Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 23 février 1994 Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que la ville de Montpellier a confié à la Société
montpelliéraine des transports urbains (SMTU) l'exploitation d'un parc
de stationnement souterrain ; que l'ouvrage réalisé par la Société
d'équipement de la région montpelliéraine a été
réceptionné le 21 septembre 1982 ; que, le 28 octobre suivant,
des pluies torrentielles, qui ont fait l'objet d'un arrêté de catastrophes
naturelles, se sont abattues sur la région de Montpellier ; que le parc
de stationnement a été inondé et que le véhicule
de Mme Broquerie, placé en stationnement, ainsi que divers matériels
qu'il contenait appartenant à M. Peitrera et à la clinique de
Lavalette ont été endommagés ; que Mme Broquerie, M. Pietrera
et la clinique de Lavalette ont assigné la SMTU en réparation
de leur entier dommage ; que la SMTU s'est prévalue de la clause exonératoire
de responsabilité mentionnée sur le billet d'accès et selon
laquelle : " les usagers circulent et stationnent à leurs risques
et périls. L'utilisation du présent ticket donne droit au stationnement
du véhicule mais ne constitue nullement un droit de garde et de dépôt
du véhicule, de ses accessoires et des objets laissés à
l'intérieur " ; que l'arrêt attaqué (Montpellier, 27
novembre 1991), retenant que la SMTU avait commis une faute lourde, faisant
échec à l'application de la clause précitée, l'a
déclarée responsable du sinistre ;
Attendu que la SMTU reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué,
alors, selon le moyen, d'une part, qu'en soulevant d'office le moyen tiré
de la faute lourde, sans provoquer au préalable les explications des
parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure
civile, alors, d'autre part, que la faute lourde, excluant le bénéfice
d'une clause d'irresponsabilité, suppose une négligence d'une
extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude
du cocontractant à accomplir la mission contractuelle qu'il a acceptée
; qu'en retenant une faute lourde à la charge de la SMTU, sans caractériser
que l'omission de s'assurer du verrouillage de deux des dix-huit regards du
siphon, constituait, de sa part, une négligence d'une extrême gravité
confinant au dol et dénotait son inaptitude à exécuter
son obligation contractuelle consistant à mettre à la disposition
de l'utilisateur du parking un emplacement de stationnement, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1150 du Code civil ; et alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait retenir
une faute lourde à la charge du concessionnaire du parking pour n'avoir
pas vérifié le verrouillage des regards sans répondre aux
conclusions du concessionnaire faisant valoir que les contrôles des regards
incombaient au Bureau de contrôle et au maître d'ouvrage délégué
; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de
procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la SMTU avait manqué
à son obligation essentielle de mettre à la disposition
de l'utilisateur la jouissance paisible d'un emplacement pour lui permettre
de laisser sa voiture en stationnement, la cour d'appel a exactement retenu
que sa responsabilité contractuelle était engagée
envers les propriétaires des véhicules endommagés
par une inondation qui ne présentait pas, pour elle, les caractères
d'une cause étrangère ; qu'ainsi, abstraction faite des motifs
surabondants critiqués par le moyen, qui tendent à écarter
l'application d'une clause dont l'objet était de décharger la
SMTU des obligations, étrangères au litige, d'un gardien
ou d'un dépositaire, la décision se trouve légalement justifiée
; d'où il suit que les trois branches du moyen sont inopérantes
;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1994 I N° 76 p. 59
Dalloz, 1995-04-06, n° 14, p. 214, note N. Dion
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 4 juillet 1995 Rejet.
Attendu que, selon les juges du fond la société Delrieu-Duprat,
agence de publicité (devenue DDAMGTB) a été chargée
par le Crédit foncier de France de la réalisation d'un film publicitaire
concernant le lancement d'un emprunt public, en mars 1987 ; que l'agence a confié
la réalisation technique à la société de production
PHP, qui a sous-traité la confection des copies à la société
Télétota ; qu'en cours de réalisation, le film a dû
être modifié à la suite du changement du taux d'intérêts,
initialement fixé à 9,20 %, qui a été porté
à 9,33 % ; que cependant, à la suite d'une erreur de manipulation,
le film diffusé à la télévision mentionnait le taux
erroné de 9,20 % ; que l'agence de publicité a fait assigner le
producteur et la Régie française de publicité (RFP), organisme
de contrôle des émissions publicitaires, pour obtenir leur condamnation
solidaire au paiement de dommages-intérêts ; que PHP a appelé
en garantie Télétota, et que la RFP a soulevé l'incompétence
à son égard des juridictions de l'ordre judiciaire ; que la cour
d'appel, dans un premier arrêt (Paris, 23 janvier 1992) a condamné
PHP à payer à la DDAMGTB 1 800 000 francs de dommages-intérêts,
et Télétota à garantir PHP à concurrence du quart
; que dans un second arrêt, du 14 mai 1992, la cour d'appel a jugé
que les demandes formées contre la RFP relevaient de la compétence
de la juridiction administrative ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Télétota
:
Attendu que la société Télétota fait grief à
l'arrêt du 23 janvier 1992 de l'avoir condamnée à garantir
la société PHP à concurrence d'un quart de la condamnation
prononcée au profit de DDAMGTB, en retenant contre elle une faute lourde
lors de la remise de la copie du film pour sa diffusion à la télévision,
alors que l'obligation de remettre le film incombait à PHP, producteur,
et non à Télétota, sous-traitant, qui agissait pour le
compte et sous l'entière responsabilité de PHP, en vertu d'une
clause limitative de responsabilité ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu à l'encontre de la société Télétota chargée de la réalisation technique des copies du film destinées à la diffusion, l'erreur grossière ayant consisté à ne pas vérifier que le message remis au client comportait la rectification demandée quelques heures plus tôt, concernant le taux de l'emprunt ; que les juges du second degré ont pu admettre que cette faute lourde faisait échec à la clause limitative de responsabilité, et ont ainsi légalement justifié leur décision sur le partage de responsabilité ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches, et les moyens uniques des pourvois incidents des sociétés PHP et DDAMGTB, pris en leurs trois branches :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir,
par son arrêt du 14 mai 1992, décidé que les demandes relatives
à la RFP relevaient de la compétence du juge administratif, alors
que, d'une part, le contrôle exercé par la RFP ne résulte
pas de prérogatives de puissance publique, et n'a pas le caractère
administratif, ne donnant lieu qu'à un visa indicatif concernant la déontologie
publicitaire, alors que, d'autre part, la cour d'appel aurait dû rechercher
si la RFP, même agissant dans le cadre d'une délégation
de la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL)
n'exécutait pas une mission de service public industriel et commercial,
ce qui justifiait la compétence de la juridiction judiciaire, et alors,
enfin, qu'il n'aurait pas été répondu aux conclusions prises
sur ce point par les sociétés Télétota, PHP et DDAMGTB
;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le contrôle exercé
par la RFP sur les messages publicitaires destinés à la télédiffusion
procédait d'une délégation de la CNCL, autorité
administrative indépendante chargée par la loi du 30 septembre
1986 de la mission générale de veiller au principe de la liberté
de communication, notamment par le contrôle de la programmation des émissions
publicitaires ; que la cour d'appel en a justement déduit que le litige
mettant en cause la responsabilité de la RFP dans l'exécution
de cette mission de service public administratif relevait, comme tel, de la
juridiction administrative ; qu'elle a ainsi, sur ce point encore, légalement
justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois principal et incidents.
Publication : Bulletin 1995 I N° 298 p. 208