que, toutefois, si, par un arrêt du 23 février 2001 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, le principe avait été reconnu pertinent même pour les instances pénales, l'avocat ayant en l'espèce plaidé devant la cour d'appel de SAINT DENIS DE LA REUNION le 15 février 2001, c'est-à-dire à une date à laquelle il ne pouvait être matériellement en possession dudit arrêt, eu égard au délai nécessaire de publication, il ne pouvait lui être fait grief de ne pas s'en être prévalu dans ses moyens de défense ; qu'il ne pouvait lui être fait obligation de prévoir ou de tenir compte d'une évolution jurisprudentielle, dès lors que son obligation n'était que de moyens ; que sa faute n'était donc pas établie ;

ALORS QUE, d'une part, l'avocat a l'obligation de tenir compte de l'évolution jurisprudentielle à partir du moment où celle-ci est favorable aux intérêts de son client ; qu'en érigeant en principe, pour déclarer que la faute du conseil de l'exposant n'était pas établie, que le premier n'était pas obligé de tenir compte d'une évolution jurisprudentielle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

ALORS QUE, d'autre part, tenu d'une obligation de moyens, l'avocat doit tout mettre en oeuvre pour assurer la défense de son client, en invoquant notamment tous les moyens qui ont une chance d'être accueillis, quand bien même ceux-ci n'auraient pas encore été consacrés par la jurisprudence ; qu'en l'espèce, le principe selon lequel le préposé qui a agi dans les limites de ses attributions n'est pas responsable envers les tiers avait été consacré en matière civile par un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation, sans compter qu'une partie de la doctrine avait considéré que l'application dudit principe en matière pénale ne faisait pas difficultés, tandis que le juge pénal qui statue sur les intérêts civils applique les règles du droit civil ; qu'en déclarant que la preuve d'une faute de l'avocat n'était pas établie pour la raison qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas s'être prévalu dans ses moyens de défense du principe posé par l'arrêt de l'assemblée plénière du 25 février 2000 dans une affaire purement civile et que, par ailleurs, lorsqu'il avait plaidé l'affaire devant la cour d'appel, le 15 février 2001, il ne pouvait connaître l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 23 janvier 2001 qui avait reconnu la pertinence du principe susvisé même pour les instances pénales, considérant ainsi qu'il ne pouvait être reproché à l'avocat de ne pas avoir invoqué un principe consacré un an avant sa plaidoirie par l'assemblée plénière de la Cour de cassation, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.

Publication : Bulletin 2009, I, n° 92

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 7 avril 2009

N° de pourvoi: 08-17778
Publié au bulletin Cassation partielle

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil ensemble l'article R*196-1 c du livre des procédures fiscales ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Serpolette (la société), qui exerçait l'activité de loueur professionnel, soutenant avoir formulé en octobre 1991, puis par lettre recommandée du 26 août 1992 une demande de remboursement de crédit de TVA, faute de réponse de l'administration fiscale, a interrogé celle-ci en août 1994 laquelle lui a répondu qu'elle n'avait pas eu trace de ces demandes ; que le 1er juin 1995, la société a adressé une demande qui a été rejetée par l'administration fiscale le 30 juin 1995 ; que le tribunal administratif a déclaré tardive la réclamation du 1er juin 1995 et rejeté les prétentions relatives aux demandes antérieures au motif que la société ne rapportait pas la preuve de la réalité de leur envoi dans les délais légaux ; que la SCP d'avocats X... et Z... (la SCP), à laquelle la société avait confié la défense de ses intérêts devant la cour administrative d'appel, a déposé une requête d'appel aux fins d'annulation du jugement, qui a été déclarée irrecevable, au motif qu'elle se bornait à reprendre la même argumentation, sans autrement critiquer le jugement entrepris ; que la société a recherché la responsabilité professionnelle de la SCP pour avoir introduit une requête d'appel ne contenant aucun moyen critiquant le jugement ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir retenu la faute de la SCP, constate que la société qui ne justifie pas avoir déposé une demande de remboursement de TVA avant le 31 janvier 1993, n'avait pas de chance sérieuse de succès dans le recours qu'elle a tenté d'initier devant la cour administrative d'appel et qu'en conséquence, elle ne démontre pas que la faute commise par la SCP lui aurait fait perdre une chance de voir reconnaître le bien-fondé de son recours ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer comme il lui était demandé sur l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée aux services fiscaux comportant le cachet de ces services au 4 septembre 1992, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin 2009, IV, n° 49