Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 28 janvier 2010

N° de pourvoi: 08-20571
Non publié au bulletin Cassation partielle

Attendu que Mme X..., alors âgée de 79 ans, à la suite d'une reprise de prothèse de hanche effectuée le 2 octobre 2001 par M. Y..., chirurgien othopédiste exerçant au sein de la société Clinique des Hauts-de-Seine, Hôpital privé à Antony (l'Hôpital privé), a présenté une infection bactérienne ; que malgré la mise en place d'une antibiothérapie, un descellement de la prothèse d'origine septique a nécessité son ablation totale, entraînant une perte d'autonomie pour Mme X... qui a dû être admise en maison de retraite ; que l'assureur de l'établissement ayant refusé sa garantie, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et nosocomiales (ONIAM) a indemnisé la patiente, puis exercé une action subrogatoire en responsabilité contre l'établissement et contre le chirurgien ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour limiter à 50 % les sommes dues à l'ONIAM au titre des préjudices subis par Mme X..., l'arrêt retient que les experts ont précisé que l'âge de la victime intervient comme un facteur péjoratif dans le risque infectieux post-opératoire et qu'il y a lieu, dans l'évaluation des préjudices, de tenir compte de son passé médical antérieur, étant rappelé qu'il s'agissait d'une intervention chirurgicale programmée sur un terrain présentant des risques liés d'une part à l'âge et d'autre part au fait d'un geste itératif de remplacement de prothèse, lesquels risques se sont d'ailleurs réalisés sous forme d'une infection nosocomiale avec sa spirale thérapeutique conséquente ;
que, dès lors, il convient de considérer que l'état de santé de Mme X... étant altéré par ses antécédents, le préjudice subi lui a fait perdre une chance d'éviter les séquelles liées à la dépose de la prothèse rendue nécessaire par l'infection, cette dépose ayant entraîné une perte de longueur du membre inférieur ainsi qu'une perte de mobilité et d'autonomie ;

Qu'en statuant ainsi, quand le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1142-1 alinéa 1er du code de la santé publique ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, alors seul applicable, les médecins, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute et qu'en vertu de l'alinéa 2, les établissements de santé où sont réalisés ces actes sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ;

Attendu que pour condamner M. Y... et son assureur in solidum avec l'Hôpital privé à payer certaines sommes au titre des préjudices subis par Mme X... et à rembourser l'organisme social, la cour d'appel retient que les établissements de santé privés et les médecins sont tenus vis-à-vis de leurs patients, en matière d'infection nosocomiale, notamment d'origine bactérienne s'agissant de "staphylocoques", d'une obligation de sécurité de résultat dont ils ne peuvent se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère au sens de l'article 1147 du code civil et qu'à défaut de rapporter la preuve d'une telle cause, il convient de les condamner in solidum à indemniser le préjudice subi par Mme X... et à rembourser l'organisme social ;

Qu'en mettant ainsi à la charge de M. Y... la responsabilité de l'intégralité des conséquences de l'infection nosocomiale sans relever aucune faute de sa part à l'origine de cette infection, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité à 58 529,25 euros au titre des préjudices patrimoniaux et 26 525,50 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis par Mme X... avec les intérêts au taux légal depuis l'assignation et capitalisation, les sommes accordées à l'ONIAM au titre de son recours subrogatoire et en ce qu'il a condamné M. Y... et son assureur, in solidum avec l'Hôpital privé d'Antony et son assureur à payer la somme de 58 539,25 euros au titre des préjudices patrimoniaux et celle de 26 525,50 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis par la victime ainsi que celles de 23 078,72 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 12 034,39 euros au titre des dépenses de santé futures, l'arrêt rendu le 11 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;