Faurecia 2 : - Cour de cassation - Chambre commerciale,
financière et économique ; Arrêt n°
732 du 29 juin 2010 (09-11.841)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2008), que la
société Faurecia sièges d’automobiles (la société
Faurecia), alors dénommée Bertrand Faure équipements, a
souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel intégré
couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ;
qu’elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société
Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu’un
contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont
été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia
et Oracle, tandis qu’un contrat de mise en oeuvre du “programme
Oracle applications” a été signé courant juillet
1998 entre ces sociétés ; qu’en attendant, les sites ibériques
de la société Faurecia ayant besoin d’un changement de logiciel
pour passer l’an 2000, une solution provisoire a été installée
; qu’aux motifs que la solution provisoire connaissait de graves difficultés
et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société
Faurecia a cessé de régler les redevances ; qu’assignée
en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société
Oracle avait cédé ces redevances, la société Faurecia
a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné
cette dernière aux fins de nullité pour dol ou résolution
pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les
parties ; que la cour d’appel a, par application d’une clause des
conventions conclues entre les parties, limité la condamnation de la
société Oracle envers la société Faurecia à
la garantie de la condamnation de celle-ci envers la société Franfinance
et rejeté les autres demandes de la société Faurecia ;
que cet arrêt a été partiellement cassé de ce chef
(chambre commerciale, financière et économique, 13 février
2007, pourvoi n° Z 05-17.407) ;
que, statuant sur renvoi après cassation, la cour
d’appel, faisant application de la clause limitative de réparation,
a condamné la société Oracle à garantir la société
Faurecia de sa condamnation à payer à la société
Franfinance la somme de 203 312 euros avec intérêts au taux contractuel
légal de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 2001 et capitalisation
des intérêts échus dans les termes de l’article 1154
à compter du 1er mars 2002 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Faurecia fait grief à l’arrêt
d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1°/ que l’inexécution, par le débiteur, de l’obligation
essentielle à laquelle il s’est contractuellement engagé
emporte l’inapplication de la clause limitative d’indemnisation
; qu’en faisant application de la clause limitative de responsabilité
après avoir jugé que la société Oracle avait manqué
à l’obligation essentielle tenant à la livraison de la version
V 12 en 1999, laquelle n’avait pas été livrée à
la date convenue, ni plus tard et que la société Oracle ne démontrait
aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait
empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force
majeure, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences
légales de ses constatations, violant ainsi les articles 1131, 1134 et
1147 du code civil ;
2°/ qu’en jugeant que la clause limitative de responsabilité
aurait été prétendument valable en ce qu’elle aurait
été librement négociée et acceptée et qu’elle
n’aurait pas été imposée à Faurecia, la cour
d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, violant
ainsi les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ;
3°/ qu’en jugeant que la clause, qui fixait un plafond d’indemnisation
égal au montant du prix payé par Faurecia au titre du contrat
des licences n’était pas dérisoire et n’avait pas
pour effet de décharger par avance la société Oracle du
manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de
toute substance cette obligation, la cour d’appel a violé les articles
1131, 1134, 1147 du code civil ;
Mais attendu que seule est réputée non
écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée
de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ;
que l’arrêt relève que si la société
Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat,
le montant de l’indemnisation négocié aux
termes d’une clause stipulant que les prix convenus reflètent la
répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en
résultait, n’était pas dérisoire,
que la société Oracle a consenti un taux de remise de 49 %, que
le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal
représentant européen participant à un comité destiné
à mener une étude globale afin de développer un produit
Oracle pour le secteur automobile et bénéficiera d’un statut
préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires
à une continuelle amélioration de la solution automobile d’Oracle
pour la version V 12 d’Oracles applications ;
que la cour d’appel en a déduit que la clause limitative
de réparation ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle
de la société Oracle et a ainsi légalement justifié
sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Faurecia fait encore le même grief
à l’arrêt, alors, selon le moyen, qu’après avoir
constaté que la société Oracle n’avait pas livré
la version V 12, en considération de laquelle la société
Faurecia avait signé les contrats de licences, de support technique,
de formation et de mise en oeuvre du programme Oracle applications, qu’elle
avait ainsi manqué à une obligation essentielle et ne démontrait
aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait
empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force
majeure, la cour d’appel a jugé que n’était pas rapportée
la preuve d’une faute d’une gravité telle qu’elle tiendrait
en échec la clause limitative de réparation ; qu’en statuant
ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences
légales de ses constatations, violant les articles 1134, 1147 et 1150
du code civil ;
Mais attendu que la faute lourde ne peut résulter
du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle,
mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur
; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que les deuxième et quatrième moyens ne seraient pas
de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Message perso pour Guillemette et Anaïs : concentrez vous, que je vous explique :
La CA a constaté le manquement à l'obligation
essentielle : la cour de cassation l'avait fermement invité à
la faire en 2007.
Pour autant, elle n'écarte pas la clause limitative de responsabilité
(voir fin du 1er motif)
L'arrêt de la cour de cassation en 2007 citait pourtant
1131 : pas d'indemnisation complète du manquement à une obligation
essentielle = pas de cause (1131)...
On voit que la CA ne l'entend pas tout à fait ainsi.
Les juges du fonds se souviennent de leurs cours de droit des
obligations, et la Cour de cassation, sans doute ravie de tant de présence
d'esprit, les approuve :
une cause est inexistante lorsque la contrepartie est, soit inexistante,
soit vile, dérisoire.
Ici, l'indemnisation est seulement réduite, elle n'est
pas dérisoire.
Donc, certes, Oracle a manqué à une obligation
essentiel, mais une clause limitative a été prévue, elle
est par principe valable ;
cette validité ici est confirmée puisque l'indemnisation octroyée,
en l'appliquant, existe, elle n'est pas dérisoire,
elle ne vide pas de toute substance l'obligation essentielle
d'Oracle.
Etape suivante :
il reste une solution, et une seule, pour écarter la
clause limitative de responsabilité, et vous savez laquelle depuis Chronopost
2002 : prouver la faute lourde.
Qui ici, n'est pas démontrée : le simple manquement à l'obligation
essentielle ne suffit pas : Chronopost 2005, il faut un comportement suffisamment
grave.